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Budgets, forecasts, plans moyen terme : quelles réalités?

Manque de visibilité sur l'avenir, demande instable, actionnaires préoccupés : avec la crise, les prévisions financières ont gagné en importance, mais aussi en complexité. Un exercice chronophage et éprouvant pour les Daf, leurs équipes et leurs interlocuteurs au sein de l'entreprise.

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Budgets, forecasts, plans moyen terme : quelles réalités?

Le révisé mensuel ou trimestriel concerne la plupart des secteurs

Dans la quasi-totalité des secteurs (à quelques exceptions près comme l'aéronautique), les exercices de budgets, forecasts et autres plans à trois ans sont devenus une véritable gageure. " Même dans l'agroalimentaire, qui était jusque-là un secteur relativement stable et lisible, le pilotage se complexifie, notamment en raison de variations très fortes sur le cours des matières premières ", témoigne Bertrand Falcotet, ancien Daf et associé chez Valtus Transition, où il supervise une équipe de Daf de transition. Dans la grande consommation, les entreprises sont confrontées à des annulations de plus en plus tardives de leurs clients distributeurs, parfois quelques jours seulement avant la livraison prévue.

À cette conjoncture peu favorable s'ajoute un fardeau supplémentaire pour les Daf : les actionnaires, préoccupés par la morosité ambiante, tentent de se rassurer en exigeant des prévisions plus fréquentes. " Cela est particulièrement vrai lorsque lesdits actionnaires sont distants de l'opérationnel ", précise Bertrand Falcotet. C'est le cas, par exemple, des entreprises cotées ou sous LBO, par opposition aux PME familiales. Résultat : de plus en plus de directions financières doivent mettre à jour leurs forecasts tous les mois, dans la foulée de la clôture mensuelle.

Butée annuelle ou rolling forecast

On distingue en réalité deux grands types de forecasts : celui qui met à jour l'atterrissage de fin d'année, à partir du réalisé et du reste à faire, et le rolling forecast, qui donne une vision à quatre ou cinq trimestres glissants, sans se focaliser sur la fin d'année. Le second est plus intéressant, mais pas donné à tout le monde. " Les PME non cotées ont plus de facilité à adopter le rolling forecast, car elles sont moins concernées par les obligations de communication liées à la clôture annuelle ", décrypte Frank Rapatel, associé chez IBM Business Consulting Services. Si la démarche est louable, la mise en oeuvre est compliquée : " Moins d'un tiers des PME parviennent à bien gérer et automatiser ce processus ", estime ainsi Frank Rapatel.

Car pour la plupart des sociétés (si ce n'est toutes), les exercices de prévision sont vécus par les salariés comme chronophages et abrutissants. " Un des travers que l'on constate souvent, ce sont les forecasts réalisés de manière mécanique et systématique : non seulement les chiffres sont faux, mais aucune décision n'est prise sur le business ", diagnostique Bertrand Falcotet. Afin d'alléger la tâche, la priorité est de la circonscrire dans le temps. " Dans le contexte actuel, la réactivité prime : mieux vaut faire vite et moyennement bien plutôt que lentement et techniquement bien ", ajoute-t-il.

Les facteurs de succès

Le raccourcissement des délais a deux vertus principales : d'une part, les prévisions se basent sur des données plus récentes et traduisent donc mieux la réalité à partir de laquelle on va se projeter ; d'autre part, cela pousse les équipes à travailler de manière plus efficace et à ne pas s'éterniser sur des points de détail. Pour cela, il faut toutefois que les processus aient été clairement définis et communiqués, et que le niveau de granularité ne soit pas trop fin. " Il s'agit de se focaliser sur les grands indicateurs, en particulier ceux qui ont une incidence sur le cash ", préconise Frank Rapatel d'IBM.

Pour un processus de budget et de forecast le plus efficace et serein possible, il faut aussi miser sur un rapprochement entre la finance et les autres services, porté par la direction générale. Cela ouvre la voie à une meilleure compréhension mutuelle et à des choix plus judicieux en matière d'indicateurs.

Ainsi, lorsque José-Luis Duran (ancien dg de Carrefour) est arrivé à la tête de la Devanlay en 2009, il a mise en place sept chantiers pour relancer la marque et le groupe, qui fabrique et distribue les vêtements Lacoste. L'un de ces chantiers visait à faire de la finance un "business partner". Le poste de Daf a été redéfini : ce dernier chapeaute désormais la logistique et d'autres fonctions support, et se déplace beaucoup plus souvent dans les filiales et autres services. L'image du financier devait changer : plutôt qu'un contrôleur exigeant qui réclame des chiffres et ne restitue rien d'opérationnel aux autres fonctions de l'entreprise, il se veut désormais un partenaire capable de discuter avec eux sur les objectifs, les moyens d'y parvenir et les indicateurs pour les mesurer.

Simplicité et humilité

Pour alléger la charge, une autre "bonne pratique" consiste à réaligner le plan moyen terme (PMT) au budget : autrement dit, faire du budget la première année du PMT plutôt que dissocier les deux prévisions. Concernant les frais généraux (SG&A), Laurent Choain, associé chez KPMG spécialisé dans le pilotage de la performance, recommande de " s'affranchir du poids du passé " : " Au lieu de partir de l'existant, demandez-vous de quoi vous auriez vraiment besoin si vous deviez créer l'activité à partir de rien. " Plus généralement, les experts conseillent de passer moins de temps à comparer et chercher à comprendre pourquoi le budget n'a pas été tenu, et plus d'efforts à réfléchir aux plans d'action pour l'avenir. Quant aux outils, ils doivent être adaptés à l'organisation et à l'activité de l'entreprise. " Mieux vaut un logiciel de prévision simple et rustique, mais adapté à la société, qu'un super ERP avec des outils analytiques très puissants que les salariés ne maîtrisent pas ", juge Bertrand Falcotet de Valtus Transition.

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