Fermeture de sites : la loi Florange limite fortement le pouvoir de gestion
La proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle dite loi Florange, adoptée définitivement le 24 février et promulguée le 1er avril dernier, impose au chef d’entreprise de rechercher un éventuel repreneur lorsqu’il envisage la fermeture de l’un de ses établissements.
La loi initialement votée par le Parlement a été amputée d’une partie de ses mesures, et non des moindres, par le Conseil Constitutionnel en raison notamment d’une atteinte au droit de la propriété, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.
Le Conseil Constitutionnel a censuré le 27 mars 2014 la mesure phare de la loi Florange : la possibilité d’imposer des pénalités en cas de fermeture d’un site rentable (pénalité maximum de 20 SMIC par emploi supprimé dans la limite de 2% du chiffre d’affaire annuel de l’entreprise).
Cette décision est favorable aux entreprises en ce qu’elle adopte à la fois un raisonnement juridique clair et préserve les intérêts économiques (notamment vis-à-vis de leurs concurrents) des sociétés concernées. Les sociétés ne sont donc plus astreintes à des obligations de résultat mal définies et trop importantes, dont le défaut pouvait être fortement sanctionné.
Malgré la suppression de la pénalité financière, l’obligation de rechercher un repreneur et d’informer en détail les salariés demeurent et les manquements à ces obligations pourront être sanctionnés sur plusieurs fondements.
Peut-on refuser une offre de reprise ?
En cas de refus d’une offre de reprise, un rapport est présenté au CE. Ce rapport précise :
- Les actions engagées pour rechercher un repreneur ;
- Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ;
- Les motifs qui l’ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement.
Ce rapport servira de base aux éventuelles contestations émanant du CE et sera également envoyé à l’administration, qui l’utilisera certainement pour définir le contenu de la convention de revitalisation.
Quelles sanctions ?
Le CE peut saisir le Tribunal de commerce dans les 7 jours de la réunion si ce dernier estime que l’entreprise n’a pas respecté les obligations qui lui incombent tenant à la recherche de repreneurs (susmentionnées) ou qu’elle a refusé de donner suite à une offre qu’il considère comme sérieuse. Il convient de préciser ici qu’en l’état de la rédaction et de la censure partielle de la loi, celle-ci permet aux salariés de saisir le Tribunal de commerce lorsqu’ils constatent un refus d’offre sérieuse, sans pour autant définir le caractère sérieuse de cette offre, ni déterminer quel contrôle le tribunal doit porter sur ce point. Les décrets d’application ou une loi nouvelle (potentiellement un loi ad hoc ou un amendement au projet de loi sur l’économie sociale et solidaire) viendront probablement préciser ce point.
Le Tribunal statue alors dans un délai de quatorze jours (éventuellement assisté d’un expert). En cas de condamnation, l’employeur peut être amené à rembourser tout ou partie des aides pécuniaires en matière d’installation, de développement économique ou d’emploi attribuées à l’entreprise au cours des deux années précédant le jugement, au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture. Nous attirons votre attention sur le fait qu’en dépit de la suppression de la pénalité financière, les obligations de recherche d’un repreneur et d’information détaillée des salariés demeurent et que la loi n’en est pas pour autant totalement vidée de sa substance ;
Tout manquement à ces obligations pourra ainsi être sanctionné de différentes façons :
- Maintien des possibilités de recours devant le TGI en cours de négociation du PSE ;
- Nouveau recours devant le Tribunal de commerce développé ci-dessus ;
- Possibilité de refus par l’administration de valider ou d’homologuer les PSE et de mettre en demeure l’employeur de se conformer aux obligations légales ;
- Prise en compte des efforts réalisés par l’employeur dans la convention de revitalisation des bassins d’emplois ;
- Contestation du PSE via la remise en cause des efforts de l’employeur en matière de reclassement externe, visant in fine à rendre nuls les licenciements prononcés en application de ce plan.
Depuis quand ?
Ces obligations concernent les procédures de licenciements collectifs engagées à compter du 1er avril 2014 (date d’envoi de la convocation de la 1ère réunion).
Par Stéphanie de Moras, associée et Florence Marques, avocate – Brunswick Société d’Avocats