Quels métiers pour la finance de demain ?
Publié par Camille George le | Mis à jour le
La transformation digitale d'une fonction impacte inéluctablement les métiers qui la composent. La finance ne fait pas exception à la règle. Quels sont les métiers de la finance de demain ? Voici quelques éléments de réponses et pistes de réflexion proposés lors de "Finance Revolution".
Ces évolutions impliquent un changement de posture et d'état d'esprit qui ne vont pas toujours de soi et que le Daf doit accompagner. Mais pour bien accompagner un changement il faut d'abord l'identifier. De quelle façon ont évolué les métiers au sein des trois grandes familles de la finance d'entreprise que sont la comptabilité, la trésorerie et le contrôle de gestion ?
D'opérateur de saisie à analyste
La comptabilité pour commencer a subi de plein fouet la transformation numérique des entreprises et la dématérialisation des processus. Cette première transformation qui a eu lieu il y a une quinzaine d'année a permis d'activer un autre levier d'amélioration : l'automatisation. " On cherche aujourd'hui à passer moins de temps à produire de la data et plus à l'analyser. C'est de cette façon qu'on a vu arriver la RPA ensuite enrichit d'IA, c'est pour cela qu'on parle aujourd'hui d'IPA, qui a vocation à automatiser les processus comptables, explique Cédric Fradin, CFO, enseignant et associé d'Adapt'One Solution. L'enjeu est important puisqu'il faut que les processus soient écrits et matures sans quoi on automatiserait des inefficacités. "
"Le data scientist ne donne pas de sens aux chiffres, il apporte une meilleure information au métier."
Jérémie Guez, directeur du Data Lab, DSI chez BNP Personal Finance
Pas si simple car un certain nombre de sociétés, PME et petites ETI en tête, ne sont pas ou peu automatisée. Cela repose également la question de l'externalisation. " Il n'est peut-être pas nécessaire d'externaliser son CSP en Inde ou en Malaise, pointe Susanne Liepmann, CFO de HTL Biotechnology et présidente du méta réseau FiPlus. On peut tout à fait avoir son petit CSP en France et tout automatiser autour pour justement avoir des équipes encore plus proches du terrain, capables de faire ce data cleaning nécessaire à la compréhension du métier. " L'enjeu pour les comptables est de sortir du rôle de data cruncher pour aller vers un rôle de traducteur des chiffres. " Si on ne donne pas de sens aux chiffres, ils ne servent à rien ", souligne Brigitte Gény, DG Finance de Synlab France qui ressent elle aussi d'importantes évolutions au niveau du CSP comptable. " Depuis 2 ans nous enrichissons le métier de comptable en proposant à certains membres de l'équipe de devenir référent sur des sujets spécifiques comme les IFRS par exemple. " Une évolution source de valeur ajoutée pour le comptable comme pour l'entreprise donc. " Cette évolution est motivante, le métier est moins routinier ", souligne Brigitte Gény.
Changement d'état d'esprit
Le métier de trésorier évolue également. S'il reste gardien du cash et maître de la relation investisseurs, le trésorier d'entreprise change surtout d'état d'esprit. Pour Cédric Fradin, c'est sur l'analyse de la santé financière d'un tiers que le changement a été le plus marqué : " on est passé d'une analyse a posteriori via un tiers de confiance à une démarche peer to peer fondée sur un modèle de plateformes collaboratives qui permettent la mise en réseau de l'information. L'objectif pour les trésoriers étant d'avoir une analyse du comportement des clients au réel et non a posteriori." Il a fallu aussi au trésorier à apprendre à composer avec l'incertitude. " Dans un monde où tout va très vite où tout est VUCA, il nous faut apprendre à passer du plat de lasagnes bien rangé bien compartimenté, au plat de spaghetti où tout est interconnecté ce qui est assez antinomique avec les métiers traditionnels de la finance parce qu'il faut accepter une part d'incertitude, une part où ça ne boucle peut être pas (à l'exception du cash bien sûr où il faut impérativement que cela boucle toujours !) pour pouvoir aller à l'essentiel où on s'assure de la bonne direction générale, " estime Susanne Liepmann. Force est de constater que la crise sanitaire a contraint à ce changement de paradigme. " Nous avons dû changer du jour au lendemain les KPI's, raconte Brigitte Gény. Nous avons également dû changer de méthode de clôture comptable car si on avait fait comme d'habitude les chiffres étaient faux. Il nous a fallu anticiper et réagir très vite. "
Du contrôle au co-pilotage
Troisième activité au sein de la fonction, le contrôle de gestion subi lui aussi de nombreux bouleversements à tel point qu'on ne devrait plus parler de contrôleur de gestion mais de co-pilote de la performance selon Cédric Fradin : " Ce n'est pas le pilote, il est à côté des opérationnels. Au coeur de l'organisation, il doit bien comprendre les process et accompagner les métiers dans le choix des bons indicateurs de performance des processus, ces fameux indicateurs avancés qui sont au coeur de l'entreprise. "
Le besoin d'interconnexion est clé lorsqu'il s'agit de conjuguer les performances individuelles pour en faire une performance globale et collective. Or, le contrôleur de gestion doit permettre et favoriser cette interconnexion. " C'est la raison pour laquelle nous avons créé des binômes avec des personnes à la manoeuvre sur le terrain et un contrôleur de gestion par région par zone géographique. Et ils travaillent en effet ensemble, " abonde Brigitte Gény. L'enjeu est ici de se placer dans une logique d'action et non plus seulement de prévention. " La finance est une langue qui permet aux acteurs de l'entreprise de se comprendre et de traduire des faits opérationnels en un langage commun, insiste Susanne Liepmann. Mais c'est surtout un moyen de mettre du liant entre les métiers. "
Le bon mix de compétences
La question que se posent beaucoup de Daf aujourd'hui est de savoir comment intégrer plus de digital dans la finance. Faut-il se mettre en quête d'un profil financier avec une appétence digitale ou à l'inverse d'un data scientist avec une appétence pour la finance ? Est-il préférable d'avoir un profil 3-en-1 ou avoir trois personnes différentes qui auront peut-être du mal à collaborer ? Une des voie suggérée lors de la table ronde serait, pour les organisations de taille conséquente et très structurées, de faire appel ponctuellement à un data business manager capable de faire le pont entre le département Data et les métiers ou de créer un Data Lab. Et pour les organisations de taille plus modeste et moins structurées de choisir d'embaucher un data scientist avec des appétences pour la finance et de le partager avec les autres métiers clé pour l'entreprise.
A titre d'exemple, chez BNP Personal Finance la transformation data a démarré il y a 4 ans en créant un Data Lab co-mandaté par les business forts de l'entreprise que sont la DSI, le Marketing et les départements Risques et Opérations. La façon dont le lab fonctionne avec ces métiers varie suivant le degré de maturité et le besoin de chaque département. " Certains métiers matures, comme le marketing, ont déjà leur propre équipe data intégrée avec lesquels nous travaillons en support ou en expertise dans certains domaines. D'autres métiers, moins matures, sont plus en recherche de compétences. Avec ces dernières, nous travaillons via des méthodes scrum en associant l'expert business et le data manager. Il est capital d'avoir le métier en proximité car le data scientist qui traite la data ne peut se rendre compte d'un biais éventuel induit par le métier par exemple. " Jérémie Guez, directeur du Data Lab, DSI fonctions centrales chez BNP Personal Finance.
Les trois rôles du financier par rapport à la data :
L'archéologue doit aller chercher la donnée et la nettoyer.
Le détective interroge la donnée et la fait parler.
Le scientifique tire des conclusions de ces données.