Réussir la greffe après une fusion
Publié par Yousra Senhaji le - mis à jour à
Dans un processus de fusion, après la phase énergivore des négociations, le Daf entame une étape encore plus délicate : l'accueil de la nouvelle équipe. Exit les chiffres, place à la communication...
Lors d'une fusion, les synergies théoriques présentées sur le papier prennent rarement en compte les difficultés liées à l'intégration d'une nouvelle équipe, avec sa propre culture, ses habitudes bien ancrées, son rapport particulier à la hiérarchie et son attachement à des menus privilèges considérés comme acquis... Pour que la greffe prenne, le Daf doit se transformer en médiateur diplomate et en patient pédagogue avec un objectif : dédramatiser les changements et fédérer les deux troupes autour d'un projet d'entreprise commun.
Pour éviter les télescopages et les fuites, le Daf joue un rôle majeur, puisque c'est souvent lui qui gère le calendrier de la transaction, des négociations au closing. " Il faut communiquer au plus tôt auprès des instances représentatives du personnel, quand elles existent, et expliquer l'intérêt de l'opération de rapprochement, ainsi que ce qu'elle apporte au projet de développement de l'entreprise ", conseille Sophie Brignano, DRH à temps partagé pour des PME et coauteur du Guide RH des fusions-acquisitions(1). Dès que l'annonce est faite, il faut vous préparer à répondre aux inquiétudes et angoisses des salariés, surtout dans le contexte actuel de coupes franches dans les effectifs et de montée du chômage. Vous devrez adopter un discours rassurant mais surtout transparent : " Il ne faut surtout pas faire de fausses promesses aux salariés ou éluder les questions qui fâchent, insiste Sophie Brignano. Si vous comptez procéder à des licenciements ou à des changements radicaux pour la vie des collaborateurs, autant les annoncer le plus tôt possible tout en expliquant en quoi ils sont inéluctables et comment vous comptez les accompagner. "
Ne pas négliger sa propre équipe
Les mesures d'accompagnement et de communication sont souvent focalisées sur l'équipe reprise, qui a légitimement besoin d'être rassurée, mais ne négligez pas pour autant votre propre équipe qui peut aussi nourrir des craintes face aux changements de ses propres conditions de travail et du nouveau périmètre de son entreprise. Vous pouvez même en faire d'excellents relais d'intégration pour les nouveaux arrivants et neutraliser leur hostilité en leur confiant des missions valorisantes "d'ambassadeur". Mais attention à ne pas surcharger vos salariés historiques de nouvelles tâches liées au rapprochement. " On a souvent tendance à sous-estimer la charge de travail que représente une fusion dans une PME, pointe Sophie Brignano. Les collaborateurs qui se voient confier de nouvelles tâches liées à la gestion du changement en plus de leur travail quotidien risquent vite de se décourager. Il faut, a minima, reconnaître cet effort et le récompenser. "
Quant à la nouvelle équipe qui débarque, il est nécessaire à la fois de lui laisser le temps de se créer de nouveaux repères et de s'acclimater à votre culture d'entreprise, mais aussi d'accélérer la phase d'harmonisation des conditions de travail pour éviter que les vieilles habitudes perdurent. Autrement dit, s'il est primordial de hâter toutes les modifications liées à la nature même du travail (changement d'horaires, nouvelles procédures, migration informatique...), ce n'est pas la peine, en revanche, de forcer les nouveaux venus à adopter tout de suite certains codes et rituels qui relèvent de la culture propre de l'entreprise (tutoiement généralisé, bise du matin...). Ce savant dosage nécessite infiniment de doigté et d'efforts de communication. Forts de leurs ratios, tableaux Excel et données factuelles, les Daf ont parfois tendance à négliger la valeur symbolique de certains changements, qui peuvent être dramatisés. Sophie Brignano cite ainsi l'exemple d'une équipe qui s'est vu imposer la mutuelle du repreneur et qui l'a très mal vécu, alors que le nouveau contrat était plus avantageux...
(1) Guide RH des fusions acquisitions, par Sophie Brignano et Stéphanie Cadoret, éditions Liaisons, 14 décembre 2012, 186 pages, 26 €.