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Critères ESG : la solution pour un retournement durable?

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le

Communiquer sur les performances ESG, c'est donner plus de chances au retournement d'une entreprise. Une communication qui doit se faire lors de la phase de financement permettant un meilleur accès à la dette mais aussi lors du repositionnement de son business model.

« Dans le cadre de la reprise à la barre d'une entreprise exploitant un parc de machines vieillissant, j'ai accompagné un candidat repreneur qui, plutôt que d'exclure les machines obsolètes du périmètre de son projet, a proposé de toutes les récupérer pour les recycler, déchargeant ainsi la procédure collective de ces actifs peu monétisables et verdissant par là-même son offre. Cet engagement a été perçu positivement par le Tribunal, et a assurément consolidé le dossier. Dans certains cas, ce type d'engagements pourrait même faire la différence entre deux offres équivalentes » explique Alexandre Koenig, avocat spécialisé en charge de la pratique Restructuring et Insolvency du cabinet Stephenson Harwood à Paris.

Les critères ESG : la garantie d'un bon restructuring ?

Communiquer sur les performances ESG, c'est donner plus de chances au retournement d'une entreprise, selon une analyse menée par AMO Strategic Advisors, groupe de conseil en communication stratégique porté par Havas Paris, et intitulée « Where real value lies : Communicating on ESG indicators to support a restructuring process ». Selon l'étude, « les critères et les notations ESG permettent de restituer fidèlement le potentiel réel d'un actif dévalué. Ceux-ci sont de plus en plus pertinents pour les acteurs financiers lorsqu'ils déterminent la viabilité d'une entreprise en cours de restructuration. »

Dans le cadre légal d'une reprise d'entreprise à la barre du Tribunal, les repreneurs doivent répondre à 3 critères : le maintien de l'emploi, une reprise au meilleur prix et assurer les garanties d'exécution. Dans une tribune parue dans les Echos le 31 mai dernier, l'avocat Baptiste de Fresse de Monval du cabinet Oplus plaide pour l'introduction d'un 4e critère celui du respect des objectifs de la planification écologique. « Les tribunaux pourraient ainsi privilégier un repreneur porteur d'un projet s'inscrivant dans les objectifs de la planification écologique », écrit-il.

Une temporalité différente dans un contexte d'urgence de trésorerie

Une situation de crise se traduit d'abord par une impasse de trésorerie pour l'entreprise, qui a besoin d'une réinjection d'argent frais. En parallèle, elle doit repositionner son modèle économique pour assurer sa pérennité et/ou un retour à la rentabilité si elle est en situation d'exploitation déficitaire. « En restructuring, le sujet de l'intégration de critères ESG apparaît quelque peu avant-gardiste : dans une situation où l'urgence est de renflouer la trésorerie des entreprises et de sauver les emplois, la communication sur des objectifs extra-financiers de moyen/long terme n'apparaît pas la priorité. De manière prospective toutefois, surtout dans des secteurs sensibles sur le plan environnemental ou humain, on peut s'attendre à ce que les entreprises qui tardent à développer et mettre en oeuvre une stratégie ESG efficace soient celles qui se trouvent confrontées avant les autres, ou plus que les autres, à des problématiques restructuring », souligne Alexandre Koenig.

A titre d'exemple, l'entreprise marseillaise Altéo Gardanne, accusée de rejeter des boues rouges dans la Méditerranée, a vu son activité impactée par le durcissement des normes environnementales et dû passer par un redressement judiciaire fin 2019. La crise traversée par le groupe coté Orpea, qui bénéficiait d'une très bonne note ESG, révèle toutefois les limites de la notation ESG, dont la fiabilité a été critiquée, et ne lui a pas évité de devoir recourir à une procédure de prévention des difficultés pour se refinancer à hauteur de 3,2 milliards d'euros.

Communiquer sur sa stratégie ESG doit se décliner sur 2 axes : le financement et le repositionnement du business model de l'entreprise.

Un accès à la dette facilité

De plus en plus, les banques et les fonds d'investissement s'imprègnent des normes européennes qui imposent de respecter les critères ESG. « On observe d'ores et déjà une prise en compte de la performance ESG des entreprises par certains acteurs financiers dans l'évaluation de la valeur ou de la note de crédit des entreprises en recherche de financements. Et ce phénomène a vocation à s'accroître au gré de l'évolution de la réglementation. Une entreprise bénéficiant d'une notation ESG favorable pourrait avoir accès à la dette plus facilement, explique Alexandre Koenig, mais attention le robinet de l'emprunt n'est évidemment pas coupé pour les entreprises – et il y en a beaucoup - qui n'ont pas encore mis en place de politiques ESG ». Simplement, toutes choses égales par ailleurs, le coût de l'emprunt sera supérieur pour une entreprise n'ayant pas encore inclus de cibles ESG dans son business plan par rapport à une entreprise plus en pointe sur l'ESG.

Du côté investissement du capital, des nouveaux actionnaires et du M&A, l'intégration de la problématique ESG se traduit par la mise en place d'un reporting ESG, en collectant bien la donnée, en la mettant en forme et en communiquant dessus dans le cadre des due diligence pré-acquisition. « A terme, les entreprises faisant l'effort de rassembler et mettre à disposition de leurs investisseurs des éléments relatifs à leurs risques et plans d'action ESG devraient également voir leur attractivité renforcée par rapport à celles qui ne le font pas », selon l'avocat.

Les indicateurs ESG en disent beaucoup sur les performances futures d'un actif dévalué, selon les experts de AMO Strategic Advisors. Une communication adaptée peut faire toute la différence dans un processus de restructuration complexe.

À cette fin, selon les experts de AMO Strategic Advisors, il est important « d'identifier ce qui compte pour le modèle d'entreprise », car certains indicateurs n'ont pas le même impact pour chacune. Ainsi « l'impact de l'efficacité énergétique sur les résultats d'une compagnie aérienne » diffère de « l'impact sur ceux d'une banque d'investissement ». Plutôt que d'adopter une approche commune, les entreprises devraient, selon les experts d'AMO Strategic Advisors, développer un cadre de notation ESG sur mesure, qui se concentre sur les problématiques matérielles et immatérielles qui les concernent directement. Ceci implique la définition d'un ensemble d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs spécifiques, avec un protocole technique clair pour guider les définitions, la portée, l'application, et la présentation de chaque mesure de comptabilité non financière. Les parties prenantes bénéficient ainsi d'une véritable garantie de fiabilité des résultats.

Enfin, et c'est le plus important, les entreprises, après avoir déterminé les indicateurs les plus pertinents, « doivent se concentrer sur le développement d'un discours convaincant » au sujet de leur capacité à créer de la valeur. Ce discours permet d'engager les principales parties prenantes (banques, créanciers, fournisseurs, professionnels du restructuring) dans un effort collectif pour améliorer les indicateurs clés de performance et permettre à un actif dévalué de générer une valeur ajoutée à long terme. Cela peut même « s'avérer décisif en termes de viabilité des options de financement ».

Quelle communication?

Il faut se poser la question : quelle information je communique ? Sous quelle forme ? « Et si les sociétés cotées doivent répondre à des standards imposés, cela est plus compliqué pour les PME et ETI où cela est moins structuré et où les standards n'existent pas encore », souligne l'avocat qui travaille sur des dossiers où l'ESG est d'abord apparue dans le secteur industriel, avec des industries polluantes, sujettes à la délocalisation et consommatrices de capitaux. « Mon expérience m'a d'abord conduit à appréhender le « E » (environnement) de ESG avec par exemple, à l'occasion de la fermeture d'un site, la prise en charge de la dépollution de celui-ci. ».

Dans le cadre du repositionnement, l'extra-financier devrait prendre de plus en plus d'importance dans l'évaluation des entreprises en situation de défaillance. Sans compter que cela est un critère d'attraction employeur pour les jeunes talents et un avantage compétitif.

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