Apprenez à répondre aux questions RSE des candidats
Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Les candidats de plus en plus sensibles aux questions sociales et environnementales peuvent poser des questions précises à ce sujet en entretien d'embauche. Une tendance à laquelle il faut se préparer.
Alors que la guerre des talents fait rage, il est important de se demander quels sont les facteurs d'attractivité pour les candidats. La dernière étude de Robert Half sur le sujet est instructive : si le salaire reste le critère numéro un à faire la différence dans le choix de rejoindre une entreprise plutôt qu'une autre (cité par 71 % des personnes interrogées), les valeurs de l'entreprise sont à la septième place (20 %). Surtout, à la suite de la crise sanitaire, 42 % des personnes interrogées se disent plus exigeantes quant au sens de leur travail, 10 % vis-à-vis des engagements de l'entreprise face à la crise énergétique et 9 % sur les engagements concernant la diversité, l'équité et l'inclusion. « Les sujets de RSE ne sont pas la priorité des candidats, mais peuvent assurément être "un deal breaker" : un employeur très éloigné de ces questions serait perçu par les candidats comme en décalage avec leur époque » pense Mikaël Deiller, directeur exécutif de Michael Page Interim Management.
Et cela est d'autant plus vrai pour les plus jeunes. Citons par exemple le succès du Manifeste étudiant pour un réveil écologique qui a été signé par plus de 30 000 étudiants souhaitant ainsi exprimer leur volonté d'intégrer dans leur métier les enjeux écologiques. Pour les aider, le collectif Pour un réveil écologique, dont l'objectif est de porter la voix des signataires, propose des outils pour choisir un employeur suffisamment engagé dans la transition, comme une liste de questions précises à se poser sur ses futurs employeurs. Des questions auxquelles il s'agit d'apporter des réponses exemptes de greenwashing, pour satisfaire les attentes de ces talents. Une mission dans laquelle le Daf a assurément un rôle à jouer.
Anticiper les questions
De quelle manière est-il possible d'apporter ces réponses aux candidats ? Tout d'abord via le site Internet de l'entreprise. C'est le choix de SAP qui publie sur son site beaucoup d'informations sur la RSE : on y trouve notamment le rapport intégré du groupe. « Nous pensons que c'est un élément de différenciation et souhaitons travailler de manière à mieux répondre aux questions des candidats » indique Emmanuelle Brun-Neckebrock, CFO France de SAP, précisant que l'engagement RSE de l'entreprise est un élément de fierté et de rétention pour les collaborateurs les plus jeunes.
Une initiative intéressante à condition de s'assurer que les informations diffusées soient bien compréhensibles des visiteurs du site et facilement accessibles. « Même si les entreprises mettent davantage en avant des informations quant à leur engagement environnemental dans leurs communications, il n'est pas toujours facile d'y accéder. Par ailleurs, les rapports extra-financiers ne sont pas lus, même par les candidats très motivés » observe Adam Poupard, étudiant à Polytechnique et membre du collectif Pour un réveil écologique.
C'est pourquoi le collectif d'étudiants conseille de poser des questions précises lors des entretiens d'embauche : c'est en effet la façon la plus sûre et la plus directe d'obtenir des réponses. « Engager la conversation sur ces sujets en entretien est souvent vu d'un bon oeil par les entreprises, car cela montre un candidat qui souhaite s'engager à long terme » pense Adam Poupard. À condition que l'employeur soit en mesure de donner des éléments tangibles, pour ne pas décevoir le candidat. Il s'agit donc de se préparer à de telles questions qui peuvent - et cela intéresse le Daf - porter sur la part du budget et des investissements consacrés aux problèmes environnementaux ou encore la prise en compte dans le système comptable de la performance extra-financière. « Il est d'autant plus important de savoir répondre à de telles questions que la finance de demain intégrera le pilotage de l'extra-financier » souligne Mikaël Deiller. La liste de questions du collectif Pour un réveil écologique porte aussi et avant tout sur l'utilité sociale de l'entreprise et sa capacité à continuer à exister dans un monde contraint. « Le sens du travail que recherchent les étudiants n'est pas juste transcendantal. Ils ne cherchent pas simplement à être utiles, mais veulent s'assurer que l'impact environnemental de l'activité de l'entreprise qu'ils rejoignent vaut le coup en matière d'utilité. Et c'est aux entreprises d'apporter des réponses précises à cette question, sans se cacher derrière de la simple communication » précise Adam Poupard.
Projets à long terme
Béatrice Fayolle, directrice des valeurs (finance, utilité, durabilité) de Sbt Humans Matter, dit ne pas avoir encore été confrontée à de telles questions lors d'entretiens, mais son entreprise prend souvent les devants : « Nous faisons passer beaucoup de messages avant même qu'on nous pose les questions. Nous présentons l'entreprise en expliquant nos partis-pris et il nous arrive, en entretien, d'ouvrir la discussion sur ces sujets de notre propre initiative » raconte-t-elle. Elle se pose également la question de sortir du temps court et de l'année fiscale, qui selon elle restreint la vision des différents acteurs, en s'efforçant de regarder en glissant sur 18 mois. « Ce n'est pas la même chose de suivre des ratios sur un an et sur cinq ans, on a moins de pression, même si les objectifs à atteindre sont supérieurs. Malheureusement, l'exercice fiscal nous contraint, ainsi que les banques qui ne financeront jamais une entreprise qui aura été performante sur cinq ans avec une dernière année insuffisante » note Béatrice Fayolle.
Pourtant, Adam Poupard témoigne de ce rapport au futur qui évolue au sein des nouvelles générations : « Les étudiants souhaitent se projeter à long terme et trouver une entreprise qui puisse leur dire à quoi elle ressemblera dans 15 ans, avec des critères de durabilité et d'utilité » estime-t-il. Peut-être que le discours de SAP, dont tous les projets RSE ont 2030 comme point de convergence afin de se laisser le temps de mener les transformations de l'entreprise, lui parlera ? Même s'il souhaite aller plus loin. Il regrette, par exemple, n'avoir jamais vu une entreprise qui communique sur le choix d'un projet à long terme, avoir un bilan environnemental et économique positif au détriment d'un projet à court terme, qui rapporte tout de suite. Le message est passé.