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Publié par Mathieu Viviani le | Mis à jour le
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Choc des cultures

Justement, avantages et inconvénients, parlons-en. D'emblée, gageons qu'il n'y a pas de réponse type en la matière. Chaque entreprise, chaque entrepreneur, chaque secteur d'activité possède sa singularité et sa propre histoire, mais certains aspects de l'hypercroissance se retrouvent et se recoupent. Quand une start-up naît, c'est l'effervescence. Chaque membre de l'équipe fondatrice vit dans le même bureau et au rythme du décollage de la société. En termes de compétences, tout le monde est un peu comme " un couteau suisse ". À partir du moment où une start-up entre en hypercroissance, une phase de recrutement s'entame.

Comme le précise Frédéric Mazzella, trouver les bons profils, les former, et leur inculquer la culture d'entreprise prend beaucoup de temps et d'énergie : "Le recrutement n'est pas une tâche comme les autres. Le piège est de se laisser accaparé par cette tâche et ne pas pouvoir effectuer son travail opérationnel. À ce moment-là, il peut se passer deux choses : soit on bâcle son recrutement et on se retrouve avec un profil inadéquat dans son équipe, soit on recrute trop de personnes pensant que la charge de travail de son service le nécessite. Si on multiplie cet écueil par le nombre de services qui recrutent, cela peut coûter cher en énergie, en temps et... en argent. Voilà comment une levée de fonds importante peut être gaspillée et entraîner de sérieuses difficultés par la suite. "

Autre défi à relever, le management. Lorsqu'une jeune société grandit d'un coup, la tendance qui s'observe actuellement est de recruter des experts à la tête de tel ou tel service. Mais manager une équipe est un métier en soi. Des erreurs de casting peuvent advenir. Parfois même, un fondateur, lorsqu'il se retrouve en charge de manager un effectif de plusieurs dizaines de personnes, peut capituler. C'est ce qui est arrivé en 2018 à Quentin Sannié, co-fondateur de la marque audio française haut de gamme Devialet. À la tête de la direction opérationnelle, il a quitté ses fonctions, admettant " n'avoir pas fait les choix optimaux " dans la gestion de son hypercroissance.

Isabelle Saladin, fondatrice du cabinet de consulting I&S Adviser commente à ce propos : " Quand on monte sa start-up, l'idéal est d'anticiper le moment où on deviendra un chef d'orchestre avec plusieurs sections d'instruments à gérer. Développer cette vision est loin d'être facile, j'en ai conscience. Pourtant, cela peut faire la différence. "

La gestion de l'argent issue de la levée de fonds est un autre item stratégique. Thomas Rebaud, CEO de Meero, est en plein dedans. De passage au France Digital Day 2019 à Paris, il témoigne : " J'ai tendance à penser que bien investir dans sa structure est plus compliqué que lever les fonds. Sous prétexte que votre compte en banque est rempli, il ne faut pas dépenser n'importe comment. Pour cela, se fixer des objectifs et les suivre mois par mois vraiment est essentiel. Trouver les unités économiques où investir cet argent est le plus compliqué. C'est pour ça qu'il faut bien réfléchir. Attention à ne pas trop s'éparpiller. Ouvrir pléthore de départements dans son entreprise n'est pas forcément pertinent. "

Autre solution simple évoquée par le CEO de BlaBlaCar, ouvrir un deuxième compte en banque à partir du moment où une levée de fonds est réalisée : l'un sera dédié aux affaires courantes de la société et l'autre aux fonds récoltés. L'idée est de bien voir ce qui est dépensé et de piocher en cas de besoin. C'est un thème phare de la sociologie des organisations. Lorsqu'une structure évolue, sa culture interne a tendance à évoluer aussi. La question essentielle ici est : pour le mieux ou pour le pire ?

Au siège de BlaBlaCar à Paris, il est intéressant de noter que tout est mis en place pour rappeler l'histoire et les valeurs de la start-up depuis ses origines : livre Inside story dans la cafétéria, une frise chronologique de son évolution au fil des années, des stickers géants rappelant le " mindset " de BlaBlaCar et enfin une scène où se tiennent régulièrement des conférences internes. Les employés y partagent informations et expériences sur leur quotidien de travail. " La culture d'entreprise, c'est primordial. Quand on recrute beaucoup et rapidement, il faut veiller à transmettre les valeurs fondatrices de sa start-up et surtout les cultiver au quotidien sur la durée. Les managers ont un rôle primordial à jouer sur le sujet ", ajoute Frédéric Mazzella.

Témoignage

"L'humain doit être au centre de l'hypercroissance"
Thibaud Hug de Larauze, CEO et co-fondateur de Backmarket

Backmarket, spécialiste français de la vente en ligne d'appareils électroniques reconditionnés, vit sa première séquence d'hypercroissance. Thibaud Hug de Larauze, co-fondateur et CEO de Backmarket - une des quatre start-up siglées " TechForGood " membres du Next40 - estime que celle-ci est " un bon signe " et " un bon problème ": " Cela veut dire que notre boîte suscite une appétence croissante chez les consommateurs, que notre business monte."

Pour lui, le premier challenge est très concret : comment servir un million de clients au lieu d'un millier, le tout avec une qualité de service encore meilleure ? Le CEO de 31 ans répond : " Il s'agit de recruter de nouveaux talents en définissant précisément nos besoins en amont . Il n'y rien de plus contraignant que de se retrouver avec des nouveaux collaborateurs mal briefés ou affectés à des postes inadéquats. Il faut passer du temps à leur expliquer comment fonctionne la boîte et comment ils peuvent y créer de la valeur. Aussi, c'est important de recruter des personnes meilleures que soi sur certaines spécialités. "

L'autre volet du challenge se situe selon lui dans le changement de l'organisation en interne. " Nous le sentons tout de suite. Dès que l'effectif augmente, nous devenons plus lourds. L'information circule moins bien. Il faut limiter ça. " Quid du quotidien des dirigeants ? " Nous faisons aussi partie de l'hypercroissance. Je pense qu'il faut apprendre à plus déléguer et à faire confiance à ses équipes. Il faut aussi passer plus du temps à partager la vision de sa société. Quand on est 10 personnes au début, ce n'est pas la peine car tout le monde la connaît. Mais à 200, c'est autre chose. En fin de compte, le principal défi de l'hypercroissance est l'humain. Il doit être au centre. "

BACKMARKET
Vente en ligne de produits électroniques reconditionnés
Paris (19e)
Thibaud Hug de Larauze, CEO, 31 ans
SAS > Création en novembre 2014 > 210 salariés
CA 2018 NC

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Mathieu Viviani

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