Amortir fiscalement un fonds commercial, c'est possible
Publié par Charlotte Véniard, Counsel en droit fiscal, PDGB le - mis à jour à
Un régime dérogatoire au droit commun permet aux entreprises repreneuses de réduire le coût global de leur acquisition en pratiquant un amortissement fiscalement déductible. Eclairage.
Votre entreprise a un total de bilan et un montant net de CA respectivement inférieurs à 6 M€ et à 12 M€ ou elle compte moins de 50 salariés. S'il n'a pas été acquis auprès d'une entreprise liée, le fonds commercial qu'elle vient d'acquérir pourrait être fiscalement amorti.
Alors que comptablement, l'amortissement du fonds commercial peut être admis, il existe un principe général de non-déductibilité fiscale de ces amortissements. Pour les fonds acquis depuis le 1er janvier 2022, un régime temporaire autorise toutefois leur déduction fiscale. Il a récemment été encadré.
Ne pas confondre fond commercial et fond de commerce
Le fonds commercial se distingue du fonds de commerce. Il est défini comme un actif immobilisé constitué des éléments incorporels du fonds de commerce acquis qui ne font pas l'objet d'une évaluation et d'une comptabilisation séparées au bilan et qui concourent au maintien et au développement du potentiel d'activité de l'entité (PCG, art. 212-3). Ainsi, lorsqu'ils ne peuvent pas être évalués isolément et inscrits au registre des immobilisations, les éléments suivants constituent le fonds commercial : la clientèle, la patientèle, le nom professionnel, l'achalandage, l'enseigne, le nom commercial.
Comptablement, le fonds commercial étant présumé avoir une durée d'utilisation non limitée, il ne peut donc pas faire l'objet d'un amortissement. Ce principe souffre deux exceptions prévues par le PCG (plan comptable général) : dans les cas rares d'existence d'une limite prévisible à l'exploitation du fonds (ex. fonds affecté à une concession) et beaucoup plus couramment, pour les « petites entreprises » au sens de l'article L. 123-16 du Code de commerce. Ces dernières peuvent l'amortir sur une durée de 10 ans et ce même en l'absence de limite prévisible à l'exploitation du fonds. En pratique, de nombreuses entreprises sont éligibles à ce dispositif puisque la définition de « petite entreprise » englobe toute entreprise ne dépassant pas deux des trois seuils suivants : effectif de 50 salariés, un total du bilan de 6 millions d'euros et un montant net de chiffre d'affaires de 12 millions d'euros.
Fiscalement, à titre temporaire, pour les fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025, la loi de finances pour 2022 a autorisé la déduction fiscale de ces amortissements constatés en comptabilité.
Conditions et modalités d'application de ce régime
Son bénéfice est étendu aux éléments des fonds artisanaux, des fonds agricoles résiduels ou aux fonds des titulaires de BNC (bénéfices on commerciaux) et à tous les fonds nouvellement acquis durant la période précitée, « aussi bien aux fonds acquis dans le cadre d'une opération de cession à titre onéreux qu'à ceux reçus dans le cadre d'apports, de fusions ou d'opérations assimilées » (BOI-BIC-AMT-10-20).
En cas d'application du régime spécial des fusions, il conviendra d'évaluer l'intérêt de choisir d'amortir le fonds commercial, celui-ci relèverait alors en effet du régime des « immobilisations amortissables ». Les conséquences à en tirer et le sort de la quote part de mali technique qui lui est affecté ont été décrits dans les commentaires administratifs relatifs au dispositif (BOI-IS-FUS-10-20-40-10).
La loi de finances rectificative pour 2022 a par ailleurs intégré une mesure anti-abus entrée en vigueur à compter du 18 juillet 2022 applicable en présence de liens entre l'acquéreur et le cédant. Dans ces situations, la loi écarte la possibilité de déduire fiscalement l'amortissement comptabilisé à raison du fonds commercial.
Sont notamment visées les hypothèses dans lesquelles l'acquisition du fonds commercial est réalisée auprès d'une entreprise liée au sens de l'article 39, 12 du CGI. En substance, en application de cette disposition, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre sous le contrôle d'une tierce entreprise qui détient la majorité de leur capital, directement ou indirectement, ou exerce en fait le pouvoir de décision. Autres hypothèses visées par la mesure anti-abus, celles dans lesquelles le fonds est acquis auprès d'une entreprise, y compris individuelle, placée sous le contrôle de la même personne physique que l'entreprise acquéreuse.
Ce dispositif dérogatoire et temporaire, au champ d'application étendu, concerne de nombreuses opérations et représente un réel avantage fiscal.
L'auteur :
Charlotte VENIARD est avocate counsel en matière de fiscalité de entreprises. Avec près de 15 ans d'expérience, elle assiste majoritairement les entreprises, tant dans leurs opérations quotidiennes que dans le cadre de restructurations ou de contrôles fiscaux. Membre active au sein de la Commission des débats techniques de l'Association Française des Femmes Fiscalistes, elle est en charge de cours de fiscalité internationale en DJCE et de l'enseignement du module de fiscalité des entreprises à HEAD.