La gestion de crise ne s'invente pas elle s'apprend !
Comment éviter la vague de défaillances que tous les médias, économistes et même certains politiques prédisent et redoutent ? Cette question, Daf et dirigeants doivent se la poser maintenant en restant positifs mais aussi en faisant preuve de beaucoup de lucidité et de pragmatisme.
Les entreprises pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire ont largement eu recours au PGE mis en place par l'Etat. Or, toutes n'ont pas toujours suffisamment anticipé la suite. De nombreux experts ont eu tôt fait de prévenir les entreprises contre les "revers" d'un PGE. En effet, les mesures de soutien mises en place par le gouvernement sont à la fois inédites et massives mais, pour certains économistes, celles-ci n'ont fait que mettre les entreprises sous perfusion.
Gare au réveil brutal
Les voix sont de plus en plus nombreuses à prédire une vague de défaillances qui aura l'effet d'un tsunami sur le tissu économique. Ces derniers temps les alertes se sont multipliées de la part des tribunaux de commerce notamment et des Daf eux-mêmes aussi. Conscient des travers que peuvent induire les mesures d'aides mises place, l'Etat tente lui aussi d'adoucir la chute à travers différentes initiatives : allongement de la durée de remboursement des PGE, possibilité de recourir au chômage partiel de longue durée pour certains secteurs d'activité ou encore mise en place d'un dispositif de préfinancement par affacturage pour faire gagner des jours de trésorerie aux sociétés.
"Aucune entreprise n'a été placé en cessation de paiement depuis le 17 mars 2020, souligne Françoise Malabard, Daf de transition spécialiste de la gestion de crise. Cela a créé un écran faussement rassurant et c'est ce qui explique qu'aujourd'hui de nombreuses entreprises se voilent la face." Par ailleurs, il faut s'attendre à ce que les conditions de financement des entreprises se compliquent. "En octobre, novembre, une entreprise qui voudra s'équiper de machines outils ne doit pas croire que décrocher un prêt bancaire sera une formalité !" L'Etat a certes décidé de prolonger les aides d'État, mais que vont faire les entreprises de cet argent ? Pour la Daf il faut que les dirigeants se posent les bonnes questions pour pouvoir faire preuve de résilience.
Stupéfaite par la situation de certaines sociétés, elle tente par divers biais d'informer et d'alerter les dirigeants sur la réalité de la situation. A travers le réseau 400 Partners dont elle fait partie elle a ainsi contribué à l'élaboration du Guide du retournement, document très concret qui reprend point par point les différentes étapes pour réussir à rebondir et liste les outils à disposition des dirigeants.
Avec les bons outils tout est encore possible
"Avez-vous pensé à étudier l'intérêt d'un rapprochement stratégique, de faire une levée de fonds, de recourir à l'affacturage ou au lease back et au nantissement ? La cession d'actifs partielle, y compris des actifs immatériels est également une option à étudier. Et bien sûr il faut envisager l'éventualité de se placer sous la protection du Tribunal de Commerce, conseille-t-elle. Il faut rester positif car les entreprises ont à leur disposition une boîte à outils complète de procédures collectives". Plutôt que de voir ces procédures (consultation, mise sous Mandat Adhoc, sauvegarde, redressement, etc.) comme une sentence et une preuve d'échec ou quelque chose à éviter à tout prix, mieux vaut les voir comme des outils pour rebondir en apprenant à s'en servir à bon escient.
Les procédures collectives effraient mais sont pourtant là pour protéger l'entreprise et ses salariés et il est possible de prévenir les difficultés de manière confidentielle puisque le Mandat Adhoc et la Conciliation sont confidentielles. Mais pour cela, il faut agir avant d'être en cessation de paiements. "Grâce à ces outils, les dettes vont pouvoir être gelées. Il ne reste que 3 mois pour sauver l'année 2021. L'Etat aura beau mettre tout l'argent du monde sur la table, si les entreprises ne se prennent pas en main cela ne servira à rien", prévient Françoise Malabard. Pour la Daf il convient d'ouvrir le champ des possibles avant que la situation ne se dégrade trop fortement.
Savoir s'entourer
Outre des conseils pratiques sur les procédures collectives et le calendrier à mettre en place selon votre situation, le Guide du retournement donne un certain nombres d'adresses des services de l'Etat capable de vous accompagner dans ces démarches. "Se faire accompagner n'est pas un aveu d'échec c'est une preuve d'intelligence et de clairvoyance du dirigeant !" souligne Françoise Malabard qui conseille de créer une cellule dédiée au restructuring de façon à apporter au dirigeant de l'agilité et une expertise ciblée par rapport à son besoin. En tous cas il est important de ne pas s'isoler quand ça va mal mais au contraire de faire fonctionner son écosystème d'entreprise et de se comporter avec les fournisseurs et les clients comme avec des partenaires.
Se mettre en ordre de marche
"Sauver l'entreprise reviendra à sauver des emplois, il est donc important de faire l'effort de faire un état sans concession et sans se voiler le face de la situation", insiste encore Françoise Malabard qui préconise de mener sans tarder un audit financier en faisant a minima une analyse du carnet de commandes et du cash disponible. Savoir rapidement où le bât blesse est essentiel. Et zoomer sur la gestion du cash reste la priorité bien sûr. "Faire un point sur l'état du cash disponible 2 voire 3 fois par jour n'est pas inutile du tout actuellement et le prévisionnel doit s'établir sur 6 semaines maximum !" estime la Daf. Selon elle il faudrait que les entreprises fassent comme si la situation était (déjà) critique.
Mais un audit financier va de pair avec un audit social c'est pourquoi les RH doivent aussi se mettre en ordre de marche pour notamment passer en revue les titres et fonctions sur les fiches de paies. "Une remise à plat à l'automne est nécessaire pour être prêt pour aborder 2021. Et ce n'est pas parce qu'on prévoit le pire que cela va forcément arriver, rappelle Françoise Malabard. D'autant que cette année les tribunaux de commerce seront plus patients et plus tolérants à l'égard des mises en procédures collectives."
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