Maîtrise des risques financiers : un puissant levier d'amélioration du pilotage de l'entreprise
Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le
Liquidités, volatilité des taux de change, protection des données, contreparties, fraude, intégration des acquisitions, placements, délais de paiement, géopolitique... Les risques auxquels est confronté un Daf sont légion. En les analysant précisément il pourra en faire un outil de pilotage global.
" La gestion des risques est devenue un véritable outil opérationnel qui nous permet de mobiliser les équipes, affirme Aymeric Le Chatelier, CFO du groupe pharmaceutique Ipsen. Le pilotage des risques, notamment celui des risques financiers, est un vrai levier d'amélioration. " Si Ipsen semble bien organisée en la matière, il est loin d'en être de même pour l'ensemble des entreprises françaises. " Globalement, il existe un déficit important de la politique de prévention des risques financiers. Souvent, la prise de conscience se fait par l'intermédiaire d'un événement extérieur (par exemple, levée de fonds, entrée en Bourse ... ) ou d'un partenaire de l'entreprise qui pointe du doigt ce sujet, remarque Marc Biasibetti, associé responsable middle market pour Mazars. Pourtant, ces politiques créent de la maîtrise et, donc, de nouveaux leviers d'action et de gestion. "
Une démarche en trois temps
Les entreprises doivent donc prendre conscience des enjeux et mettre en oeuvre une politique structurée de management de leurs risques financiers. En d'autres termes, fermer les yeux en espérant que cela se passe comme on l'espère est tout sauf une bonne idée ! Une démarche en trois étapes semble pertinente. Tout d'abord, le diagnostic d'exposition. Si certains risques financiers sont communs à toutes les entreprises, d'autres sont plus spécifiques. À chacun d'en faire un état des lieux précis et complet. Ensuite, la priorisation de ces risques : quels sont ceux contre lesquels l'entreprise doit absolument se prémunir ? Enfin, la mise en place des actions nécessaires : internes, grâce par exemple, à des process plus sécurisés, ou externes via des assurances. " Il est évident qu'il est impossible de se couvrir à 100 % contre tout. Il y a forcément des risques résiduels, mais cela ne veut pas dire qu'il faut rester passifs ! Le plus important est de savoir ce que l'on est prêt, et capable, d'assumer ", poursuit le spécialiste des ETI pour Mazars.
Selon lui, le Daf doit être proactif sur le sujet : " Le sujet repose principalement sur ses épaules. Il doit absolument sortir de son bureau et des discussions avec ses conseils habituels, pour échanger avec ses pairs, avec des associations spécialisées ". Bruno Pouget, associé, lui aussi, pour Mazars, abonde dans le même sens : " Au sein des PME et des ETI, le Daf est le premier rempart face aux risques financiers. Il doit donc absolument porter cette conviction et sensibiliser ses dirigeants. Ils le remercieront quand ils comprendront les opportunités d'amélioration du pilotage de l'entreprise que cela engendre. "
Des risques financiers classiques...
" En termes de risques, il est certain qu'une très lourde responsabilité pèse sur les épaules du Daf " , reconnaît Jean-François Cottin, expert-comptable associé au sein de Fidéliance. " Le Daf est garant de l'équilibre financier de la structure au sein de laquelle il exerce, de sa sécurité et de sa stabilité. S'il n'anticipe pas un assèchement de la trésorerie, il met en péril son entreprise. Idem s'il fait une mauvaise lecture des grands indicateurs, alerte-t-il. Il doit avoir une vision globale, fine et actualisée en permanence de l'ensemble des situations à risques auxquelles peut être confrontée son entreprise. C'est le B.A.-BA, mais on peut le perdre de vue quand on est dans l'opérationnel. "
Parmi les risques financiers les plus courants, figurent ceux liés aux liquidités, à la volatilité des taux de change, au financement, à la protection des données, aux contreparties, à la fraude, aux acquisitions, aux placements... Le Français Bertrand Sarrere est le CFO de l'ETI franco-suisse Pancosma, spécialisée dans la nutrition animale. Le risque numéro 1 qu'il doit prendre en compte concerne les taux de change. " Nous travaillons avec une dizaine de devises différentes à la vente et aux achats. Pour couvrir la variation de change à moindre risque, nous distribuons nos produits via notre propre réseau dans la devise du pays et nous gérons le risque de change ensuite , précise-t-il. En parallèle, nous échangeons en permanence avec les acheteurs de l'entreprise afin de prescrire les achats dans une des monnaies utilisées pour lesquelles nous avons des excédents et de limiter, ainsi, au maximum les risques liés aux transactions. "
Édouard Ravinet est le directeur financier du groupe PSB Industries (2 000 salariés, 15 sites industriels, 275 M€ de chiffre d'affaires en 2018), positionné sur l'injection, l'assemblage et la décoration de pièces plastiques pour le luxe, l'aéronautique, l'automobile et la santé. Lui aussi se trouve confronté à un risque majeur lié aux devises : " Nous avons à gérer des risques de change locaux et un risque de conversion de nos états financiers consolidés. Voilà pourquoi, malgré notre taille modeste, nous nous sommes dotés, il y a cinq ans, d'un trésorier groupe. Une partie significative de son travail consiste à nous couvrir. Nous ne pouvons pas nous couvrir à 100 %, mais nous atténuons le risque au maximum ". Édouard Ravinet se montre aussi très attentif au risque de contreparties : " Nous avons eu de mauvaises expériences dans le passé ". Depuis trois ans, des règles de contrôle des encours clients ont été mises en place, avec des limites précises. Les délais de paiement sont également scrutés à la loupe.
... et des risques émergents
Parallèlement à ces risques classiques, émergent désormais d'autres facteurs de danger, moins connus. Le risque géopolitique est l'un d'eux. " Les ETI sont de plus en plus internationalisées, elles sont donc forcément de plus en plus exposées , commente Bruno Pouget, de Mazars. Quand les États-Unis décident de réintroduire des droits de douane, par exemple, cela peut avoir un impact fort pour elles. " Or, les ETI ne disposent pas systématiquement d'expertises internes en géopolitique... Caroline Allouët, responsable du pôle performance opérationnelle pour BM&A, pointe un autre sujet d'actualité : le renforcement des sanctions prévues dans le cadre de la réglementation encadrant les délais de paiement : " Les seuils ont été rehaussés de 375 000 à 2 millions d'euros, et même 4 millions en cas de récidive. Les Daf doivent surveiller ce sujet, car les montants en jeu sont aujourd'hui significatifs ". Et d'expliquer que certains de ses clients ont été sanctionnés, car dans l'incapacité de respecter les délais de paiement du fait de process trop complexes.
En matière de prévention des risques financiers, comme dans la plupart des sujets de l'entreprise, l'anticipation paie. Une politique réfléchie et construite permet d'éviter les écueils les plus dangereux.