Semaine de quatre jours : à anticiper !
Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Face aux difficultés à recruter et attirer les talents, la semaine de quatre jours devient une option envisagée par de nombreuses entreprises. Un webinaire organisée par Oasys a permis de faire le point avant de se lancer.
C'est notamment en suivant l'expérience de Laurent de la Clergerie, patron de LDLC qui a mis en place la semaine de quatre jours en janvier 2021, que Philippe Benquet, président-fondateur du groupe Acorus (1600 collaborateurs), a décidé de se lancer à son tour. « Nous comptons 1000 techniciens et passer à la semaine de quatre jours était l'occasion de faire évoluer leur manière de travailler, puisqu'ils ne peuvent pas télétravailler », a indiqué le président-fondateur lors d'un webinaire sur la semaine de quatre jours organisé par Oasys.
Après plusieurs réunions et un approfondissement des connaissances concernant la semaine de quatre jours, la décision a été prise de mener un test à Nantes (67 salariés) où la directrice s'était montré particulièrement intéressée par le dispositif, faisant face à des problématiques de recrutement. « Après six mois de test, l'entreprise de Nantes va bien sinon mieux qu'auparavant. Les salariés ont voté à l'unanimité pour pérenniser l'expérience : les journées sont denses mais les salariés sont contents d'avoir un jour pour se libérer le cerveau », a décrit Philippe Benquet. Il est envisagé de lancer une phase de réflexion équipe par équipe pour l'ensemble de l'entreprise dès janvier prochain.
Des expériences pas toujours concluantes
Si le test mené par Acorus s'avère être un succès c'est sûrement parce qu'une longue réflexion a été menée en amont, à travers un groupe de travail réunissant autour du président-fondateur le directeur général, le DRH et le directeur financier. Un cadre a ainsi été fixé : « La nouvelle organisation devait concerner l'ensemble de l'entreprise, être transparente pour les clients et le jour était choisi pour l'année », rapporte Philippe Benquet. Par ailleurs, les techniciens qui étaient aux 39 heures sont passés aux 35 heures avec maintien de salaire.
D'autres expériences moins concluantes ont été présentées lors du webinaire. Notamment celle de l'Urssaf Picardie. « La parentalité n'a pas été prise en compte : les salariés se sont retrouvés à effectuer des journées de 9h, ne leur permettant ni de déposer ni d'aller chercher leurs enfants à l'école. Par ailleurs, les salaires, trop faibles, ne leur donnaient pas la possibilité de faire appel à des modes de garde et l'expérimentation a été mise en place en milieu d'année scolaire », a indiqué Marwa Touihri, consultante senior chez Oneida (groupe Oasys & Cie) et membre de la 4ème promotion « Social demain », dispositif crée par Temps Commun, agence d'intelligence collective, qui vise notamment à réfléchir au futur des relations sociales.
Autre échec présenté : celui de Webmecanik, éditeur de logiciels marketing, qui a subi un délitement du lien social, la semaine de quatre jours étant associé à du télétravail. « Les gens ne se voyaient plus, ne se rencontraient plus », a résumé Marwa Touihri. La consultante a également noté d'autres risques, comme la culture du présentéisme en France, qui peut conduire les managers à avoir du mal à accepter la mise en place de la semaine de quatre jours. Ou encore la crainte d'inégalités entre services, notamment dans l'industrie, certains pouvant avoir plus de mal à s'organiser pour mettre en place ce nouveau dispositif. Philippe Benquet l'a bien souligné lors de son intervention : « Le plus compliqué est le changement qui perturbe les habitudes ».
Anticiper les problématiques juridiques
Il s'agit donc d'anticiper au mieux la mise en place de la semaine de quatre jours, d'imaginer en amont les impacts que cela aura sur l'organisation de l'entreprise et des employés, au niveau de leur vie professionnelle comme personnelle. Au niveau juridique, également, il s'agit d'anticiper un peu. Même si Franck Morel, avocat associé chez Flichy Grangé Avocats et ex conseiller social du premier ministre, a expliqué lors du webinaire que ce n'était pas fondamentalement un sujet complexe, par rapport à d'autres dispositifs.
Premier point d'attention : si le dispositif ne concerne pas l'ensemble des salariés, il faut être en mesure d'en justifier la raison pour une question d'égalité de traitement. « Il faut également être vigilant sur l'allongement du temps quotidien et ne pas dépasser les plafonds applicables qui sont de 10 heures d'activité quotidienne et de 11 heures de repos. Même si l'activité peut être allongée sans trop de difficulté à 12 heures quotidiennes, il faut se poser la question de la fatigue du salarié et de la compatibilité avec sa vie quotidienne », a mis en garde Franck Morel.
L'avocat a également pointé les décrets de la loi du 21 juin 36 qui sont restés en vigueur dans certains secteurs et qui prescrivent le mode de répartition de l'activité dans la semaine. « On ne peut y déroger que par accord collectif », a-t-il indiqué. Il a par ailleurs invité à se poser des questions sur la durée de travail (diminue-t-elle ou non), la rémunération (surtout si la durée de travail diminue), le choix du jour de repos, etc...
Quant au véhicule à utiliser pour le mise en place de la semaine de quatre jours, si l'accord collectif est obligatoire si le secteur est concerné par les décrets de 36, il est dans les autres cas tout à fait possible de prendre la décision de manière unilatérale. « Il faut cependant vérifier que l'on respecte bien la prescription de la convention collective et surtout être vigilant de l'impact sur les contrats de travail », a noté Franck Morel. Des avenants aux contrats devront être signés si le contrat précise qu'il se réalise sur 5 jours, si la rémunération est touchée, si la durée de travail quotidienne est allongée ou pour les forfaits jours.
Si la semaine de quatre jours peut être positive dans bien des cas, il faut donc bien la réfléchir en amont pour ne pas tomber dans des pièges organisationnels ou juridiques.