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Egalité professionnelle : quelles obligations pour les PME ?

Depuis le 1er janvier 2019, les entreprises de 50 à 250 salariés ont l'obligation, sous peine de sanction, de mesurer les écarts de rémunération entre hommes et femmes au travers d'un " index " calculé à partir de différents indicateurs. Le résultat devra être publié au plus tard le 1er mars 2020.

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Egalité professionnelle : quelles obligations pour les PME ?
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Si depuis 1946, le principe de l'égalité femme-homme " dans tous les domaines " est inscrit dans la Constitution, pour autant en pratique la rémunération des femmes reste toujours en moyenne inférieure à celles des hommes. Malgré des obligations mises au fil des ans à la charge des entreprises (négociations obligatoires, plan d'action sur l'égalité professionnelle, textes légaux sur la discrimination...), ces mesures se sont révélées insuffisantes aux yeux du législateur. C'est dans ce contexte, pour renforcer la lutte contre ces inégalités et la rendre effective, que celui-ci a pris l'initiative de créer une véritable obligation de résultat à la charge des entreprises et l'a, pour la première fois, assortie d'une sanction pécuniaire importante.

Présentation du dispositif

Les entreprises d'au moins 50 salariés ont désormais l'obligation de publier sur leur site internet chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en oeuvre pour les supprimer. Les entreprises de 50 à 250 salariés doivent ainsi mesurer les 4 indicateurs suivants (C. Trav., D. 1142-2-1) :

  • L'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;
  • L'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;
  • Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris ;
  • Le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

L'annexe 2 du décret n°2019-15 du 8 janvier 2019 présente les modalités de calcul et d'évaluation pour chacun des indicateurs selon des critères d'âge, de niveau ou coefficient hiérarchique, ou en fonction des catégories socioprofessionnelles déterminés au sein de chaque entreprise. C'est précisément la définition par chaque entreprise de ces critères qui sera déterminante pour pouvoir atteindre un niveau de résultat permettant d'échapper à toute sanction. L'attention de chaque chef d'entreprise doit donc être portée sur cette étape cruciale.

La note finale se porte sur 100 points et doit être publiée annuellement sur le site internet de l'entreprise (s'il n'existe pas de site internet spécifique à l'entreprise, la note devra être portée à la connaissance des salariés par tout moyen). Toute entreprise dont la note finale sera inférieure à 75 points devra mettre en oeuvre des mesures correctives, sous peine de sanctions.

Un bilan mitigé auprès des grandes entreprises

Pour publier leur index, les entreprises dont l'effectif est supérieur à 1 000 salariés avaient jusqu'au 1er mars 2019 et celles dont l'effectif est compris entre 250 et 1 000 salariés avaient jusqu'au 1er septembre 2019. Cette première mise en oeuvre a permis de mesurer les effets du dispositif sur l'année passée auprès des grandes entreprises. La quasi-totalité des entreprises se sont mises en conformité avec cette obligation. La Ministre du travail, Muriel Pénicaud, a annoncé les chiffres suivants : 17% des entreprises sont " en alerte rouge " pour avoir atteint une note inférieure à 75 points, la moyenne des entreprises entre 250 et 1 000 salariés est de 82/100 et celle des entreprises de plus de 1 000 salariés est de 83/100.

Une mise en oeuvre délicate pour les PME

La mise en place de ce dispositif s'est avérée fastidieuse pour les grandes entreprises qui disposent pourtant de moyens importants, notamment en termes de ressources humaines et de conseils juridiques. La tâche sera d'autant plus délicate pour les petites et moyennes entreprises qui, de fait, ne sont pas dotées des mêmes moyens. La méthode d'analyse est complexe et nécessite un réel travail de fond pour lequel les entreprises ont tout intérêt à se faire accompagner par leur conseil habituel. Les services du ministère du travail ont par ailleurs mis en place des outils d'accompagnement pour les entreprises comprenant notamment la désignation de référents au niveau régional ou départemental ainsi que l'organisation d'ateliers collectifs.

Des sanctions sévères

Lorsque les résultats obtenus par l'entreprise se situent en deçà de 75/100, l'entreprise dispose d'un délai de trois ans pour se mettre en conformité. A l'expiration de ce délai, si les résultats n'ont toujours pas atteint 75 points, l'employeur est passible d'une sanction pouvant atteindre jusqu'à 1% de sa masse salariale (C. Trav., art L 1142-10).

Par ailleurs, lorsque l'inspection du travail constate que l'entreprise n'est pas couverte par un accord collectif relatif à l'égalité professionnelle, qu'elle n'a pas publié son index ou qu'elle pas défini les mesures de correction nécessaires à la suite de l'obtention d'une note inférieure à 75/100, elle met en demeure l'employeur de remédier à la situation dans un délai qui ne peut être inférieur à 1 mois, ce qui représente un délai extrêmement court (C. Trav., R 2242-3).

Le manquement à ces trois obligations expose également l'employeur à une pénalité dont le montant est fixé à 1% de sa masse salariale (C. Trav., L 2242-8).

Aujourd'hui, plus de 17 entreprises ont déjà fait l'objet d'une mise en demeure par l'inspection du travail. Dès lors, il est important pour les entreprises de mesurer les enjeux de ce nouveau dispositif afin d'établir en amont une mise en oeuvre concrète et bénéfique de leurs actions.

Pour en savoir plus

Emilie Million-Rousseau, avocate au barreau de Marseille et associée du cabinet Racine, conseille et accompagne les entreprises sur l'ensemble des problématiques sociales qui se présentent à elles. Forte d'une importante expérience contentieuse, elle les assiste également en cas de litige devant les juridictions prud'homales et de sécurité sociale. Son activité se déploie aussi bien au bénéfice des TPE-PME régionales qu'auprès d'organisations professionnelles et de sociétés et groupes nationaux et internationaux.


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