Recherche

[Interview] Hanh Guzelian : « La découverte et la transformation sont mes principaux moteurs »

À la tête de la direction financière et des systèmes d'information de Linxens depuis un peu plus de 6 mois, Hanh Guzelian détaille le fonctionnement de la Daf et comment elle accompagne les développements initiés par le groupe.

Publié par le - mis à jour à
Lecture
16 min
  • Imprimer
[Interview] Hanh Guzelian : « La découverte et la transformation sont mes principaux moteurs »

Présentez-nous le groupe Linxens

Linxens est un spécialiste dans la conception et la fabrication de micro-connecteurs pour cartes à puce et d'antennes et inlays RFID. Le portefeuille de Linxens comprend également des activités de module packaging. C'est un groupe qui a 30 ans d'expérience, internationale, industrielle, avec 7 sites de production, 4 centres de R&D qui emploie 3 000 personnes dans le monde. Les segments sur lesquels nous opérons sont principalement le paiement, les télécoms, le gouvernement et nous sommes de plus en plus présents dans le domaine des sciences de la vie et le médical. Notre activité consiste à apporter des solutions innovantes, sécurisées pour l'authentification, l'identification, le contrôle des accès et le suivi des actifs.

Comment le groupe et la Daf sont-ils organisés ?

En matière d'organisation, nous avons donc 7 sites de production, un siège social et une force commerciale globale organisée par région et par compte client (global key account). Cette organisation a un impact sur la façon dont on gère la direction financière, puisque nous avons à la fois des fonctions centrales et des fonctions locales. Les fonctions centrales sont assez classiquement la consolidation (qui inclut l'analyse des résultats et de la profitabilité), la trésorerie et le contrôle interne. Puis localement, sur chaque site, nous avons une équipe finance qui, elle, est en charge de la production des comptes et du suivi de l'activité. Ce qui nécessite pour chaque équipe, localement, d'avoir une connaissance très fine des réglementations locales et de l'activité locale. Sur la partie commerciale, nous avons une organisation globale par région avec une centralisation du support financier. C'est un bon équilibre entre ce qui est fait centralement et localement. La direction financière compte une cinquantaine de personnes et les systèmes d'information (SI), que je couvre également, comptent une trentaine de personnes avec le même principe de fonctionnement : des fonctions groupe et des fonctions locales. Chaque site de production dispose à la fois d'une équipe finance et d'une équipe IT.

Est-ce que toutes les fonctions support fonctionnent de la même façon, à la fois au niveau global et local ?

Exactement ! Et je trouve que c'est un modèle intéressant parce qu'il a ce bon équilibre entre les fonctions dites centrales et les fonctions locales. Un détail intéressant est à noter : toutes les fonctions centrales ne sont pas forcément basées au siège français. À titre d'exemple, pour la finance, notre responsable de la trésorerie groupe est basé en Allemagne. Concrètement, on a deux relais, puisqu'il y a une direction financière Asie et une direction financière Europe, donc cela nous donne déjà deux piliers solides, deux relais solides pour le suivi des projets. Et puis, il y a beaucoup de proximité au sein des équipes. Une proximité à l'intérieur de la fonction finance et une proximité sur chaque site avec le management du site, avec les équipes du site. Cette double proximité permet d'avoir un bon équilibre et un lientrès fort avec l'opérationnel, le terrain.

Est-ce que cette proximité avec l'opérationnel est plus marquée encore chez Linxens ?

J'ai travaillé dans différentes organisations de tailles extrêmement diverses, allant de la PME au grand groupe industriel. En fonction de la taille de l'organisation, vous pouvez avoir une plus nette séparation des fonctions locales et des fonctions centrales, une plus nette autonomie du local par rapport au central. Par conséquent, il peut y avoir des équilibres différents. En revanche, toutes les organisations dans lesquelles j'ai évolué avaient un point commun : il y a toujours eu une réelle proximité des financiers avec les opérationnels. C'était d'ailleurs pour moi un critère de réussite pour l'ensemble de la fonction finance, puisque notre objectif est véritablement d'être proche, d'avoir un rôle d'influence, de partage d'informations, de partage de la performance, et ça, c'est clé dans notre métier.

Comment s'est passée votre prise de poste, il y a 6 mois ?

Si je reviens un peu sur mon expérience professionnelle, j'ai évolué dans des organisations et des secteurs très divers, mais avec toujours, en fil conducteur, la transformation. C'est la raison majeure qui m'a incitée à venir chez Linxens : le projet de transformation de l'un des acteurs majeurs du secteur de l'électronique. Chaque projet de transformation représente la possibilité de contribuer à quelque chose en apportant un regard nouveau. Et également la possibilité d'apprendre énormément d'un nouveau secteur avec des enjeux différents et des besoins spécifiques.

Pouvez-vous détailler ce grand projet de transformation et le rôle de la direction financière ?

Le groupe opère sur des segments historiques, que j'ai cités tout à l'heure, et se développe sur d'autres. L'enjeu aujourd'hui est de développer fortement ces nouveaux segments de marché à forte valeur ajoutée. Les équipes Linxens ont un formidable savoir-faire en matière de technologie et c'est là-dessus que nous allons nous appuyer pour le développement futur. Il y a l'enjeu de préserver notre leadership sur nos segments historiques tout en développant de nouveaux segments de marché. Donc, concrètement, pour la direction financière, ça veut dire qu'il faut accompagner cette réflexion sur cette dualité d'enjeu : maintenir le leadership ET se développer, comment on accompagne cette transformation-là d'un point de vue marché, d'un point de vue organisation et d'un point de vue financier sur la partie de l'allocation des ressources. L'allocation des ressources financières derrière les marchés en développement, c'est vraiment un point clé pour Linxens aujourd'hui.

Quels sont les enjeux pour la fonction finance en particulier ?

Il y a un enjeu de copilotage de ce développement, et en ce qui concerne les priorités au sein de la fonction finance, nous avons beaucoup travaillé, ces dernières années, sur l'optimisation industrielle. On a fait un gros travail de support d'activité industrielle. Aujourd'hui l'enjeu principal pour la fonction finance est de développer la proximité avec les équipes marketing et commerciales. Parce qu'il y a cet enjeu de développement, de compréhension des marchés, et c'est là que nous devons impérativement mettre le focus. Cela nécessite, pour les équipes financières, un changement d'approche. Sans être une révolution pour les équipes concernées, il faudra qu'elles aient une focalisation différente : passer d'une optimisation de coût à un développement commercial, c'est un enjeu dans un groupe industriel. Il nous faudra être très centrés sur le client.

Comment opérer ce changement-là ?

Il y a un changement culturel à impulser dans l'ensemble de l'organisation. On est dans la proximité impérative avec les équipes, qui sont au plus près du client : les équipes commerciales et marketing. Cela sous- entend de se mettre dans un état d'esprit qui est : « En tant que financier, je peux, je dois comprendre quel est mon client, quels sont les produits, à qui je parle ». En apportant évidemment les données quantitatives que sont la mesure de la performance et de la profitabilité des produits. Cela implique une façon de travailler qui, bien sûr, s'appuie sur les mêmes types de techniques financières, mais qui sera très focalisée sur le développement.

Comment les équipes finance ont-elles réagi vis-à-vis de ce changement d'état d'esprit et de méthode de travail ?

Tous les collaborateurs étaient partants, mais en plus, je crois qu'ils ne rêvaient que de ça parce que ça donne une visibilité à l'équipe et au travail réalisé encore plus claire. Pour les équipes, c'est une très forte contribution au développement. Il y a un vrai enthousiasme derrière cette orientation-là. C'est très positif. Cela enrichit encore leur travail. Il y avait déjà un sens au travail réalisé précédemment, puisque dans un groupe industriel, la partie de gestion et d'optimisation des coûts est essentielle et un processus continu. Ce travail a déjà été fait et il perdure, simplement on ajoute une dimension supplémentaire à la fonction avec l'idée d'accompagner la croissance sur de nouveaux segments et de pouvoir guider les investissements sur ces nouveaux segments.

Quelles sont les étapes dans ce processus de transformation ?

Sur le mode de fonctionnement et la façon dont on va travailler, le rapprochement entre les équipes financières et commerciales est immédiat, et souhaité. Il y aura des ajustements en matière de fonctionnement, mais je suis très confiante sur le fait que ça se fasse sans qu'on ait besoin d'avoir un planning sur de nombreuses années. Sur les segments qu'on cherche à développer et sur lesquels on est parfois déjà présents, nous travaillons sur un plan de développement sur plusieurs mois. Dans la vision qu'on peut avoir en direction financière, l'intérêt est qu'on va couvrir tous les aspects temporels d'un projet : la partie à très court terme pour laquelle il faut des prévisions à 3 mois, le moyen terme et le long terme. Cette capacité que peuvent avoir les Daf à séquencer les projets est très importante. Ne jamais perdre de vue les visions globale et à long terme, tout en menant pas à pas les différentes étapes. Donner de la visibilité aux équipes, mais avoir des étapes et des succès à fêter aussi, c'est important.

Justement quelle est la feuille de route de la fonction et le prochain succès espéré ?

Ces prochains mois, pour permettre à la fonction finance de se focaliser sur la partie analyse et communication de la performance aux différents acteurs de l'organisation, un chantier d'uniformisation des systèmes d'information et la digitalisation sont nécessaires. Bien avant que j'arrive, Linxens s'était engagé dans la voie de l'uniformisation des SI et le projet avait été parfaitement bien mené, si bien qu'on est prêts aujourd'hui, sur la partie finance, à lancer un chantier de digitalisation qui permettra de disposer de données fiables, quasi en temps réel, pour permettre de focaliser les équipes sur l'analyse. Pas une analyse destinée à nourrir la finance, mais à être communiquée, partagée avec les opérationnels de manière à tirer des plans d'action, des réflexions et nourrir le développement et la façon dont on opère notre développement. C'est la partie la plus excitante du métier. Comment ce que j'analyse sert-il à un commercial, à un industriel, à un CEO, etc. ? Comment, en tant que financier, puis-je copiloter, influencer, arbitrer, de manière la plus efficace, pour le bénéfice de l'entreprise ? Chacun amène sa pierre à l'édifice et c'est vrai pour une fonction locale comme pour une fonction centrale. Chaque action a son importance. Il y a des choses que, centralement, on voit moins bien. De ce point de vue, la fonction locale a beaucoup de valeur. C'est clé pour la performance.

Le mode de fonctionnement transversal et désiloté semble être très marqué chez Linxens...

C'est un des axes forts de travail des directions financières et c'est en effet ce qu'on peut observer chez Linxens. J'ai noté depuis que je suis arrivée l'implication de la direction financière sur des projets structurants avec des équipes multidisciplinaires : finance, supply chain, achats... C'est très notable. Il y a cette volonté de participer et de contribuer à l'ensemble de l'activité. Un des projets multidisciplinaires en cours porte sur la BI avec la constitution d'une plateforme de données pour mettre à disposition des informations fiables en temps réel. Ce groupe de travail démarré en septembre est constitué d'un représentant de chaque métier : finance, IT, achat supply chain, commercial. Parce que chaque métier est impliqué et concerné par ce projet, il était important que chacun puisse s'exprimer sur ses besoins et la façon dont on allait le mener. Cela a plusieurs bénéfices : le premier étant de s'assurer d'arriver à un résultat qui converge en matière de besoins et le second de s'assurer une adoption outil bien plus facile et rapide, grâce aux métiers concernés déjà embarqués. L'expression des besoins est importante, mais leur hiérarchisation aussi. Le groupe de travail peut décider collectivement de prioriser un besoin par rapport à un autre. Cela permet de bien définir le périmètre du projet et la raison pour laquelle les acteurs seront alignés avec l'objectif du projet.

Comment fonctionnez-vous en matière de gouvernance de projet ?

Vous avez un sponsor (généralement un membre du comité exécutif), un project manager qui assume l'entière responsabilité du projet et une équipe. Avec une gouvernance très rigoureuse, des comités de travail toutes les semaines, des comités de décision tous les mois, qui permettent de mesurer les progrès, les avancées et de faire les arbitrages le cas échéant, in fine, celui qui porte la responsabilité du projet, c'est le project manager. En fonction des sujets, les personnes varient. Sur un projet axé SI, le project manager sera un représentant de la fonction IT, sur un projet supply chain, ce sera un représentant supply chain, etc. En l'occurrence, le projet de BI précité est porté par la finance.

L'un des projets moyen terme pour la Daf est donc la digitalisation. Comment allez-vous l'organisée ?

On a une bonne base outil. Pour moi, l'étape clé est la réflexion à mener sur la façon dont la finance va utiliser ces outils. On peut les utiliser pour simplifier les processus en automatisant. On peut les utiliser pour améliorer la prédictibilité, les prévisions, etc. Et on peut les utiliser, si l'on va plus loin en utilisant l'IA, à créer des modèles qui vont nous permettre de prévoir bien au-delà de ce qu'on fait aujourd'hui. La question dans la première étape est vraiment de savoir ce qu'on veut suivre, pourquoi on le suit, comment on veut le communiquer, avec toujours en tête la stratégie globale du groupe. Comment les indicateurs que nous suivons s'intègrent-ils dans cette stratégie ? L'idée est de redire en permanence que tout ce que nous faisons en finance est lié à cela. Nous n'agissons pas de manière isolée, nous n'avons pas notre propre agenda, notre agenda est celui de l'entreprise.

Comment temporiser ces objectifs court et long terme ?

Grâce à deux choses : premièrement, rappeler sans cesse l'objectif. Inciter en permanence à la prise de recul dans notre communication est un premier moyen de temporiser. « Pourquoi on fait cet exercice-là, en quoi est-il très urgent, en quoi va-t-il nous faire progresser ? » Le deuxième point est la hiérarchisation. « Sommes-nous sûrs que chaque exercice de prévisions, re-prévisions, de scénarii alternatifs est bien nécessaire ? » Avec les équipes, en s'appuyant sur les connaissances et les compétences des équipes centrales et locales, il s'agit de définir la balance entre le niveau de fiabilité et le délai dans lequel vous allez pouvoir donner l'information. Cela permet de lever les tensions. Si l'on demande aux équipes de produire dans un temps record quelque chose d'ultra détaillé, l'exercice peut être très difficile. Si on allège le niveau de détail en conservant le délai, les choses peuvent être gérables. Il y a un vrai dialogue à avoir avec les équipes pour déterminer le niveau de détail et le délai du réalisé. Aujourd'hui nous sommes sur un rythme de clôtures mensuelles J+6 consolidées avec prévision également mensuelles, certaines plus approfondies que d'autres.

La pandémie a-t-elle eu un impact sur vos processus de prévisions ?

Le processus en tant que tel n'a pas changé, mais certains points de vigilance ont été développés. Compte tenu de la pénurie mondiale de puces, on a mis l'accent sur ce suivi, par exemple. Sur la partie opérationnelle, on a porté beaucoup d'attention à l'aspect sanitaire et à son impact potentiel sur les opérations. Le processus de prévisions est ce qu'il est, mais notre rôle est, en fonction des périodes, d'identifier les points de vigilance. Regarder ceux qui font la différence dans un contexte donné. À chaque période, comment identifie-t-on les points d'attention nécessaires, que ce soient ceux qui peuvent poser un problème au business comme ceux qui sont des points de développement ? Quand on voit que sur un marché donné il y a un vrai potentiel, de la valeur ajoutée, on le suit pour s'assurer qu'on capture la croissance que Linxens pourrait capter. Ça va dans les deux sens. On est beaucoup dans l'intelligence que les financiers peuvent et doivent mettre dans l'exercice de leur métier quelle que soit sa place dans l'équipe finance. Chaque membre de l'équipe participe largement à l'amélioration des processus.

Quel sera la prochaine grande transformation selon vous ?

Aujourd'hui nous assistons à une convergence entre la finance et la RSE. La RSE est devenue un vrai indicateur de performance. Dans mon rôle de Daf et de DSI, je dois m'assurer que nous disposons des bons outils et systèmes pour suivre et contrôler ces informations "extra-financières" et ses indicateurs afin de garantir que les bonnes décisions soient prises. Je suis persuadée que la fonction financière aura un rôle clé dans cette transformation pour accompagner Linxens dans la garantie d'un avenir durable.

Si vous aviez un conseil ou un message à délivrer à un ou une jeune Daf qui démarre, quel serait-il ?

J'ai une vision holistique de la fonction finance dans le rapport aux autres composantes de l'organisation. La direction financière ne travaille pas en silo, elle est un support, dans le sens noble du terme, à toutes les autres composantes de l'organisation, l'industriel, le commercial, la direction générale, etc. Il est clé de travailler avec l'ensemble de l'organisation. L'autre point clé, ce sont les temps : il faut se dire en permanence : « Je travaille moyen terme, court terme, long terme ». La fonction finance doit aller au-delà de la partie strictement technique. C'est ce qui fait de ce métier quelque chose de très intéressant, de très stimulant et de quasi sans limite. Il ne faut pas hésiter à pousser les murs ! Des deux côtés, d'ailleurs, ascendant et descendant.

Repères

Activité : Ingénierie micro-connecteurs antennes et inlays RFID

Forme juridique : SAS

Directeur général : Cuong H. Duong

CFO : Hanh Guzelian

Siège : Levallois Perret (92)

Effectif global monde : 3 000

CA 2021 : 400 M€

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs
S'abonner
au magazine
Retour haut de page