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Vers une gouvernance fiscale pour les entreprises françaises?

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Entreprises implantées en Allemagne et au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a récemment introduit une obligation pour les entités situées sur son sol dont le chiffre d'affaires est supérieur à 200 millions de livres sterling ou dont l'actif brut est supérieur à 2 milliards de livres de publier chaque année leur stratégie fiscale. En présence de groupes de sociétés, ces seuils s'appliquent au niveau du groupe. En outre, les sociétés qui rentrent dans le champ des obligations en matière de déclarations pays par pays, c'est-à-dire les sociétés dont le chiffre d'affaires global est supérieur à 750 millions d'euros, sont visées par cette obligation. Les filiales ou établissements stables britanniques de sociétés étrangères sont également concernés.

La première publication aura lieu en 2017 pour les exercices ouverts à compter du 15 septembre 2016. Si les pénalités applicables en cas de manquement à l'obligation de publication sont assez peu significatives (7 500 £ pour les 6 premiers mois, à nouveau 7 500 £ pour les 6 mois suivants, puis 7 500 £ par mois après 12 mois), la portée du dispositif n'est pas seulement symbolique. En effet, le défaut de publication ou la négligence dans la définition de sa stratégie ne manquera pas d'attirer l'attention de l'administration fiscale britannique et pourrait déboucher sur un contrôle.

L'Allemagne poursuit également de tels objectifs, par le biais de la mise en place d'un "Tax Compliance Management System". Ce cadre de gouvernance fiscale fait écho à la volonté du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, et fit l'objet de recommandations en relation avec la conformité fiscale de la part du comité des experts-comptables. L'idée sous-jacente est de vérifier au sein de l'entreprise si la prise en compte de la fiscalité est cohérente à un niveau global, ceci afin de permettre ou non d'écarter des présomptions de responsabilité pesant sur les représentants légaux.

Entreprises implantées en Espagne et en Italie

L'Espagne a également adopté, en 2015, des éléments de gouvernance fiscale, plus spécifiquement en matière de responsabilité au sein des sociétés cotées. La législation espagnole prévoit désormais que le conseil d'administration des sociétés cotées doit nécessairement définir la stratégie fiscale ainsi que la politique de contrôle et de gestion des risques, y compris fiscaux, de la société. De son côté, la commission des risques doit superviser l'efficacité du contrôle interne de la société et des systèmes de gestion des risques, y compris les risques fiscaux.

L'Italie a introduit récemment un régime de coopération volontaire globale, impliquant notamment l'instauration d'un cadre de gouvernance fiscale ainsi qu'une relation de transparence et de confiance avec l'administration fiscale italienne. Ce régime a toutefois une portée limitée, dans la mesure où il ne concerne que les très gros contribuables - résidents ou non-résidents - dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 milliards d'euros (1 milliard d'euros si les sociétés ont participé au programme pilote de 2013).

De la publication de la stratégie fiscale au Royaume-Uni à la responsabilité individuelle des organes exécutifs en Allemagne, en passant par l'obligation pour les organes exécutifs de définir la stratégie fiscale et la politique interne de gestion des risques fiscaux en Espagne, le cadre de gouvernance fiscale auquel est confrontée une entreprise multi­nationale est dorénavant une mosaïque complexe dont les composantes pourront être perçues soit comme des opportunités (car venant rajouter de la sécurité), soit comme des contraintes (car venant alourdir sa gestion opérationnelle quotidienne).

Nota bene Ajouter un bloc de gouvernance fiscale aux autres blocs de gouvernance en matière juridique et pénale, au moment où la loi Sapin 2 entre en vigueur (1er juin 2017), permettra à l'entreprise de bénéficier d'une grille de lecture stratégique et opérationnelle et de mieux gérer son risque fiscal, financier et réputationnel.

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N. Cordier Deltour, F. Warcollier et C. Delsol

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