Et si vous vous faisiez enfin payer vos factures ?
Le recouvrement de créances peut être un véritable casse-tête pour un DAF de PME ne disposant pas de ressources humaines pléthoriques pour relancer les clients indélicats. Quelles solutions pour réussir à se faire payer ?
Les chiffres sont édifiants. Selon la Figec (Fédération Nationale de l'Information d'Entreprise, de la Gestion des Créances et de l'Enquête Civile), 56 milliards d'euros de créances seraient passées en perte par les entreprises françaises chaque année car impayées. Encore plus grave, 25% des défaillances d'entreprises seraient imputables à des retards ou à des défauts de paiement.
Selon le dernier baromètre Cabinet Arc/Ifop, les délais de paiement auraient néanmoins tendance à diminuer. " Les PME payaient avec un retard moyen de 14,1 jours en 2012, de 11,5 jours en 2018 et de 10,9 jours cette année. Pour les grands comptes, le retard était de 8,3 jours en 2012, 10,1 l'année dernière et de 8,9 jours en 2019 ", commente le fondateur du cabinet ARC, Denis Le Bossé, spécialisé dans le recouvrement de créances. " Cela peut s'expliquer notamment par une pratique du name & shame plus systématique et la publication des premières amendes dont le plafond est aujourd'hui de deux millions d'euros ", explique-t-il.
Il n'en reste pas moins que face aux besoins de trésorerie, les entreprises sont encore 24% à allonger leurs délais de paiement fournisseurs. Presque autant qu'à utiliser le découvert bancaire (25%) ! " Les entreprises se financent plus avec leurs fournisseurs qu'avec leurs banquiers ! Il est indispensable d'éduquer les entreprises sur ce sujet ", pointe Philippe Bernis, spécialiste du recouvrement. En attendant, les entreprises doivent être particulièrement attentives à ce sujet. Produire ou servir parfaitement, en étant rentable, c'est bien. Produire ou servir parfaitement en étant rentable ET en se faisant payer ses factures, c'est mieux !
Bien gérer son poste client
Thomas Loeb est formel. Pour l'ex-directeur du recouvrement et de la facturation pour Numericable, à la tête du cabinet de recouvrement VCD depuis 10 ans, le levier numéro 1 pour se faire payer ses factures est une gestion bien travaillée du poste client. " Qu'est ce qui génère du non-paiement ? Les problèmes de trésorerie des clients certes mais aussi la mauvaise gestion du poste client. Avoir des supers produits ne suffit pas, la ligne order to cash doit faire l'objet d'une vision globale " explique-t-il. Et d'illustrer avec une analogie sportive : " dès que la commande est passée, l'entreprise doit faire du curling devant le paiement. Elle doit balayer devant le règlement pour qu'il arrive le plus vite possible chez elle : cela signifie s'assurer de la production, du respect des délais de livraison etc. Si tout le process fonctionne bien, le taux de créances impayées chute automatiquement. "
L'expert préconise également de vérifier systématiquement la solvabilité des clients dès leur acquisition, en utilisant les outils de cotation à disposition. " C'est vrai que cela peut générer des difficultés relationnelles avec le service commercial mais réaliser une prestation et ne pas se faire payer a des conséquences bien plus importantes que de ne pas signer le contrat. Il est vrai aussi que ces vérifications demandent des ressources dont ne disposent pas forcément les DAF des PME et ETI, mais il faut le voir comme un investissement nécessaire à la pérennité de l'entreprise. " Thomas Loeb suggère par ailleurs de suivre régulièrement l'état de solvabilité et, en cas d'alerte, d'adapter les modes de règlement pour minimiser les risques : acompte, paiement avant livraison, etc.
Malgré tout, il peut être compliqué de se faire payer en temps et en heure. C'est pourquoi il faut anticiper ! " Il est judicieux de relancer ses clients avant l'échéance. Si le délai est de 30 jours, par exemple, une première relance téléphonique au bout de 20 jours est pertinente. C'est une façon de nouer le contact, de lancer éventuellement une prochaine action commerciale et de s'assurer que la facture a bien été reçue ", signale Philippe Bernis de Direct Recouvrement. " Quand l'échéance est dépassée, une deuxième relance téléphonique est nécessaire pour comprendre la raison du retard et indiquer à son interlocuteur, avec tact mais fermement, qu'il n'est plus dans les clous. C'est encore un tabou en France, les entreprises n'osent pas aller réclamer leur argent par peur de briser la relation commerciale. "
Si cette première approche n'a pas d'effet, il est alors temps de passer aux premiers écrits avec des relances officielles, puis le cas échéant à une mise en demeure avec menaces plus sérieuses. " A ce stade, il est important d'être prêt à mettre en oeuvre ses menaces. Sinon, vous perdez toute crédibilité et le client réitèrera ses retards sans aucun doute ", insiste Philippe Bernis. Sans retour du client, il est temps de passer aux choses sérieuses...
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