M&A : attention aux contentieux post-acquisitions !
Malgré la crise, les fusions-acquisitions se poursuivent. Mais le risque de conflits d'acquisition s'accroît également : les dirigeants peuvent en effet être tentés de maquiller les comptes d'une société qui souffre de la situation actuelle ou d'établir un business plan trop optimiste.
En cette période de crise, il peut être tentant de céder aux sirènes des fusions-acquisitions. Soit pour vendre une activité peu rentable, soit pour acheter une société à prix intéressant. Mais attention aux contentieux qui peuvent avoir lieu suite à ces acquisitions !
Risque d'assignation pour dol
"Les conflits d'acquisition naissent généralement de business plans trop vitaminés qui sont remis en cause par les acquéreurs. Ils estiment en effet avoir réalisé un achat sur une valorisation trop élevée", rapporte Me Noémie de Galembert, fondatrice de Galembert avocats, cabinet dédié aux contentieux d'affaires.
Dans ces cas-là, le risque pour le vendeur est de se voir assigner en justice pour dol, c'est-à-dire pour acte de déloyauté, ce qui pourrait conduire à la nullité de la cession. "Si la nullité est prononcée, l'acquéreur doit rendre l'actif mais il récupère la totalité du prix de cession. S'il est impossible de rendre l'actif, un différentiel de prix lui sera restitué", précise Me de Galembert.
Sans aller jusqu'à la nullité de la cession, c'est une perte de chance qui peut être retenue. "L'acquéreur se voit alors restituer le différentiel entre le prix qu'il aurait payé s'il avait eu en main toutes les informations dissimulées et le prix effectivement payé", indique Me Noémie de Galembert.
Licenciement du Daf pour faute grave
A cette assignation pour dol, l'acquéreur peut ajouter une plainte devant le parquet en escroquerie. "L'acquéreur se juge trompé car il n'a pas pu prendre sa décision en toute connaissance de cause", explique Me Noémie de Galembert. Cela peut conduire à des indemnisations en dommages et intérêts et, surtout, la responsabilité pénale du dirigeant peut être engagée.
Le Daf ne risque généralement pas de voir sa responsabilité pénale engagée : si les comptes ont été maquillés, c'est généralement sur ordre de son dirigeant. Mais il peut cependant être licencié par l'acquéreur (si ce dernier est devenu sa nouvelle autorité de tutelle suite à l'acquisition). "C'est généralement un licenciement pour faute grave qui est prononcé, ce qui, lorsqu'il en bénéficie, a un impact sur le management package du Daf", ajoute Me de Galembert.
Gérer la pression du cédant
Prudence, donc. "Les Daf peuvent être pressés par leur direction générale d'établir des chiffres optimistes mais il ne faut pas créer de déception auprès de l'acquéreur qui, de plus, sera peut-être leur nouvelle autorité de tutelle", met en garde Me Noémie de Galembert. Elle invite également à penser à son management package : quand il bénéficie d'un management package, le Daf est en effet vendeur et acquéreur à la fois et il n'a aucun intérêt à maquiller les chiffres.
Il s'agit donc pour le Daf de gérer la pression du cédant afin de ne pas faire d'erreur qui engagerait sa responsabilité vis à vis de l'acquéreur.
Apporter des preuves de l'intention de tromper
Et si le Daf saisi du sujet est celui de l'acquéreur ? Comment faire valoir ses droits face à des comptes maquillés ou un business plan trop optimiste ? Ce n'est pas toujours évident. "Le standard du dol est élevé : il faut démontrer qu'il y a eu un vrai mensonge actif ou une dissimulation passive, c'est-à-dire qu'une information qui aurait pu influer de façon déterminante sur l'acquisition a été gardée secrète", énonce Me Noémie de Galembert.
Il s'agit donc, avant d'assigner pour dol, de bien travailler son dossier : auditer le processus pour comprendre son déroulement, établir les responsabilités, etc.
"Si les prévisions sont trop vitaminées, il faut montrer l'intention de mentir volontairement sur les atterrissages", poursuit Me de Galembert. Des preuves doivent être amenées pour étayer sa thèse, comme des e-mails. "L'article 145 du code de procédure civile permet, en cas de soupçon de fraude ou de faute, de faire autoriser par le tribunal de commerce des recherches par des huissiers et experts informatiques dans les e-mails de l'entreprise. Mais il faut un motif légitime de penser qu'il existe des preuves dissimulées et donc un début de preuve pour convaincre le président du tribunal", rapporte Me de Galembert.
Une fois le dol prouvé, l'acquéreur doit démontrer qu'il n'aurait pas acquis du tout l'actif ou alors à des conditions différentes : il pourra alors à son choix demander la nullité ou des dommages et intérêts.
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