La monétisation des jours de RTT, une mesure contre la crise des talents ?
Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Afin de redonner du pouvoir d'achat aux Français, la loi de finances rectificative pour 2022 a instauré provisoirement la monétisation des jours de RTT. Une mesure qui peut permettre aux entreprises de faire face aux difficultés de recrutement.
En cette période de forte inflation, le gouvernement a cherché différents moyens de redonner du pouvoir d'achat aux Français : prime de partage de valeur, réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires ou encore rachat de RTT. Cette dernière mesure offre la possibilité aux salariés de renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025 pour les convertir en salaire, avec l'accord de leur employeur. Et ce, pour l'ensemble des jours de RTT des salariés et quelle que soit la taille de l'entreprise.
Rappelons que, jusqu'à présent, si les jours de RTT n'étaient pas posés avant la fin de l'année, monétisés dans le cadre d'un PERCOL ou placés sur un Compte Epargne Temps (CET) - si de tels dispositifs existaient dans l'entreprise -, ceux-ci étaient perdus. Ce dispositif instauré par la loi de finances rectificative pour 2022 peut donc être intéressant à plus d'un titre.
Payer plus sans augmenter le salaire
Premier effet de cette mesure : augmenter le revenu des salariés sans augmenter leur salaire. En effet, d'après l'étude de Robert Half « Ce que veulent les salariés en 2023 » (publiée en janvier 2023), 64 % des salariés envisagent de demander une augmentation salariale en 2023. Ce qui n'est pas évident à satisfaire étant donnée l'incertitude actuelle.
Ainsi, avoir recours à la monétisation des jours de RTT permet de satisfaire cette demande des salariés de gagner plus d'argent sans pour autant prendre la décisions irréversible de les augmenter. On peut ainsi les empêcher d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.
D'autant plus que ces jours de RTT auxquels le salarié renonce pour être payé davantage, sont payés à la valeur d'une journée de travail majorée au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l'entreprise (en principe 25 %, sauf si un accord collectif prévoit un taux différent ; celui-ci est au minimum de 10%). « Cette valorisation est en fait considérée comme un paiement d'heures supplémentaires et entre dans l'enveloppe des 7500 euros d'heures supplémentaires défiscalisées », ajoute Emmanuel Labrousse, directeur du service social-paies de Walter France.
Autrement dit, les heures correspondantes sont libres de cotisations sociales et d'impôts sur le revenu dans la limite de 7 500 €. En revanche, elles ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires. Et pour les entreprises de moins de 20 salariés, les cotisations sociales patronales bénéficient d'une déduction forfaitaire.
Combler le manque de personnel
La monétisation des jours de RTT est également intéressante à un autre titre. « Cela permet de surmonter temporairement les difficultés à trouver du personnel qu'éprouvent beaucoup d'entreprises en ce moment. C'est pour moi le vrai intérêt de cette mesure », souligne Emmanuel Labrousse. En effet, les salariés travaillent davantage puisqu'ils ne prennent pas leurs RTT ; et peuvent ainsi combler le manque de personnel.
Attention cependant : le rachat de RTT doit normalement être à l'initiative du salarié, à laquelle l'employeur donne son accord. Il s'agit donc d'inciter les salariés à profiter de cette mesure de rachat des RTT sans pour autant les forcer. Il faut d'ailleurs que la demande du salarié et l'accord de l'employeur soient faites par écrit, pour pouvoir les présenter lors d'un contrôle URSSAF. « Un document écrit suffit, qui peut être un simple e-mail. Il n'y a pas besoin de demander l'accord au CSE. On est vraiment sur de l'individuel », précise Emmanuel Labrousse.
Autre point de vigilance : si la possibilité est donnée à un salarié de profiter de cette mesure, il faudra donner son accord pour tous les autres salariés qui en feront la demande, au nom du principe d'égalité de traitement. Il s'agit donc de s'assurer qu'on possède la trésorerie nécessaire au paiement de l'ensemble des RTT.
Attention au cadre de la mesure
Attention également de s'assurer que les salariés entrent bien dans le cadre de cette mesure. « Certains « RTT » sont appelés ainsi abusivement et n'en sont pas nécessairement », prévient Emmanuel Labrousse. En effet, cette mesure est réservée aux entreprises qui ont mis en place un accord de RTT antérieur à la loi de réforme du temps de travail de 2008 et maintenu en vigueur ou un accord collectif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine.
Ainsi, les jours de repos compensateur venant en remplacement du paiement des heures supplémentaires et les jours de repos des salariés en forfait annuel en jours sont exclus du dispositif - pour ces derniers, il existe déjà un mécanisme spécifique de renonciation aux jours de repos non pris. En revanche, le ministère a précisé qu'étaient également éligibles à ce nouveau dispositif les journées de repos acquises par les salariés au titre d'accords de cycle de travail ou de modulation, d'un dispositif de réduction du temps de travail des salariés à temps partiel (temps partiel annualisé) maintenu en vigueur en application de la loi du 20 août 2008 ou d'un dispositif conventionnel d'aménagement du travail à temps partiel sur tout ou partie de l'année.
Si vous êtes dans le périmètre du dispositif et que vous souhaitez en bénéficier, ne traînez pas : il n'est pas pérenne et stoppera le 31 décembre 2025.