Financement de l'innovation : l'absence d'équipe R&D n'est pas un obstacle
Si l’innovation et la R&D sont bien identifiées comme un levier de croissance, pour autant les entreprises recourent peu aux financements dédiés. Pourquoi ? Comment y remédier ? Quel rôle pour le DAF ? Réponses avec Laure Humbert Manager opérationnel, Leyton.
Selon une récente étude sur le CIR, si 60 % des entreprises, de la PME aux grands groupes, estiment que l’innovation dans une acception large comprenant la recherche et développement (R& D) est LE bon outil de sortie de crise, seulement 20 % d’entre elles activent les financements dédiés.
Pourquoi ce déficit d’activation des financements dédiés ?
« L’innovation est une sous partie de la R&D et l’on peut faire de la recherche sans être innovant et de l’innovation sans être dans la R&D », indique Laure Humbert. Mais, par abus de langage, une confusion existe entre innovation et R&D. Une confusion qui se répercute sur la recherche de financements : « Pour pouvoir prétendre à un financement dédié soit à l’innovation soit à la R&D, le projet doit répondre à une définition fiscale précise ».
De plus, en France, l’écosystème public/privé en matière d’innovation et R&D est à la traîne. « Or la R&D étant souvent perçue comme un domaine académique, les acteurs privés estiment que leurs projets n’en relèvent pas et ne sollicitent pas certains dispositifs ». Un a priori regrettable alors qu’existe par exemple un statut Jeune Docteur dédié au recrutement en salariat d’un docteur ayant un diplôme de niveau BAC+8.
Troisième cause : le décalage entre le lancement du projet et la recherche de financements externes : « Une entreprise française va le plus souvent démarrer son projet sur des fonds propres et seulement lorsque ceux-ci sont épuisés penser aux subventions et aides. Cette logique de développement ferme la porte à certains financements régionaux ou européens qui requièrent une demande avant même que le projet ne commence », alerte Laure Humbert.
À cela se greffe une méconnaissance des dispositifs ou un renoncement à déposer un dossier jugé trop complexe à monter, et en outre « la crainte que le dépôt d’une demande de financement entraîne une divulgation ou un piratage. À tort car il y a des règles protectrices et des accords de confidentialité. Dans les faits ce risque ne se réalise pas ».
Tous ces facteurs convergent vers une réalité : certains projets ne sont pas identifiés comme éligibles.
1) une partie du projet n’est pas identifiée comme éligible car rattachée à un service autre que celui baptisé R&D ou Innovation (ou équivalent) et les personnes dudit service ne contribuent que ponctuellement au projet. « Ce peut être le cas de la contribution du service marketing, souvent oubliée et donc non rattachée au projet dans le sens fiscal du terme ».
2) Des projets non identifiés dans leur globalité comme éligibles car totalement décorrélés du service Innovation/R&D. Tel peut être le cas d’une innovation de procédé en industrie pour réduire l’impact environnemental d’une chaîne de production. Ou encore « la réponse donnée à une demande client atypique via un travail de recherche ou d’innovation non perçu comme tel, parce qu’il s’agit d’un projet en réaction à une demande ».
3) au sein des PME multisites : cette organisation peut conduire à un manque de rattachement des contributions ou un manque de recensement : « Ces entreprises structurées, organisées par départements, créent un système où par manque de communication, l’innovation n’est pas connue, notamment quand elle est menée par des gens non techniques ».
D’où l’intérêt, selon Laure Humbert, que les DAF se saisissent de ce sujet : « La fonction finance dispose d’une vision d’ensemble et donc potentiellement de l’exhaustivité des activités menées pour ensuite mener l’analyse requise ».
Le DAF et l’identification des projets éligibles
Un prérequis : l’ouverture d’esprit. « Il faut partir du présupposé que la R&D peut se loger partout et que de ne pas avoir de département dédié R&D/innovation ne signifie pas qu’il n’a pas d’innovation ». Dès lors, il devient possible de rattacher beaucoup de dépenses à la démarche d’innovation ou de R&D, parmi lesquelles l’amortissement du matériel R&D, la contribution de personnel non technique, des abonnements à des revues techniques ou à des bases de données, des participations à des salons, à des conférences, ou encore des dépenses de normalisation.
Une veille : « Le premier réflexe peut être de s’abonner à un canal de réseau social ou à une newsletter d’un cabinet de conseil en innovation afin de disposer d’une veille pertinente et de mises à jour ».
Une démarche essentielle : « Effectuer un benchmark parmi les confrères de votre secteur d’activité susceptibles d’avoir recours à des financements dédiés. Si votre concurrent direct dispose du double de votre enveloppe de financements, cela doit évidemment constituer un signal d’alerte ».
Pour quel résultat ? Une analyse bien menée permet le plus souvent d’augmenter l’enveloppe de financements de 10 à 20 %.