Comment créer un lien de confiance avec ses partenaires financiers ?
Quel point commun entre le private equity et l’immobilier ? Tous deux font figure de valeur refuge pour des investisseurs en quête de rentabilité, mais de plus en plus nombreux à fuir la volatilité des actifs cotés. Ces métiers, qui se situent au confluent du financement et du pilotage opérationnel, sont particulièrement complexes et nécessitent donc de convaincre des investisseurs « sur plan » en leur faisant accepter une part de risque. Le capital de confiance des sociétés de gestion et de promotion immobilière est donc discriminant, sur des marchés a fortiori très concurrentiels où le moindre faux pas est de nature à obérer le rendement des opérations.
Les fonds d’investissement par exemple peuvent rencontrer les sociétés à divers stades de leur développement. Lorsqu’elles ont besoin de capital pour se lancer (« capital-risque ou amorçage »), lorsqu’elles souhaitent franchir un nouveau cap dans leur croissance (« capital-développement ») ou, en cas de difficultés, dans les phases de restructuration (« retournement »). Chacune de ces étapes est un test de confiance entre les partenaires. « Un entrepreneur qui a une belle société et un beau projet a de grandes chances de trouver un fonds prêt à l'accompagner. L'inconvénient ? Dans le maquis des fonds d'investissement, repérer le bon partenaire est compliqué », résume Patrick Vignaud, partenaire associé de la société de conseil en levée de fonds Aelios Finance (1).
Au départ, il s’agit d’apprendre à se connaître, de s’évaluer mutuellement, sur des critères quantitatifs, comptables mais également humains. La relation qui s’instaure alors sera déterminante pour la suite. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des patrons de fonds de private equity louer la place de l’humain dans la réussite de leurs projets. Durant cette période où les évaluations financières prédominent, la transparence est aussi un élément clé. Il s’agit d’analyser le plus finement possible l’intégrité de la société, son potentiel de croissance et celui de son marché. Comme le rappelle Didier Le Ménestrel de la Financière de l’Echiquier dans son Guide du Routard de l’Investisseur, « le doute est l’une des meilleures armes d’un bon gestionnaire ».
Pour les business angels et autres fonds de private equity qui prennent des parts importantes dans le capital de sociétés non cotées, ce sont également des heures de négociations entre avocats autour de la construction des pactes d’actionnaires. Une fois que les chiffres sont approuvés et les accords signés, le plus dur reste probablement à faire. Du côté de l’entreprise, il faudra délivrer les promesses de performances. Pour le fond, il faudra s’assurer du rendement de l’investissement au profit de ses souscripteurs. Pour les deux partenaires, il faudra résister aux tempêtes et aux évènements à venir.
Comme le disait Benoist Grossman, managing partner du fond IDinvest, au sommet start-up Challenges 2016, « une bonne idée ne vaut que par son exécution ». Le cas de la start-up française Save, spécialiste de la réparation de smartphones, d'ordinateurs et de tablettes, est à ce titre édifiant. Présentée en 2015 comme la nouvelle pépite high-tech, cette société avait même séduit Xavier Niel. Pourtant, un an plus tard, c’est l’accident industriel et la mise en redressement judiciaire. En avril 2017, elle a échappé de peu à la liquidation grâce à un rachat par un concurrent. Les raisons de l’échec : une croissance non maîtrisée, l’entreprise a grossi trop vite.
Dans un récent entretien accordé à Capital (2), le fondateur de la société Damien Morin savourait naïvement : « J'ai négligé les chiffres. Et je n'ai pas pris le temps de recruter les bons dirigeants.... On fait trop vite confiance. On se laisse griser par le succès. […] Une entreprise, c'est d'abord des hommes. Les produits, les marques, les stratégies, ça ne sert à rien si vous ne travaillez pas avec les bonnes personnes ». Et de poursuivre : « Dès le départ, la gestion de l'entreprise n'a pas été correctement menée. Les chiffres étaient faux, on ne connaissait pas nos stocks, on ne faisait aucun contrôle en interne. Il y avait tellement de vols en boutique que notre taux de marge était amputé de moitié ! ». Ayant perdu la confiance de ses principaux actionnaires, sa gestion aurait pu lui coûter cher si le numéro 1 français du secteur, Remade, n’était pas venu racheter la société au Tribunal de Commerce. Dans la douleur, le monde des start-up est parfois tenu de réapprendre la rigueur.
Ces éléments d’incertitude ne se retrouvent-ils pas dans l’art du montage financier dans l’immobilier ?
Dans le domaine de la promotion immobilière, rigueur et transparence sont en effet tout aussi discriminants, et l’humain y conserve également toute sa place. Gilles Imbert, directeur général de la société Interconstruction, mise ainsi sur la régularité et la clarté des échanges avec ses partenaires. Spécialisée dans les projets en centres-villes, Interconstruction réalise entre 500 et 700 logements par an, qu’il s’agisse de maisons individuelles, de résidences étudiantes, hôtelières ou encore de bureaux. Travaillant comme un véritable « ensemblier urbain » la société interagit avec une multitude d’interlocuteurs: collectivités, banques, entreprises du bâtiment, associations de protection de l’environnement, architectes, avocats, riverains des chantiers.
Faisant appel au financement extérieur pour une partie de ses projets, Interconstruction s’attache à établir des relations durables avec ses partenaires financiers. Mais la confiance ne se décrète pas. Gilles Imbert explique ainsi qu’il faut rassurer les banquiers en construisant un « historique stable et fiable » (le fameux « track record »). Si la « transparence, l’engagement et le respect des promesses » sont la base, il est également nécessaire de mettre en place avec les banques des « outils de reporting et de rendez-vous réguliers pour les informer des évolutions des opérations ». Le contact est également permanent, du début à la fin des projets, avec les élus et les services techniques et d’urbanisme des collectivités. Il faut valider les permis de construire, trouver des compromis dans l’organisation de chantiers sur des zones qui ne sont pas forcément adaptées, s’assurer de la conformité des travaux. Ici aussi, une part de contrôle est nécessaire pour établir la confiance, éviter les mauvaises surprises et les retards dans la construction. Même chose avec les clients qui achètent les lots. La transparence de la démarche commerciale, l’information permanente durant les travaux et le suivi après la livraison, sont autant d’éléments clés de la relation. Gilles Imbert précise enfin que la relation de confiance comporte aussi une part de prise de risque. « Il y a des entreprises avec lesquelles nous tentons des aventures, par exemple parce que l’opération fait appel à des technicités spécifiques, comme pour la construction en bois ou l’obtention de performances énergétiques particulièrement élevées » (3). Mais le risque est aussi inhérent à l’activité de l’entrepreneur, qu’il soit promoteur ou investisseur.
Tout ne peut pas être contrôlé et c’est souvent à partir d’une sorte d’acte de foi réfléchi que se construisent les partenariats durables : bien souvent, il faut commencer par croire en l’autre pour avancer.
(1) https://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/budget-financement/pourquoi-faire-appel-a-un-fonds-d-investissement_1522362.html
(2) http://www.capital.fr/votre-carriere/decouvrez-comment-cet-entrepreneur-a-reussi-a-sauver-sa-boite-1229177
(3) https://www.carnetsdubusiness.com/Face-aux-parties-prenantes-entretien-avec-Gilles-Imbert-directeur-general-d-Interconstruction_a1587_2.html