[ITW] Alice de Massiac : "DAC 6 concerne les entreprises aussi"
Publié par Marwa Nakib le | Mis à jour le
La directive européenne DAC 6 fait partie du programme de la Commission Européenne visant à renforcer la transparence fiscale et lutter contre la fraude fiscale, pour assurer une taxation plus équitable dans l'Union Européenne. Alice de Massiac, avocat associée chez Deloitte TAJ, nous explique.
La directive Européenne DAC 6 impose de nouvelles obligations de transparence à charge des intermédiaires et des conseils intervenant dans des transactions transfrontalières à caractère fiscalement agressif. Elle vise à limiter les opérations d'optimisation fiscale.
Adoptée en juin 2018 par le Conseil des ministres des affaires économiques et financières de l'Union Européenne, sa mise en oeuvre, initialement prévue pour juillet 2020, a été repoussée jusqu'à janvier 2021 par la majorité des pays membres de l'Union Européenne en raison de la pandémie. À partir de cette date, tout intermédiaire qui intervient dans une transaction transfrontalière ou internationale, doit déclarer aux autorités fiscales, dans un délai de 30 jours, la transaction avant qu'elle ne soit mise en place auprès de l'administration fiscale du pays concerné. Toutes les transactions depuis la date de l'adoption (juin 2018) doivent également faire l'objet d'une déclaration.
> Les entreprises sont-elles concernées aussi?
AM : C'est une nouvelle obligation principalement pour les intermédiaires et les conseils, mais pour les entreprises aussi. En effet, il y a deux cas dans lesquels l'entreprise est obligée de faire la déclaration elle-même : lorsqu'il n'y a pas d'intermédiaires qui interviennent, et lorsque l'intermédiaire est soumis à un secret professionnel, et que l'entreprise ne veut pas relever l'intermédiaire de son obligation de secret professionnel. Dans ces cas-là, l'obligation de la déclaration pèse sur l'entreprise, et doit être respectée. Les entreprises concernées devaient revoir leurs processus internes afin de s'assurer que les faits générateurs de déclaration puissent être identifiés à temps, permettant le dépôt des déclarations dans les délais requis, pour ne pas encourir de pénalités.
> Qu'est ce que cela change pour les entreprises?
AM : Pour les entreprises, cela impacte surtout les relations qu'elles ont avec leurs conseils. Ces derniers sont obligés, quand ils interviennent sur une opération déclarable, de déclarer les informations relatives à l'entreprise dans un laps de temps assez réduit, de 30 jours. Il y a deux cas qui se présentent, et l'un deux est problématique pour les entreprises.
Dans le premier cas, l'intermédiaire (ou le conseil) est soumis au secret professionnel, et ne peut pas faire la déclaration sans l'accord préalable de l'entreprise, il doit contacter son client pour la levée du secret professionnel, afin d'être en mesure de procéder à la déclaration. Dans le cas où l'entreprise décide de ne pas lever le secret professionnel, elle doit alors procéder elle-même à la déclaration.
Dans le deuxième cas, où le conseil n'est pas tenu au secret professionnel, il peut déclarer sans obligation d'accord préalable de son client. Cette situation peut être problématique pour les entreprises quant à la gestion de la relation avec leurs conseils. Le conseil voulant déclarer la transaction le plus rapidement possible pour éviter toute pénalité, alors que le groupe d'entreprises voudra maîtriser son image auprès des administrations fiscales des différents pays de son groupe. Il faut mettre en place un processus entre l'entreprise et ses conseils pour que l'entreprise puisse bien maîtriser son image sans que le conseil n'encourt de pénalités.
> Quelles sont les pénalités encourues en cas de non-déclaration?
La gestion du risque lié à l'absence de déclaration est un vrai sujet ! Comme toute directive, la directive DAC 6 donne un cadre, et chaque état membre de l'Union Européenne l'applique en fonction de ses propres attentes ou volontés. Donc les pénalités ne sont pas les mêmes selon le pays. Elles sont les plus élevées en Pologne et aux Pays-Bas, où elles peuvent aller jusqu'à 900,000 euros par an. En France, la première erreur est à 5,000 euros, et le plafond est de 100,000 euros par entreprise (ou par entité juridique), par an.
> Comment se font les déclarations ?
Les déclarations sont déposées sur le site impôts.gouv.fr du déclarant selon deux procédés : soit un procédé manuel qui ne demande aucune démarche préalable du déclarant, soit un procédé plus complexe en cas de déclarations multiples auquel les déclarants ont accès grâce à un code fourni par l'administration fiscale. Le procédé prévu en cas de grande volumétrie de déclaration n'est pas encore complètement stabilisé, mais les déclarations semblent avoir été déposées sans difficultés majeures. Les entreprises et leurs conseils ayant effectué le recensement de toutes leurs opérations depuis juillet 2020 étaient prêtes pour la première déclaration qui était prévue pour le 31 janvier 2021. Il leur reste encore quelques semaines, d'ici fin février, pour déclarer leurs opérations datées de juin 2018 à juin 2020.