"Nous avons recruté plus de 20 personnes depuis le passage à la semaine de 4 jours"
Publié par Audrey Fréel le | Mis à jour le
Depuis mars 2023, Structa, société spécialisée dans la fabrication de meubles, teste la semaine de 4 jours. Christophe Dullin, le directeur général de la PME drômoise, tire le bilan de ces premiers mois et nous explique comment cette expérimentation a pu être mise au point, d'un point de vue juridique, financier et organisationnel.
>Combien de temps vous a-t-il fallu pour mettre en place la semaine de 4 jours ?
Nous avons d'abord travaillé au niveau du comité exécutif sur le déploiement de cette organisation courant 2022. Nous nous sommes documentés et renseignés auprès d'entreprises qui avait déployé ce modèle. Puis nous avons annoncé début octobre à nos collaborateurs notre intention de passer à la semaine de 4 jours. S'en sont suivies des phases de consultations internes et de travaux d'équipe entre décembre 2022 et mars 2023.
>Vous êtes-vous fait accompagner pour mener à bien ce changement ?
Oui, nous nous sommes inscrits dans le programme de l'association 4 Day Week Global, un organisme britannique qui accompagne des entreprises ayant initié la semaine de 4 jours et qui en analyse les résultats avec l'aide de chercheurs des universités d'Oxford et de Boston. Cela nous permet d'avoir des retours d'expérience concrets.
Pour faire rentrer cette nouvelle organisation dans un cadre légal, nous avons aussi travaillé avec un cabinet d'avocats spécialisé dans le droit du travail.
>Comment avez-vous mis en place cette organisation tout en respectant les contraintes juridiques ?
Nous étions sur 39h de travail par semaine avec des heures supplémentaires majorées et défiscalisées, donc il s'agissait d'une situation un peu compliquée. La solution, élaborée avec nos avocats, a été de revoir les plages horaires des collaborateurs et de payer un certain nombre de pauses. Grâce à cette mécanique, nous pouvons continuer à déclarer 39h de travail sur 4 jours, avec maintien de salaire pour nos collaborateurs. Ces derniers sont présents 10h sur site par jour, pour 9h de travail effectif. Comme nous rémunérons désormais la pause du matin, nous arrivons ainsi à 39h sur 4 jours. Chaque pôle choisi un horaire unique de travail, certains sont sur la plage 7h30-17h30 quand d'autres commencent à 8h30 et finissent à 18h30.
Il a également fallu mener un travail avec un avocat sur les congés payés car le fait de perdre un jour de travail augmente mécaniquement le nombre de congés. Désormais, un congé payé est équivalent à 1,25 jour. Cela permet d'avoir le même nombre de jours qu'auparavant.
D'un point de vue organisationnel, beaucoup d'études ont montré qu'il était important de mettre en place un cadre plus ferme pour ne pas perdre en productivité. Il faut l'expliquer avec pédagogie aux collaborateurs. L'idée est de travailler moins mais mieux. Il s'agit d'un deal gagnant-gagnant entre les salariés et l'entreprise. C'est notamment pour cela que nous avons choisi de ne pas travailler le vendredi, car il s'agissait du jour le moins productif dans notre entreprise.
>Cinq mois après le lancement de ce test, quel premier bilan tirez-vous ?
Cette organisation a apporté de nombreux bénéfices RH. D'abord en interne, puisque nous avons réalisé une enquête et le taux de satisfaction de nos collaborateurs s'élève à plus de 85 %. En externe, nous avons recruté plus de 20 personnes depuis ce changement d'organisation sans avoir recours à un cabinet de recrutement. Nous employons désormais 70 salariés. Auparavant, nous recevions 3 à 5 CV par semaine, désormais nous en obtenons entre 20 et 25.
Par ailleurs, les données montrent que nous sommes au moins aussi productifs qu'auparavant en termes de chiffre d'affaires par employé produit par heure.
>Quels sont vos projets pour la suite ?
La phase de test se terminera en septembre et la semaine de 4 jours sera définitivement adoptée ensuite. Néanmoins, nous garderons une certaine agilité et nous n'hésiterons pas à opérer des réajustements si besoin. Nous sommes par exemple en train de travailler sur un principe d'annualisation du temps de travail afin d'instaurer un cadre un peu plus flexible. Cela pourrait nous permettre d'avoir plus de souplesse au niveau des amplitudes horaires journaliers, ce qui offrira la possibilité de faire des heures supplémentaires ou au contraire de réduire les heures de présence à certains moments.