"Apprendre à apprivoiser ses émotions pour mieux travailler et mieux manager"
Publié par Stéphanie Gallo Triouleyre le - mis à jour à
Anthropologue de formation, Emmanuelle Joseph-Dailly est directrice du Lab Recherches et Prospective de Julhiet Sterwen. Persuadée que notre cerveau dispose d'une marge de progression phénoménale, elle a co-écrit avec le docteur Bernard Anselem "Les Talents cachés de votre cerveau au travail".
> L'intelligence émotionnelle est, selon vous, une voie intéressante pour progresser dans sa vie professionnelle et dans sa vie de manager. Comment les directeurs financiers, très cartésiens par nature, peuvent-il se saisir du sujet ?
Il faut d'abord rappeler ce qu'est une émotion. Du temps de nos ancêtres, l'émotion permettait à de sélectionner les informations nécessaires à leur survie. Aujourd'hui encore, chaque raisonnement est précédé d'une émotion. Qu'on la remarque ou pas, elle est là. Selon les situations, tension ou danger notamment, elle peut même prendre le dessus.
Il faut bien comprendre qu'une émotion ne se contrôle pas, c'est impossible. En revanche, on peut l'apprivoiser et même, s'en faire une alliée. L'intelligence émotionnelle consiste ainsi à savoir tirer parti de ses émotions et de celles des autres. Il est vrai que les directeurs financiers écoutent peut-être moins leurs émotions que d'autres corps de métier. Ils ont parfois été habitués, du fait de la technicité de leur métier, à en faire un peu abstraction.
> Comment peuvent-ils dans ces conditions développer leur intelligence émotionnelle et se servir de leurs émotions pour progresser ?
En prenant conscience de leurs émotions et en les acceptant. Il est ainsi complètement contreproductif de ruminer une émotion négative, même si c'est évidemment extrêmement humain. Une des clés est de se discipliner pour laisser place à des émotions positives. De nombreuses techniques existent pour cela : par exemple, l'imagerie mentale positive utilisée aussi dans l'armée en technique de visualisation. En se remémorant un souvenir positif, nous nous mettons dans de bonnes dispositions hormonales. L'idéal est d'être capable de mettre en place des stratégies efficaces de régulation des émotions. L'une d'entre elles consiste à mettre en perspective et à relativiser.
> En matière de management, quels enseignements tirer de l'intelligence émotionnelle au profit de l'intelligence collective ?
En développant l'intelligence de soi, sa capacité à se comprendre et à s'écouter, le directeur financier sera plus en capacité d'écouter les autres et d'être sensible à leurs émotions, de décrypter leurs peurs, leurs blocages ou les raisons de certaines défiances. Et donc de faire évoluer favorablement les situations. L'émotion est derrière chaque décision, que l'on s'en aperçoive ou pas, elle arrive au cerveau bien avant sa perception consciente. De récents Prix Nobel ont même montré que le marché boursier était émotionnel !
De la même façon, pour profiter de l'intelligence collective, c'est-à-dire, l'intelligence supplémentaire créée grâce à la collaboration entre plusieurs individus, l'écoute et la prise en compte des émotions est indispensable. Par exemple, pour qu'une réunion soit vraiment constructive, chacun des participants doit être en situation de sécurité psychologique. Sinon, aucune idée divergente et vraiment intéressante n'émergera. Et le manager a ici une belle opportunité pour créer ces conditions optimales.