Départs à la retraite et récupération de compétences
Combien de fois avez-vous entendu parler d'un collaborateur sur le départ et dont le successeur n'avait pas encore été nommé ? Comment dès lors envisager son départ sereinement pour l'un et assurer la continuité pour l'arrivant ? Le transfert de compétences est un sujet dont les Daf doivent se saisir car il impacte la performance de l'entreprise.
Les témoignages sont (très) nombreux et les « dommages » de cette absence de passage de relai s’observent notamment en termes de perte de compétences ou de connaissances des dossiers. Ils donnent également l’image d’une gestion des ressources humaines mal anticipée, ils mettent à mal les efforts au quotidien pour un suivi d’activité de qualité et une gestion des échéances rigoureuse. Ils distillent parmi les collaborateurs le sentiment que tout collaborateur est « interchangeable à tout moment » sans tenir compte des connaissances et compétences spécifiques requises pour être rapidement opérationnel.
L’augmentation des départs en retraite, notamment dans les pays développés, conjugués à une rationalisation du temps de travail, rendent de plus en plus fréquents ce scénario. Les futur(e)s retraité(e)s quittent leur poste en n’ayant ni le temps ni l’opportunité de transférer convenablement les dossiers au successeur ou de transmettre leur savoir-faire, souvent développés à partir de plusieurs décennies d’expérience. Car tout l’enjeu du risque de perte de savoir-faire est là ! Les facteurs concurrentiels des entreprises résident dans des savoir-faire spécifiques : les capacités à faire fonctionner un matériel complexe, à mettre en œuvre les conditions nécessaires au bon déroulement d’un processus de fabrication, ou encore à maintenir un bon état de fonctionnement l’appareil productif.
Or certains savoir-faire stratégiques ne sont pas (ou plus) disponibles sur le marché. Pour développer les compétences en interne, plusieurs outils tels que le tutorat ou le compagnonnage, jusqu’alors très souvent déployés au sein des organisations, sont aujourd’hui laissés de côté : ils requièrent beaucoup de disponibilité au tuteur alors que la rationalisation du temps de travail et les contraintes de la GPEC réduisent cette disponibilité et ce temps de doublure nécessaires à un compagnonnage efficace. Or les longues carrières des futur(e)s retraité(e)s leur ont permis de développer une réelle expertise ou tout au moins d’engranger quantités d’informations, historiques et retours d’expérience, qui seraient fort utiles aux « générations futures ». Le risque majeur est que lorsque ces « mémoires vivantes » auront quitté le navire, une grande partie du patrimoine intellectuel de l’entreprise aura disparu à son tour, mettant en péril le savoir-faire et la pérennité de l’organisation.
Comment faire pour diminuer le risque de perte de compétences et de savoir-faire dans l’organisation ? Que mettre en place pour que le successeur puisse prendre le relai de manière efficace et rapide ? Comment valoriser et (re)motiver les équipes, stimuler les échanges et la transversalité dans l’organisation ?
Identifier les gisements d’expertise ne suffit pas
Il convient tout d’abord de faire un état des lieux des savoir-faire qui peuvent être considérés comme « stratégiques » pour la pérennité de l’entreprise ainsi que le ou les détenteurs de ces savoir-faire. Tous les collaborateurs ne sont pas détenteurs et le « grade » n’est pas non plus un gage de savoir faire stratégique. Chaque chef d’équipe est alors mis à contribution pour identifier ces gisements d’expertise. Cette cartographie réalisée, il s’agira pour le management et les ressources humaines de prioriser les savoir faire à conserver, notamment en fonction des objectifs stratégiques, de la rareté de l’expertise et des échéances de départ des collaborateurs détenteurs (mutation, départ en retraite…). Puis le détenteur de compétences et savoir faire critiques aura pour mission d’expliciter, de formaliser et de transmettre « sa manière de faire » telle manœuvre ou action et de rendre cette information suffisamment « pédagogique » auprès des bénéficiaires en charge de le perpétuer.
Cette démarche peut sembler naturelle et « logique ». C’est vrai. Ce qui est plus difficile en revanche c’est l’explicitation du savoir faire de détenteur car souvent les choses lui semblent faciles à réaliser. Sa technique ou son approche a été éprouvée à de nombreuses reprises pour obtenir le résultat escompté dans les délais et niveau de qualité exigés. Plusieurs modalités « pédagogiques » seront alors mises à contribution pour accompagner le détenteur dans sa réflexion et dans son transfert de compétences aux bénéficiaires.