Réforme de la facturation électronique : le grand flou
Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Avec le revirement de l'Etat sur le PPF ou la dernière annonce d'une plateforme gratuite lancée par l'Ordre des experts-comptables, les acteurs du secteur (PDP ou OD) comme les daf semblent dans le flou de la réforme de la facturation électronique, malgré les échéances du calendrier qui seront respectées pour 2026.
Domitys, spécialiste des résidences services seniors, membre du Groupe AG2R la Mondiale, exploite/compte aujourd'hui plus de 185 résidences, les achats étant réalisés auprès de fournisseurs nationaux, régionaux, et locaux. « Nous traitons plus de 120 000 factures par an, et ce volume est amené à augmenter dans les années à venir avec l'ouverture de nouvelles résidences. Concernant la facturation électronique, nous sommes aujourd'hui dans une phase de diagnostic, et n'avons pas encore choisi de PDP à ce stade. L'objectif est de transformer la contrainte réglementaire en opportunité pour fluidifier encore plus notre process P2P, même si celui-ci est plutôt efficace aujourd'hui grâce à notre outil d'engagement. Cet outil nous permet de gérer les achats, de la création de la commande jusqu'au paiement au fournisseur », explique Nicolas Guffroy, daf de Domitys. A l'image de Domitys, les directions financières et/ou comptables n'ont pas encore tranché dans le choix de leurs PDP. Car malgré un calendrier dont l'échéanche arrive dès 2026, les effets d'annonces sur la réglementation (suppression du PPF, ...) bousculent les acteurs.
Le point de vue des PDP
Ainsi, avec l'abandon du PPF, quels sont les changements pour les acteurs du secteur comme les PDP ? « Depuis le désengagement de l'Etat, le forum national de la facture électronique (ou FNFE) plaide pour que l'Etat soit toujours garant de la gouvernance pour structurer et normer les échanges entre les acteurs qui interviennent dans le process d'envoi et de réception des factures », explique Chrystelle Verlaguet, directrice solutions digitales Europe chez Quadient. Quadient a fait partie de la première vague d'immatriculation sous réserve des PDP en septembre dernier. Historiquement, l'opérateur proposait déjà des solutions de dématérialisation (comme OD) pour les factures clients, fournisseurs et dans le process order-to-cash auprès de 4000 clients en France. « La société a développé une PDP pour enrichir ses canaux de diffusion et réception de factures et accompagner ses clients sur leur mise en conformité», souligne Chrystelle Verlaguet.
Les OD devront se positionner avec les PDP
Du côté des OD, celles qui devaient passer par le canal du PPF ne pourront plus émettre ni recevoir de factures. « Elles auront alors 2 solutions : soit elles laissent leur client final choisir une PDP et elles ne traitent que la facture en amont, avec le côté fastidieux de devoir se connecter à l'ensemble des PDP, soit elles s'associent avec une PDP qu'elles proposeront à leur client pour envoyer et recevoir des factures.», développe Chrystelle Verlaguet. C'est pourquoi, suite à l'abandon du PPF, Quadient a décidé de lancer une nouvelle offre destinée aux OD pour proposer sa PDP en marque blanche et ainsi répondre aux attentes des entreprises qui ne voudraient pas changer leurs habitudes ou OD.
Plaidoyer pour Peppol
A date, plus de 70 PDP ont obtenu une certification provisoire et seraient plus d'une centaine au final. Pour rappel, un des pré-requis de la certification définitive des PDP (outre un audit dont le cadre n'a pas été encore fixé), était le fait que ces plates-formes puissent se connecter entre elles. « Il semble difficile d'imaginer que chacune de ces PDP certifiées doivent développer un accès spécifique et différent pour se connecter à chacune des autres PDP », souligne la directrice solutions digitales Europe chez Quadient. Ainsi, pour faciliter la connexion entre les PDP, la FNFE milite pour le choix de la norme Peppol (Pan-European Public Procurement Online), réseau transfrontalier sécurisé pour la facturation et la gestion des marchés publics en ligne dans de nombreux pays en Europe. Cette plate-forme permettrait non seulement « un flux d'échanges de données structurées dans un lieu sécurisé, connecté à des milliers d'organisations dans + de 30 pays », selon Chrystelle Verlaguet, mais Peppol proposerait également un annuaire des différents opérateurs autorisés à envoyer et recevoir des factures électroniques. Au-delà de la gestion des marchés publics (BtoG), notons que certains pays s'intéressent déjà de près à Peppol, comme la Belgique, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni pour envoyer/recevoir prochainement leurs factures électroniques BtoB.
En parallèle, le projet européen ViDA visant à harmoniser les règles de TVA pour répondre aux défis numériques et incluant notamment l'obligation de la facturation électronique en Europe ne rencontre pas de consensus, malgré un délai repoussé en 2030. L'Estonie s'opposant actuellement au projet de réforme de la TVA. « Si finalement, le projet ViDA reconnaissait le réseau Peppol comme le point d'accès obligatoire pour envoyer et recevoir des factures quel que soit le pays en Europe, cela simplifierait largement les transactions transfrontalières et permettrait de résoudre les problématiques de compliance des entreprises à dimension internationales notamment », avance Chrystelle Verlaguet.
Quel coût pour les TPE ?
De son côté, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a fait part de son opposition au projet de facturation électronique payante dans un communiqué de presse du 17 octobre. Justement, le revirement de l'Etat vers une solution payante risque de peser dans la trésorerie des petites entreprises. Une situation pas aussi simple selon Chrystelle Verlaguet : « Au-delà du sujet des PDP, les TPE doivent s'équiper d'outils technologiques pour envoyer et recevoir des factures. Le coût sera donc porté davantage par ces outils digitaux que par les PDP. Car, d'une façon générale, elles devront avoir la capacité de traiter des factures au format UBL, CII, Factur X et ne pourront plus gérer des fichiers PDF ou Excel ». Pour répondre à ces questions de coût pour les PME, l'ordre des Experts-Comptables vient d'annoncer la création d'une plateforme de facturation électronique gratuite, à destination de toutes les entreprises, en particulier pour les petites et moyennes entreprises ainsi que les micro-entrepreneurs.