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"Ce n'est pas tant le métier qui change que la façon dont on l'exerce"

Robynne Sisco, CFO du groupe Workday, revient sur les particularités de son métier au sein d'un groupe présent dans 25 pays à travers le monde et coté en Bourse.

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'Ce n'est pas tant le métier qui change que la façon dont on l'exerce'

DAF MAG: Quel a été votre parcours au sein de Workday?

Robynne Sisco : Je suis arrivée chez Workday en tant que directrice de la comptabilité, avant de devenir CFO, puis coprésidente en charge des finances, des relations avec les investisseurs, et des domaines juridique et immobilier. Quand je suis arrivée, nous n'étions pas cotés, nous réalisions un peu moins de 100 M$ de chiffre d'affaires annuel et nous n'étions que 1 400 collaborateurs, donc nettement plus petits qu'aujourd'hui. Ma principale préoccupation était de préparer l'entreprise à supporter un taux de croissance soutenu et à maintenir ce niveau de croissance, en mettant en place l'infrastructure de gestion adéquate pour assurer une fluidité dans les process comptables, ainsi que des clôtures financières plus rapides, de manière à accroître le chiffre d'affaires. J'ai aussi préparé Workday à une entrée en Bourse. Je devais bien sûr veiller à ce que nous ayons les bons outils et processus de gestion pour supporter notre croissance future. Ma deuxième mission était d'être "ambassadeur" de Workday Financial, un produit que nous utilisions nous-mêmes. J'étais la mieux placée en tant que CFO pour faire un retour d'expérience auprès de nos potentiels clients. En parallèle, mes équipes préparaient des retours d'expérience pour nos équipes produit en interne afin d'améliorer encore la solution.

DAF MAG: De quelle façon est organisée la fonction finance au sein du groupe?

R.S. : Le groupe détient de nombreuses filiales, mais a gardé une organisation très centralisée en matière de gestion financière. Nous avons mis en place un centre de services partagés au siège de Salt Lake City (Utah- US), qui gère, notamment, toute la partie transactionnelle pour l'ensemble du groupe, donc tous les flux entrants et sortants tels que la paie, les crédits et recouvrements, les achats... Cette même organisation administrative et comptable s'occupe de produire les reportings de suivi du compte de résultat pour les différentes entités américaines. Une petite équipe comptable en Irlande gère la partie reportings et consolidation par pays, et l'ensemble des activités en dehors des États-Unis. Pour un groupe international avec un rythme de croissance soutenu, la gestion financière centralisée est le mode le plus efficace. En revanche, il y a des responsables locaux pour tout ce qui est planification et analyse financière dans chaque zone opérée, avec une gestion budgétaire localisée, bien entendu. Ils sont responsables de leur budget et de la gestion de celui-ci. Au siège, nous avons une visibilité sur les différents budgets afin de pouvoir procéder à des arbitrages et des ajustements si nécessaire, selon les développements des divers projets.

DAF MAG: Dans combien de pays opère Workday et quelles sont les attentes en termes de performance?

R.S. : Cela dépend, cela ne cesse d'évoluer ! (Rires) À date, le groupe est présent dans 25 pays, aux États-Unis, en Asie-Pacifique et en Europe avec, pour chaque pays opéré, une filiale. Sur les marchés les plus matures, on attend un certain niveau de profitabilité. Sur ces marchés en particulier, nous avons un potentiel de développement important. Pour ces zones-là, nous menons donc une stratégie d'investissements forte. En parallèle, nous continuons à nous développer aussi sur des marchés moins matures avec un retour sur investissement plus long terme, à dessein. La croissance des revenus est étroitement liée au niveau de maturité de Workday sur ses marchés. Ainsi, nous investissons massivement pour atteindre une taille critique, mais les attentes en termes de performances financières varient en fonction du marché cible.

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DAF MAG: Quelles sont les principales différences entre un CFO grand groupe et un CFO midmarket selon vous?

R.S. : Dans tous les cas, vous aurez besoin de faire de la planification budgétaire, de clore les comptes, de payer les employés, les fournisseurs... Malgré tout, dans une entreprise de taille moyenne, vous n'avez pas forcément les "Dans un grand groupe particulièrement, c'est l'équilibre entre prise de risques et sécurisation qu'il faut savoir gérer en permanence" mêmes outils et vous passez encore beaucoup de temps à réaliser des tâches de manière manuelle. En atteignant une masse critique, l'entreprise acquiert les moyens financiers pour investir vraiment dans la technologie et, ainsi, moderniser le service financier. Il est alors possible d'automatiser un certain nombre de process et d'avoir accès à l'information en temps réel, ce qui, en termes de reportings comptable et financier, change tout ! Vous pouvez plus facilement profiter des dernières technologies, comme le machine learning et l'intelligence artificielle. Vous passez d'une analyse a posteriori à des projections ajustables en permanence. De même, automatiser toute la partie transactionnelle permet de se focaliser sur des sujets plus stratégiques, d'accélérer la prise de décisions, de mieux soutenir le développement de l'entreprise. La vraie différence entre un service financier de grand groupe et celui d'une entreprise moyenne n'est pas tant les tâches mais les outils mis à disposition. Le métier ne change pas, c'est la façon dont on l'exerce qui change. Plus un groupe grandit, plus son organisation se complexifie. Le CFO a donc besoin - c'est crucial - d'avoir accès aux données en temps réel. Clôturer tous les mois ne suffit pas. Le fait d'avoir une vision en temps réel du pricing permet de réajuster le budget selon les besoins et les décisions stratégiques. Chez nous, chaque filiale a cette vision temps réel et tous les managers sont au courant des variations sur leur budget. De mon côté, en tant que CFO, je vois, en temps réel, les états financiers de l'ensemble du groupe et cela me permet de savoir si nous sommes alignés sur nos objectifs financiers ou si nous devons ajuster. Grâce à cette vision globale, je peux faire évoluer le budget en permanence et l'ajuster entre filiales. Cela nous permet de rester agile malgré notre taille.

"Dans un grand groupe particulièrement, c'est l'équilibre entre prise de risques et sécurisation qu'il faut savoir gérer en permanence."

DAF MAG: Le DAF d'une PME est en contact avec les équipes opérationnelles autant qu'en proximité directe avec le DG. Qu'en est-il pour vous?

R.S. : Je ne me préoccupe pas seulement des chiffres et de l'aspect financier, mais bien de l'entreprise dans son ensemble. Une partie de mon rôle est d'accompagner notre CEO et les autres membres du comité exécutif dans leurs choix d'investissements et la définition des grandes lignes directrices à suivre sur le long terme. Je m'intéresse à la vision stratégique de l'entreprise et à la façon dont nous voulons évoluer en tant que société. Piloter la croissance, c'est également s'intéresser aux équipes, aux employés au sens large, en veillant à ce que chacun reste innovant. Chez Workday, la culture d'entreprise et les valeurs portées sont très importantes. C'est quelque chose pour laquelle chacun s'investit. Comme nous avons grandi rapidement et que nous sommes aujourd'hui beaucoup plus nombreux et présents un peu partout dans le monde, il est d'autant plus essentiel de ne pas perdre de vue nos valeurs originelles. La première d'entre elles étant nos employés, la seconde, nos clients. Nous portons aussi des valeurs d'intégrité, d'innovation, de fun et, bien évidemment, de profitabilité. Chaque année, tous les managers de l'entreprise se réunissent deux jours durant pour cultiver ces valeurs et faire en sorte que chaque employé les véhicule au sein de l'entreprise.

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DAF MAG: Quelle est la stratégie de Workday en termes de financements?

R.S. : Le chemin classique de toute entreprise est, d'abord, d'aller chercher des fonds auprès d'investisseurs privés ou de groupes capitalistiques. Les étapes suivantes consistent à développer l'activité, faire augmenter la part de résultats et le taux de croissance, et gagner en renom. Quand les conditions sont réunies, elle peut se tourner vers l'introduction en Bourse. L'IPO marque une étape stratégique. Nous l'avons fait en 2012, ce qui nous a permis de convertir une partie de la dette en stock-options. L'objectif est d'avoir toujours le bon ratio entre crédits et capitaux propres. Nous avons une vision claire de nos objectifs, et une stratégie d'investissements et de conquête du marché soutenue. C'est pourquoi nous scannons en permanence le marché pour déceler les opportunités en matière de M & A. Jusqu'à l'an dernier, nous avons surtout procédé à des petites acquisitions de start-up technologiques, qui nous ont permis de compléter notre offre. Mais, l'année dernière, nous avons fait une acquisition majeure en rachetant Adaptive Insights pour 1,55 milliards de dollars, ce qui va nous permettre de franchir une nouvelle étape.

DAF MAG: Quelles sont, selon vous, les qualités d'un bon CFO?

R.S. : Vaste question ! Je pense que la flexibilité doit être la qualité principale d'un CFO aujourd'hui. Ce qui n'était pas le cas il y a 10 ou 15 ans. Désormais, il nous faut toujours nous adapter plus vite, adapter les organisations et les fonctionnements. Apprivoiser une nouvelle culture de la donnée. Avant, le CFO était la seule personne de l'entreprise à détenir l'intégralité des données financières ; aujourd'hui, tout le monde possède une partie de ces données, qu'elles viennent du SI finance ou des études de marchés ou que sais-je encore... Le CFO doit donc être capable de comprendre et de rassembler toutes les pièces du puzzle, pour leur donner du sens et permettre à l'entreprise de faire les bons ajustements stratégiques. La deuxième qualité d'un CFO est sa capacité d'arbitrage. Entre profitabilité court terme et investissement long terme, entre bon niveau de trésorerie et gestion des risques. Il faut pouvoir supporter la pression, ne pas céder à la facilité et être capable de prendre des décisions très vite. Plus le groupe est grand, plus l'identification des risques prendra du temps. Un grand groupe est plus sensible aux risques dans le sens où les conséquences sont proportionnelles à sa taille. D'un autre côté, vous ne pouvez pas arrêter de prendre des risques, sans quoi vous arrêtez d'innover et vous vous ferez vite dépasser par vos concurrents. C'est cet équilibre entre prise de risques et sécurisation qu'il faut savoir gérer en permanence.

Repères

Raison sociale: Workday

Activité: spécialisée dans les applications cloud dans le domaine des RH et de la finance.

Date de création: 2005

Dirigeant: Aneel Bhusri

Siège: États-Unis

Effectifs monde: 10 500 employés

CA 2018: 2,82 Md$, soit une croissance de 31 %

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