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Comment bien manager les seniors ?

Publié par Audrey Fréel le - mis à jour à

Le report de l'âge de départ à la retraite place le sujet de l'emploi des seniors sur le devant de la scène. Si les seniors présentent de nombreux atouts, les managers doivent s'adapter pour maintenir leur motivation et créer des conditions de travail soutenables.

Alors que la durée de vie professionnelle tend à s'allonger, la question du maintien de l'emploi et de l'engagement des collaborateurs seniors se pose. « Mais l'employabilité des seniors est encore loin d'être une priorité dans les entreprises », regrette Pascale Fotius, directrice projets People & Change, spécialiste des politiques et de l'innovation RH chez Oasys Mobilisation. Pourtant, l'emploi des seniors représente une solution RH pertinente face au problème de recrutement rencontré dans de nombreux secteurs. « Le marché de l'emploi est très tendu dans la finance, ce qui impose aux entreprises de revoir certains critères dont celui du jeunisme qui n'est pas pertinent », confirme Alexandre Ricard, fondateur du cabinet Elma Recrutement.

Déconstruire les préjugés

Rémunération trop élevée, manque flexibilité, difficiles à manager, santé fragile... Les idées reçues sur les seniors sont légion. Pour les experts RH, il est essentiel de les déconstruire. « Ces problèmes peuvent se rencontrer dans toutes les classes d'âge, ils ne sont pas plus nombreux chez les seniors », assure Alexandre Ricard. Pour le fondateur d'Elma Recrutement, si une entreprise se cantonne à une certaine tranche d'âge pour mener à bien une politique de recrutement, elle prend le risque de passer à côté de très bons éléments. Il appuie ses propos en citant l'exemple d'un groupe qu'il a été amené à accompagner pour le recrutement d'un responsable du contrôle de gestion. « Mon client souhaitait engager une personne entre 35 et 40 ans. Comme nous avions des difficultés à trouver le bon profil et que le besoin était urgent, nous leur avons conseillé de prendre un manager de transition âgé d'une soixantaine d'années en attendant », se rappelle-t-il. Le manager de transition ayant bien rempli sa mission, l'entreprise a finalement décidé, au bout de quelques mois, de lui confier le poste de responsable du contrôle de gestion en CDI, ce qu'elle n'aurait jamais fait de prime abord. « Au bout de trois ans, la personne est toujours en poste et donne entière satisfaction à notre client », se félicite Alexandre Ricard.

Favoriser les échanges intergénérationnels

Si le recrutement des seniors représente une solution face à la pénurie de talents, les entreprises peuvent aussi s'appuyer sur leur grande expérience pour leur confier des tâches à forte valeur ajoutée, comme réaliser du mentorat auprès des nouvelles générations ou encore animer des retours d'expérience. « Le reverse mentoring peut également être une solution pour favoriser les échanges intergénérationnels », souligne Jonathan Dietsché, co-fondateur de Teelt, une start-up proposant une solution d'onboarding RH. A l'inverse du mentorat, cette pratique consiste à demander à de jeunes talents d'apprendre certaines pratiques ou techniques à des collaborateurs seniors. « Chaque génération se nourrit du mode de fonctionnement de l'autre », commente Jonathan Dietsché. Cela peut aussi permettre de lutter contre l'obsolescence des compétences, notamment lorsque l'on utilise des technologies complexes demandant une mise à jour permanente. Ce mélange intergénérationnel permet l'échange de bonnes pratiques et évite également la création de silos entre les collaborateurs. « Il est important que les directions générales et l'ensemble des acteurs de la ligne managériale se projettent dans de nouvelles façons de travailler qui développent les synergies et la coopération entre générations avec pour impact l'augmentation de la performance collective », estime Pascale Fotius.

Soutenir la dernière partie de carrière

Pour maintenir la motivation des seniors, il est également important de leur offrir plus de visibilité sur leur avenir professionnel. Un enjeu d'autant plus important quand on sait que les perspectives d'évolution deviennent plus restreintes en France dès 50 ans. « Or l'allongement de la durée de travail réinterroge la perception de la carrière pour tous », souligne Pascale Fotius. Pour maintenir l'engagement des seniors, la consultante RH a été amenée à travailler sur la mise en place de dispositifs collectifs et individuels au sein de certaines entreprises qu'elle accompagne. « L'idée est d'associer les collaborateurs seniors aux projets de transformation de l'entreprise et leur proposer des dispositifs pour soutenir la 3ème partie de carrière, mais également de les amener à réfléchir sur leur carrière et leur besoin de formation », détaille-t-elle. Il est aussi nécessaire de créer les conditions d'un travail soutenable, ce qui passe notamment par la prise en compte des enjeux du vieillissement. « Il peut être opportun de mettre en place un programme d'expérience collaborateur à destination des seniors pour faire un point sur la carrière et déceler les axes d'amélioration », pointe Jonathan Dietsché. Avant d'ajouter : « Il ne faut pas hésiter à investir sur les seniors, en leur donnant notamment accès à des formations afin qu'ils se sentent à l'aise avec certaines nouvelles méthodes de travail ». Pour mieux encadrer les collaborateurs, la formation au management intergénérationnel devient aujourd'hui incontournable.


L'emploi des seniors atteint un niveau record en France

Selon une étude de la Dares publiée en septembre, le taux d'emploi des seniors en France a atteint son plus haut niveau depuis 1975. En 2023, 58,4 % des personnes âgées de 55 à 64 ans avaient un emploi. Cette hausse peut s'expliquer par l'entrée en vigueur de la dernière réforme des retraites : depuis le 1er septembre 2023, les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 peuvent prétendre à la retraite à 62 ans et 3 mois, contre 62 ans précédemment. En outre, l'augmentation de la durée d'assurance pour partir sans décote a été renforcée par la loi Touraine de 2014, appliquée progressivement à partir de janvier 2020. Néanmoins, le taux d'emploi des seniors reste bien plus faible que celui des personnes entre 25 et 49 ans, qui s'élève à 82,6 %. Il demeure également inférieur à la moyenne du taux d'emploi des seniors dans l'Union européenne, qui est de 63,9 %.

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