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Défaillances d'entreprises : les dangers du risque crédit

En 2023, le nombre de défaillances d'entreprises est en hausse par rapport à l'année précédente. À cela s'ajoutent le rallongement des délais de paiement, l'inflation, des taux d'intérêt toujours élevés... À la lumière de ce climat monétaire et financier instable se profile la gestion du risque crédit.

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Défaillances d'entreprises : les dangers du risque crédit

Les défaillances d'entreprises ont retrouvé leur niveau d'avant 2019 (avec une hausse de près de 35 % par rapport à 2022). Et si toutes les entreprises sont touchées, le nombre de défaillances des ETI et grands comptes a doublé (57 en 2023 contre 27 en 2019). « Nous observons un retour des défaillances d'entreprises équivalant à la période de pré-­Covid avec une année 2024 encore très difficile en raison de la persistance de l'inflation, de taux d'intérêt élevés... Les entreprises, notamment sous LBO, qui n'ont pas pu se refinancer pendant la crise Covid voient arriver leurs échéances de refinancement pour 2025-2026 et vont commencer à devoir anticiper des mesures de restructuration financière », avance Alexandre Koenig, avocat associé au cabinet Stephenson Harwood, responsable de l'activité restructuring. Un avis partagé par Nesrin Gonin, directrice des services d'information France et Europe de l'Ouest chez Coface pour qui « on s'attend encore à une augmentation de ces défaillances en 2024 ».

Et si les seuils de défaillances restent élevés, ils ne sont pas une surprise pour Thierry Millon, directeur des études de la société Altares pour qui « l'activité en berne, le niveau d'inflation encore élevé, les taux d'intérêt toujours hauts et la consommation qui flanche forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises ». Avec, en cascade de ces défaillances d'entreprises, un risque crédit accru, soit des pertes financières si le débiteur est dans l'inca­pacité de rembourser une créance et/ou du risque encouru si l'entreprise elle-même ne peut pas rembourser les créances dues à ses fournisseurs.

« L'information, c'est la clé »

Pour anticiper les défaillances de ses clients ou fournisseurs, « l'information c'est la clé », souligne Alexandre Koenig. Ainsi, généralement, les ETI sont bien préparées et outillées pour anticiper le risque crédit. Elles disposent d'outils de monitoring et mettent en place un suivi régulier de leurs relations clients et fournisseurs en interne. Elles peuvent s'appuyer aussi sur de nombreux acteurs comme Altares, CreditSafe, Ellisphere ou Nota PME, par exemple, qui proposent des outils de gestion du risque de crédit intégrés. Ainsi, Ellisphere a institué un indice de résilience basé sur deux indicateurs : le premier sectoriel qui repose sur les codes APE (NAF) et détermine la sensibilité de l'activité de l'entreprise face aux chocs économiques (crise Covid-19, conflit russo-ukrainien...) et leurs conséquences, couplé à un indicateur financier qui permet de déterminer le seuil acceptable de cash généré par l'activité de l'entreprise et de mesurer sa capacité à pouvoir rembourser ses dettes exigibles à court terme. L'avocat conseille d'exiger des obligations de reporting pour affiner sa connaissance de l'entreprise et de l'évolution de sa situation financière, dès la mise en place d'une relation clients-fournisseurs.

Couverture du risque crédit

Il existe des mécanismes de couverture du risque crédit comme la garantie d'affacturage (soit le fait de transférer le risque de recouvrement des factures à un tiers) ou encore la titrisation (transfert des créances à un fonds commun de créances). Une autre solution est encore de contracter une assurance-crédit pour assurer les défauts de paiement. Ainsi, des acteurs comme Coface proposent diverses solutions pour pallier le risque crédit. L'expert en assurance-crédit à l'international propose des outils permettant d'avoir une connaissance précise de ses clients ou fournisseurs, en complément d'une assurance-crédit et d'une solution de recouvrement de créances. Une sorte de triptyque pour « s'informer, se protéger et pouvoir recouvrer les créances », précise Nesrin Gonin, en cas de défaillance de ses clients ou fournisseurs.

Pour anticiper les risques de non-solvabilité ou défaillance, Coface propose donc une évaluation micro et macro-économique par pays et secteurs d'activités, basée notamment sur les travaux d'économistes du groupe. « Notre expertise d'évaluation des entreprises est mise à disposition via notre plateforme digitale URBA360, avec entre autres un score correspondant à la probabilité de défaut à 12 mois de l'entreprise. Nos solutions peuvent également être connectées via des API. Nos analyses reposent sur notre expertise d'assureur et une base de données de 190 millions d'entreprises réparties dans 200 pays », détaille Nesrin Gonin. Des recommandations peuvent être émises sur l'exposition aux risques pays et une performance financière des clients est établie par rapport aux sociétés paires. Les portefeuilles clients sont analysés au regard des KPI financiers mis en place par l'entreprise. « Il s'agit également de repérer les signaux faibles », selon l'experte.

Dans cette optique, un nouvel indicateur sur les retards de paiement et les délais de paiement est en cours de déploiement. De même, les risques ne cessant de croître, une nouvelle couverture de risques politiques et de crédit a vu le jour pour s'assurer contre des risques comme des conflits armés, grèves, actes de terrorisme, boycott, changement de législation, expropriations...

Dispositions contractuelles

Aux mécanismes d'assurance s'ajoutent plusieurs dispositions juridiques permettant aux entreprises de se protéger d'un éventuel risque crédit. Le premier est la réserve de propriété, soit une stipulation contractuelle destinée à assurer au vendeur qui a consenti à l'acheteur un crédit qu'il conservera la propriété de la chose vendue jusqu'au complet paiement du prix sans avoir à craindre le concours d'autres créanciers de l'acquéreur. « Assurez-vous d'insérer dans votre contrat une clause de réserve de propriété. Dans l'hypothèse d'un défaut de paiement, voire de procédure collective de l'acquéreur, le vendeur pourra préserver ses droits et, le cas échéant, récupérer la marchandise impayée après l'exercice d'une action en revendication », précise Alexandre Koenig.

En parallèle, la sûreté est un mécanisme très efficace en cas de procédure collective. « Une sûreté repose sur la valeur économique de l'actif sous-jacent par rapport à la valeur de la créance garantie et permet à son bénéficiaire de préserver ses droits dans la procédure collective de son débiteur », souligne Alexandre Koenig. Ainsi, si l'actif est en fiducie, la sûreté la plus efficace permet de sortir du patrimoine les actifs, car le patrimoine fiduciaire est insaisissable, y compris par l'administration fiscale. C'est selon certains la reine des sûretés pour les prêteurs. Les sûretés doivent être mises en place « le plus en amont possible dans la relation contractuelle, et en particulier de la date de cessation de paiement. À défaut, elles peuvent être remises en cause dans le cadre d'une action en nullité si elles ont été mises en place en période dite suspecte (laps de temps entre le jour de l'ouverture d'une procédure collective et la date à laquelle le débiteur s'est trouvé en état de cessation de paiements) ».

Enfin, le droit de rétention est une arme juridique également très efficace. « Pour améliorer la position du créancier en cas de procédure collective, le droit de rétention est une arme redoutable, car il lui permet de retenir le bien qu'il détient jusqu'à son complet paiement, et le cas échéant d'être payé si le débiteur en fait la demande au juge-commissaire pour les besoins de son activité, même quand les créances sont gelées », conclut Alexandre Koenig.

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