Réforme de l'audit : " Les choses vont se compliquer pour le Daf de PME ou d'ETI cotée "
Publié par Yann Petiteaux le | Mis à jour le
La réforme de l'audit concerne essentiellement les EIP, entités d'intérêt public dans lesquelles on trouve notamment toutes les sociétés cotées. Explications avec Eric Seyvos, ancien vice-président de la commission en charge de la réforme européenne de l'audit au sein de la CNCC.
La réforme de l'audit concerne essentiellement les EIP, entités d'intérêt public dans lesquelles on trouve notamment toutes les sociétés cotées. Explications avec Eric Seyvos, associé dirigeant de BM&A, fondateur d'Option initiatives Audit (OIA)et ancien vice-président de la commission en charge de la réforme européenne de l'audit au sein de la CNCC.
La réforme européenne de l'audit est entrée en vigueur en France le 17 juin. Quels en sont les principaux enjeux?
Cette réforme tire son origine de la réflexion du commissaire européen Michel Barnier, à la suite de la crise financière de 2008. Un certain nombre de défaillances avaient été pointées. L'objectif de cette réforme est triple : améliorer la qualité de l'audit, assurer l'indépendance des auditeurs et opérer une déconcentration du marché de l'audit. Du fait de l'hétérogénéité des pratiques d'un pays à l'autre, la réforme est très complexe à mettre en oeuvre. Les partenaires européens se sont donc concentrés sur quelques points concernant essentiellement les EIP, c'est-à-dire les entités d'intérêt public : banques, assurances, sociétés cotées.
La rotation obligatoire des firmes qui impose, sauf exception, une durée maximale de dix ans durant laquelle un cabinet d'audit pourra être commissaire aux comptes en est la mesure phare. La durée est de 16 ans en cas de procédure d'appel d'offres et de 24 ans pour un co-commissariat aux comptes. Les autres mesures importantes portent sur le plafonnement des honoraires des services non-audit, l'obligation de passer un appel d'offres en cas de rotation obligatoire à l'issue du délai légal et le rôle accru du comité d'audit (pour une présentation complète mais synthétique de la réforme, lire ici). Des sanctions pécuniaires sont prévues en cas de non respect des dispositions du règlement, notamment pour les EIP, leurs gérants, administrateurs ou membres du directeurs ou du conseil de surveillance dont les personnes physiques peuvent encourir jusqu'à 250 000 euros d'amende.
Comment ces mesures vont-elles impacter le travail du Daf de PME ou d'ETI ?
Le Daf d'une entreprise cotée va devoir instaurer une gestion de suivi du mandat du CAC et anticiper les problématiques de nomination et de sélection.
La réforme concerne en premier lieu les EIP, qui regroupent notamment les sociétés cotées. Or parmi ces dernières, on trouve aussi bien des grands groupes que des entreprises du compartiment C générant quelques centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires. En clair, les ETI cotées vont être impactées par la réforme. En revanche, pour le secteur non EIP, les conséquences de la réforme pour les entreprises sont marginales, car elles portent essentiellement sur les règles déontologiques du commissaire aux comptes et l'organisation de la profession.
Pour le Daf de PME ou d'ETI cotée, la réforme de l'audit va compliquer les choses. Il va devoir prendre connaissance des nouvelles règles portant sur la déontologie, instaurer une gestion de suivi du mandat du CAC et anticiper les problématiques de nomination et de sélection : Doit-il organiser un appel d'offres ? Doit-il changer de CAC ? Un ou les deux -la plupart des sociétés cotées ayant deux CAC- ?
Entre EIP et non-EIP, ne va-t-on pas créer un audit à deux vitesses ?
Oui, d'une certaine façon. Il existait déjà des normes spécifiques aux EIP et désormais nous en créons davantage. Dans l'idéal, la réforme aurait dû intégrer un critère de proportionnalité plutôt que la seule distinction EIP / non EIP, le risque systémique portant essentiellement sur les grandes entreprises, mais sa mise en oeuvre était trop complexe. Par conséquent, la PME cotée va être impactée de la même manière que la très grande entreprise pour ce qui est des principales mesures (rotation, plafonnement des services non audit). Cependant, quelques mesures d'allègement ont été prévues par le législateur français pour les PME, ainsi que les capitalisations inférieurs à 100M€ : ainsi elles sont exonérées de l'obligation de mettre en oeuvre les appels d'offres.
A noter
La réforme de l'audit est entrée en vigueur le 17 juin 2016. Principaux objectifs : clarifier le rôle de l'auditeur légal, renforcer son indépendance et relever le niveau minimal de convergence des pratiques d'audit. L'ordonnance avait été publiée dans les délais soit le 17 mars 2016. Mais le décret d'application se faisait attendre. Le texte a été publié le 28 juillet au Journal Officiel.