Jean-Claude Trichet (ex-BCE) « Il y a eu une reprise de l'inflation qui a beaucoup surpris »
Publié par Christina DIEGO le | Mis à jour le
Jean Claude Trichet, ex-président de la BCE a animé une keynote sur le thème « L'inflation : la partie est-elle vraiment gagnée ? » lors du Paris Ibanfirst Summit ce mercredi 11 décembre. L'occasion de revenir sur le rôle des banques centrales américaines et européennes dans la maîtrise de la période inflationniste qui a débuté post-Covid.
La période inflationniste, un retour post-covid
Dans un premier temps, Jean-Claude Trichet a tenu à rappeler que l'inflation avait totalement disparu avant la crise sanitaire de 2020. « Après l'épisode de la faillite de la banque Lehman Brothers, on s'est retrouvé des deux côtés de l'Atlantique et dans l'ensemble finalement des pays avancés avec un risque de déflation grave et immédiate ».
Puis l'ex-président de la BCE a ouvert une analyse post-crise du Covid. « Il y a eu la reprise post-Covid qui a montré que l'inflation n'avait pas du tout disparu. Ceci s'est passé à la mi-2021 des deux côtés de l'Atlantique. Cela a beaucoup surpris ». En effet, dans un premier temps, la plupart des économistes ont pensé que c'était un effet transitoire. Mais en fait pas du tout. « C'est Jay Powell qui est le premier à dire finalement que cela allait être durable. Cette bouffée d'inflation a été très importante puisqu'elle avait amené des deux côtés de l'Atlantique une inflation autour de 10 %- un peu plus de 10 % aux Etats-Unis, un peu moins de 10 % en Europe, 9, 9 et demi, disons pour simplifier le pic », rappelle Mr Trichet.
Le rôle des banques centrales
Face à cette situation, beaucoup d'économistes et d'observateurs pensaient que les banques centrales n'allaient rien faire à l'égard des gouvernements, des banques, des gouvernements, des trésoreries, qu'elles décideraient de ne pas augmenter les taux d'intérêt, de ne pas lutter contre l'inflation.
« Or, ce n'est pas du tout ce qu'on a observé. Les banques centrales américaines ont fait 11 augmentations de taux d'intérêt successives et 10 en Europe, en fait les banquiers des banques centrales s'étaient engagés à donner comme objectif, à moyen ou long terme, une stabilité des prix à 2 % ».
Jean-Claude Trichet a tenu à rappeler que la notion de stabilité des prix autour de 2 % à moyen terme avait été affirmée dès la création de l'euro par la Banque Centrale Européenne, réaffirmée par la Fédérale Réserve après la faillite de la banque Lehman Brothers en 2012, et par les Japonais en 2013.
« Je le dis au passage, et c'est une information que vous trouverez assez rarement dans le domaine public, mais si vous regardez le coeur du système monétaire international, les droits de tirage spéciaux gérés par le FMI, vous avez le dollar, l'euro, le yen japonais et la livre sterling. Ces quatre monnaies des pays avancés ont toutes la même définition de la stabilité des prix, à 2 % à moyen terme ». Pour lui, il s'agit d'un élément important de stabilisation du système monétaire international.
L'inflation aujourd'hui
L'ancien président de la BCE rappelle qu'en partant d'un niveau qui a quand même été très élevé à 10 % post-Covid, en octobre dernier l'Europe était à 2 % en Europe, « mais on va passer à 2,3 % en novembre », précise-t-il. En comparaison aux Etats-Unis, elle était à 2,6 %, en octobre donc il existe une différence de 0,6 % entre les deux côtés de l'Atlantique. « Comme on partait de 10 %, c'est un résultat qui est assez significatif à mon sens » analyse-t-il.
« Je voudrais le comparer avec ce qui s'est passé avec le premier choc pétrolier qui est un choc un peu équivalent, très violent, qui a eu lieu en 73-74 du siècle dernier. Et là, on avait laissé l'inflation galoper. Elle s'était ancrée à 14 % et pour en reprendre le contrôle, il avait fallu que Paul Volcker arrive à la tête de la banque centrale américaine et mette les taux d'intérêt court à 20 % », souligne Jean-Claude Trichet.
A son sens, la partie n'est pas encore gagnée pour répondre à la question posée. Et d'ajouter que « les banques centrales ont raison d'opérer leur baisse de taux de manière ordonnée, afin de ne pas décourager l'ensemble des opérateurs économiques qui pour le moment ont confiance dans la capacité des Etats-Unis et de 'Europe d'arriver à atterrir autour de ces fameux 2 % ».