[Tribune] L'influence croissante du reporting ESG sur les directions financières et l'audit
Avec l'entrée en vigueur de la Directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) le 1er janvier 2024, le rôle des Directeurs Administratifs et Financiers (DAF) et des auditeurs connaît une transformation significative.
Traditionnellement concentrés sur les déclarations financières et la gestion de documents prêts pour l'audit, les daf jouent désormais un rôle clé dans l'intégration des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans les responsabilités corporatives. Impulsé par les normes exigeantes de la CSRD, ce changement étend non seulement le champ des entreprises concernées, mais accroit également leur responsabilité et le devoir de transparence de leur reporting.
En plus des avantages financiers associés au développement durable, la CSRD intègre des indicateurs ESG dans les rapports financiers, ce qui signifie qu'ils doivent désormais répondre au même niveau de rigueur et d'auditabilité que les indicateurs financiers traditionnels. Bien que des organisations investissent dans la durabilité depuis plusieurs décennies, avec la CSRD, les DAF et leurs équipes doivent désormais reporter ces données pour la première fois, indépendamment des avantages pour l'entreprise.
La France a été pionnière dans les efforts de l'UE en adoptant la CSRD le 6 décembre 2023, démontrant son engagement envers des normes environnementales strictes. L'approche française, incluant des sanctions importantes pour non-conformité telles que des sanctions pouvant atteindre 75 000 euros d'amendes et des peines de prison, sert de modèle pour une application rigoureuse des normes ESG. Cette adoption proactive souligne l'engagement national à établir des normes réglementaires élevées et sert de référence pour d'autres pays de l'UE.
Zoom sur les DAF
Comme en témoignent les nombreuses recherches effectuées sur le sujet depuis 2012, une forte corrélation existe entre la performance environnementale et sociale d'une structure et le faible coût du capital, ce qui n'a sans doute pas échappé à l'attention des directeurs financiers désireux de développer leur activité. Il est donc essentiel de constituer des équipes d'experts interdépartementales. Les entreprises durables attirent non seulement les investisseurs, mais aussi les employés et les clients.
Les investisseurs se concentrent davantage sur la durabilité et ont des attentes toujours plus élevées dans ce domaine, et ciblent de plus en plus des entreprises en adéquation avec leurs valeurs environnementales et sociales. En établissant des critères plus élevés pour les investissements durables, ils font de la transparence ESG un élément crucial pour toutes les entreprises, pas seulement celles actuellement obligées par la CSRD. D'ailleurs, une enquête indépendante menée auprès de plus de 2 000 professionnels impliqués dans le reporting ESG, révèle que la majorité des entreprises européennes non soumises à cette directive ont l'intention d'aligner partiellement ou totalement leurs rapports sur ses exigences.
Collaboration entre les équipes financières et celles en charge de la durabilité
Les équipes responsables de la durabilité ont beaucoup à apprendre de celles du reporting financier et de l'audit, qui produisent des rapports réglementés et rigoureux depuis des décennies. Il ne s'agit pas seulement de collaborer pour répondre aux exigences, mais aussi de partager les meilleures pratiques pour garantir que le travail soit bien fait et inspire confiance aux investisseurs (ainsi qu'aux autres parties prenantes, y compris les clients et les employés).
Dans ce contexte, les auditeurs occupent une position clé, cruciale pour garantir la clarté et la fiabilité des données. Les audits indépendants permettent aux compagnies de vérifier que leurs objectifs de durabilité ne se concrétisent pas seulement sur le papier mais aussi dans toute l'entreprise et sa chaîne d'approvisionnement. Cette démarche renforce la confiance des parties prenantes et la crédibilité des organismes qui s'engagent activement dans des pratiques durables et un reporting transparent. À une époque marquée par une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et sociaux, la synergie entre des chaînes d'approvisionnement vertueuses et des contrôles rigoureux devient un levier essentiel de succès pour les acteurs à l'international.
Focus sur la gouvernance, les risques et la conformité (GRC)
Le concept de GRC s'étend bien au-delà de l'audit de la chaîne d'approvisionnement, englobant la gestion de la gouvernance, des risques et de la conformité à une échelle plus large. Les stratégies efficaces sont intégrales à une gouvernance d'entreprise solide, garantissant que les entreprises respectent les exigences réglementaires et gèrent les risques de manière efficace. Les entreprises adoptent de plus en plus des référentiels GRC complets qui incluent la gestion des audits internes, des contrôles internes, et la gestion des risques d'entreprise pour soutenir leurs initiatives de durabilité.
L'intégration des critères ESG dans les référentiels GRC améliore la capacité d'une entreprise à gérer les risques liés aux facteurs environnementaux et sociaux tout en garantissant la conformité avec les réglementations en évolution. Par exemple, la gestion des audits internes et les contrôles internes sont cruciaux pour fournir une assurance sur l'exactitude et la fiabilité des données ESG, tout comme pour les données financières, et aident à bâtir la confiance des parties prenantes.
L'impact des technologies
En France, la gestion ESG subit une transformation significative, stimulée par l'intégration de technologies avancées qui améliorent la collaboration et rationalisent les processus. Un développement remarquable est l'adoption de l'IA générative, qui révolutionne la manière dont les structures gèrent le respect des normes de durabilité. Actuellement, 84 % des professionnels français reconnaissent que l'IA générative facilitera leurs tâches et augmentera l'efficacité du reporting de durabilité au cours des cinq prochaines années.
Cette évolution vers la technologie est soulignée par les investissements substantiels que les entreprises prévoient de faire dans ce domaine au cours des trois prochaines années, mettant en lumière l'importance croissante d'avoir des outils robustes pour favoriser une collaboration efficace entre les équipes de reporting.
Ces investissements sont cruciaux car ils aident les entreprises à répondre aux exigences rigoureuses des réglementations comme la CSRD tout en permettant une gestion et une analyse plus efficaces des données ESG. Avec la majorité des compagnies impliquant désormais plusieurs équipes internes dans leurs processus de reporting ESG, le besoin de systèmes intégrés facilitant une communication et une coordination fluides entre les départements n'a jamais été aussi important. En tirant parti de ces technologies, les organisations atteignent non seulement la conformité mais améliorent également leur efficacité opérationnelle et acquièrent une compréhension plus approfondie de leurs pratiques de durabilité.
L'évolution du reporting ESG
Alors que les considérations ESG deviennent centrales dans la gouvernance corporative, un reporting transparent et intégré est essentiel. Les sociétés proactives dans la promotion de la coopération interdépartementale ne respectent pas seulement la CSRD, mais se positionnent pour un succès durable dans un marché axé sur la durabilité. À l'avenir, le reporting ESG influencera de plus en plus les décisions d'investissement, soulignant le besoin d'une gestion précise des données et de processus de vérification. Les entités équipées de systèmes et de pratiques avancés peuvent répondre efficacement à ces exigences, sécurisant la confiance des investisseurs et un avantage concurrentiel.
En somme, face à des réglementations de plus en plus précises et exigeantes, les directeurs financiers et les auditeurs doivent non seulement adapter leurs stratégies pour se conformer à ces nouvelles exigences, mais aussi les exploiter pour avantager leurs organisations. Ainsi, ils garantissent que leurs entreprises restent exemplaires en matière de responsabilité et de durabilité.
L'auteur : Nicolas Letavernier, Directeur du développement France chez Workiva, éditeur de logiciels dédiés au reporting d'entreprise, ESG, d'audit et de gestion des risques.
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