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Business model et start-up : les grands gagnants sont l'intermédiation et l'abonnement

Il existe autant de business models que de start-up digitales. Chacune a ses spécificités, ses variantes, mais deux standards semblent s'imposer : l'intermédiation et l'abonnement. Avantages et contraintes de ces business models et de quatre autres (freemium, monétisation data...)

Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le
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Business model et start-up : les grands gagnants sont l'intermédiation et l'abonnement

Derrière les levées de fonds par millions d'euros, derrière les rachats mirobolants par tel ou tel géant américain, la réalité des start-up du numérique est moins rose. La plupart mettent la clé sous la porte avant leur cinquième anniversaire. Et ce ne sont pas forcément les plus innovantes qui survivent.

"Très peu de business models résistent à l'épreuve des premiers clients..."

Xavier Lesage

Pourquoi ? Existerait-il un business model idéal, une recette magique dont il faudrait suivre à la lettre l'assemblage des ingrédients sous peine de faire retomber le soufflé ? " Non, non et non !", répond sans équivoque Xavier Lesage, responsable de l'incubateur de l'ESSCA, école de management implantée à Angers et à Paris. " S'il y avait un one best way, cela se saurait ! ", sourit l'enseignant. " Et c'est bien pour cela que les start-up pivotent régulièrement. Très peu de business models résistent à l'épreuve des premiers clients... ". D'autant que le Daf n'est souvent recruté qu'avec la première levée de fonds.

Une start-up, c'est quoi exactement ?

Utilisé à toutes les sauces, parfois abusivement, le terme start-up recouvre les sociétés, quel que soit leur âge, avec les caractéristiques suivantes : la start-up doit mettre sur le marché une technologie ou un service innovant, dans un environnement incertain donc, et avoir un fort potentiel de croissance alimenté souvent par des financements importants. Lorsque l'entreprise devient rentable, elle sort de l'univers start-up.

Matthieu Vetter, directeur financier en temps partagé pour les start-up (Espadon Finances), confirme : " par définition, une start-up est un état par lequel passe une entreprise pendant lequel elle cherche un business model répétable pour une mise à l'échelle. Elle peut en essayer 5, 10, 15... Beaucoup en combinent plusieurs au final ". Il précise : " Les start-up avancent sans possibilité de comparaison avec les modélisations standards. Le Daf peut simplement éclairer dans le noir, en attendant la rentabilité ! ".

Pas de business model idéal donc, mais les deux experts pointent quelques modèles de revenus plus en vogue que d'autres, plus séduisants pour les investisseurs, plus facilement générateurs de rentabilité à moyen terme. Mais pas forcément innovants. " Les start-up ont souvent des innovations technologiques ou des innovations d'usage mais très peu d'entre elles innovent en matière de business model. Elles sont plutôt conservatrices en la matière et utilisent des modèles qui existent depuis très longtemps. Elles les adaptent seulement à l'ère du digital ", souligne Alexandre Chopin, expert-comptable et consultant spécialiste de l'innovation au sein du Groupe Soregor, et TGS France.

Au-delà du modèle consistant à lever des fonds pour développer un service très innovant et le revendre des millions de dollars sans se soucier de rentabiliser son innovation à court terme, deux modèles sortent du lot depuis trois ans : l'abonnement et l'intermédiation.


Les chiffres à retenir

Selon le baromètre 2017 de la performance économique et sociale (*) des start-up du numérique en France (baromètre EY avec France Digitale), leur chiffre d'affaires a progressé de 33% entre 2015 et 2016, passant ainsi de 4 à 5,3 milliards d'euros. 54% de leurs revenus ont été générés à l'étranger. Leurs effectifs ont progressé de 25% sur la même période pour dépasser les 20.000 salariés l'année dernière (dont 89% en CDI). 10% seulement des P-dg sont des femmes. Plus de la moitié de ces start-up font appel à des incubateurs ou à des accélérateurs.

Méthodologie : baromètre réalisé à partir des données collectées auprès de de 317 start-up. Enquête envoyée par France digital et capital risqueurs auprès de start-up dans lesquelles ils ont investi

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- L'intermédiation : le plus à la mode

" Il s'agit du modèle le plus répandu ", assure Alexandre Chopin. " Les start-up surfent sur les nouveaux comportements des entreprises et des consommateurs de plus en plus à l'affût des bonnes affaires ". Le principe est celui autrefois plus sobrement nommé de l'apporteur d'affaires. De multiples plateformes ont émergé autour de la mise en relation entre particuliers, entre professionnels ou entre professionnels et particuliers. La rémunération se fait en général à la commission.

Avec un niveau de commissionnement oscillant entre 5 et 20% selon les activités, " la contrainte est d'atteindre un volume d'inscrits suffisant pour être crédible et générer un chiffre d'affaires assez important pour assurer la rentabilité de la structure " explique François Meunier, économiste et auteur de " Comprendre et évaluer les entreprises du numérique ".

Matthieu Vetter

Matthieu Vetter, Daf à temps partagé, prévient : " Dans ce modèle, il faut être particulièrement vigilant aux coûts d'acquisition des parties prenantes. Et vérifier qu'ils sont raisonnables au regard du chiffre d'affaires généré ".



Cas pratique: la start-up Archionline

Une contrainte que Victor Thoulouze, fondateur en 2003 de la start-up parisienne Archionline, valide. Il a réalisé en septembre 2016 une levée de fonds d'1,2 million d'euros qui lui a permis d'accélérer notamment la phase d'acquisition pour afficher désormais l'épaisseur de 300 architectes et 800 entreprises du BTP partenaires. " Au départ, nous étions sur un business model transactionnel. Les clients achetaient des plans issus des archives des architectes pour construire leur maison. Ce modèle fonctionne très bien aux Etats-Unis. Mais en France, les règles d'urbanisme sont tellement contraignantes que les plans n'étaient pas réutilisables tels quels. Il a fallu pivoter mi 2015". La start-up s'est alors orientée vers un système de market place. Les clients expriment leurs besoins aux experts de l'entreprise. Ceux-ci les mettent ensuite en relation avec l'architecte et l'entreprise de travaux général, inscrits sur la plateforme et jugés les plus experts. La mise en relation est agrémentée de services additionnels payants.

La start-up de buildtech se rémunère par ailleurs auprès des professionnels par une commission d'apporteur d'affaires. Archionline a réalisé un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros en 2017 (15 salariés, dont un directeur administrateur et financier). Elle vise l'équilibre financier en 2019 avec un chiffre d'affaires de 23 millions d'euros pour 26 salariés. " L'important aujourd'hui est de scaler notre business. Le chiffre d'affaires va se démultiplier mais pas nos coûts fixes ", affirme Victor Thoulouze.





- L'abonnement : le plus sécurisant pour les investisseurs

Olivier Arthaud

Olivier Arthaud, vice-président de la commission d'évaluation de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, est formel. " Même s'il est extrêmement difficile, voire impossible d'évaluer une start-up en phase de lancement, certains modèles sont plus attractifs. Celui qui séduit le plus les investisseurs est sans conteste celui de l'abonnement. Il limite les problèmes de recouvrement et donne une lisibilité intéressante du chiffre d'affaires ". Florent de Kersauson, directeur financier d'Alcatel pendant 20 ans et président fondateur du comité d'investissement de Nestadio capital confirme l'analyse du commissaire aux comptes mais nuance. " L'abonnement, ou le SAAS, est le modèle le plus excitant. En revanche, les contraintes sont fortes, il faut avoir les poches pleines car les coûts d'acquisition sont souvent importants. Je vois souvent des start-up revenir vers nous pour des financements supplémentaires, tous les 6 mois. Elles n'avaient pas anticipé suffisamment leurs besoins. En revanche, quand elles ont basculé du côté de la rentabilité, c'est un modèle extrêmement robuste ".

Cas pratique: les start up Kiwatch, Blacknut et Doctolib

Si elle atteint ses objectifs pour 2018, il aura fallu effectivement 7 ans à Kiwatch, cette start-up nantaise commercialisant une solution de vidéo surveillance par internet sur abonnement, pour atteindre la rentabilité. " Je voulais absolument un business model basé sur l'abonnement car la récurrence du chiffre apporte une plus grande valeur à l'entreprise ", explique Cédric Williamson, son fondateur. " Mais il faut du cash pour le kick off. Beaucoup de cash. Les abonnements sont peu chers. Pendant toute la période d'acquisition, les contraintes sont extrêmement fortes sur le BFR ". Après plusieurs années dans le rouge, Kiwatch va atteindre la ligne de flottaison. Pour poursuivre son développement commercial et tripler, chaque année pendant les trois prochaines années, son chiffre d'affaires, elle vient de lever deux millions d'euros auprès d'un fonds d'investissement parisien et d'un fonds institutionnel nantais.

Olivier Avaro, fondateur de la start-up bretonne Blacknut créée en 2016 (35 salariés) et Mong Trang-Sarrazin, CFO de Doctolib (400 salariés), ont bien intégré eux aussi ce paramètre du coût d'acquisition lié à l'abonnement. A la suite d'une levée de fonds, le premier va mettre sur le marché dans les prochaines semaines son service qu'il définit comme " le Netflix du jeu vidéo ".

Olivier Avaro

Il avait été à l'origine en 2004 de la spin-off d'Orange, Streamezzo (logiciel de développement d'applications mobiles), revendue plusieurs dizaines de millions de dollars à Amdocs en 2010. La seconde est à tête du service financier de la start-up mettant en relation patients et professionnels de santé (prise de rdv). Tous deux notent le confort d'avoir une lisibilité de leur chiffre d'affaires, sans gestion de paiement différé. Mais reconnaissent des coûts d'acquisition importants. " Doctolib ne gagne pas encore d'argent, c'est typique des modèles en V nécessitant des investissements importants pour acquérir des clients (médecins). La rentabilité sera ensuite très intéressante ", souligne Mong Trang-Sarrazin". Pour mener à bien sa stratégie de digitalisation et de développement à l'international, la start-up enchaine les levées de fonds de grande envergure. Après avoir collecté 25 millions d'euros en janvier 2017, Doctolib a conclu une nouvelle opération à 35 millions en novembre dernier, auprès de BpiFrance et du fonds d'investissement Eurazeo. 200 personnes seront recrutées en 2018.

Olivier Avaro, encore au début de cette nouvelle aventure, préfère rester prudent, malgré des perspectives s'annonçant plutôt florissantes: " L'abonnement apporte une forte récurrence mais il faut bien équilibrer les coûts d'acquisition et les taux d'attrition. En sachant que dans une start-up, on ne peut pas vraiment se fier aux standards ". En attendant de connaitre les métriques, il préfère donc être économe : " investir des millions d'euros pour attirer des milliers de clients et se rendre compte qu'ils ne restent pas longtemps abonnés et ne rentabilisent pas l'argent dépensé pour les attirer, ce serait une catastrophe. Un cycle d'un an est nécessaire pour confirmer le modèle ".

Intermédiation comme abonnement peuvent générer jusqu'à 80% de rentabilité grâce à la capacité des start-up à déployer leur chiffre d'affaires tout en maitrisant leurs charges fixes... A condition évidemment d'avoir validé leur scalabilité. C'est-à-dire leur capacité à monter très fortement en charge sans exploser en vol.

D'autres modèles courants dans l'univers numérique :

- La vente de produits ou services low cost

Un modèle possible grâce à la massification offerte par le digital. Il s'agit de tous les sites de e-commerce par exemple.

- La publicité

Business model répandu notamment dans le secteur des applications mobiles. Voodoo par exemple, spécialisée dans les jeux mobiles " ultra casual " mise sur ce type de revenus. Cette start-up en fort développement (40 salariés, CA : non communiqué), en voie de devenir leader de son marché, réalise 95% de ses revenus grâce à la publicité. " Pour gérer l'hypercroissance et les problématiques de BFR, nous avons travaillé avec les régies publicitaires pour accélérer les délais de règlements ", explique Romain Levrini, Daf de la société. " Ce business model était très à la mode il y a 10 ans, il est en recul aujourd'hui ", analyse Olivier Ezratti, auteur du " Guide des start-ups ". " " On peut considérer qu'en dessous d'un million de visiteurs uniques par mois, pour un site ou une appli grand public, l'audience n'est pas suffisante pour attirer les annonceurs ".

- Monétisation de la Data

" La plupart des start-up réfléchissent aujourd'hui à la monétisation de la data qu'elles collectent auprès de leurs utilisateurs. Ce ne peut être le business model de base car il nécessite d'avoir un volume suffisant mais il peut être une source très intéressante de revenus secondaire ", explique Alexandre Chopin, de Soregor. Olivier Arthaud, vice-président de la commission d'évaluation de la compagnie nationale des commissaires aux comptes, souligne néanmoins que les investisseurs restent pour l'instant frileux sur le sujet car des incertitudes demeurent quant à la protection des données.

- Le Freemium

Il s'agit d'offrir une partie de ses services gratuitement et de faire payer les utilisateurs souhaitant utiliser l'ensemble des fonctionnalités. " Ce BM a été très à la mode il y a 7/8 ans ", rappelle Olivier Ezratti. " Mais il faut être très vigilant au taux de conversion des utilisateurs gratuits en utilisateurs payants. Ce taux est souvent trop faible pour assurer une rentabilité à la start-up ". Conscient du danger, le responsable financier de la toute jeune start-up Winameety en Auvergne, a préféré s'éloigner du freemium, dès son arrivée dans la société tournée vers la rencontre entre passionnés de vins. Florent Popille explique : " il m'a semblé plus pertinent de cibler les professionnels du vin souhaitant organiser des événements plutôt que d'espérer la constitution d'une communauté ".

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