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CQFD - Comment le groupe Fnac-Darty a fusionné ses deux trésoreries ?

Publié par Florian Langlois le - mis à jour à

Stéphanie Constand est l'invitée de ce nouvel épisode de "CQFD, la finance décryptée". Directrice financement et trésorerie chez Fnac-Darty, elle vient nous détailler comment le groupe a fusionné ses deux trésoreries en un seul outil. Elle revient également en détail sur les grandes étapes du projet, les critères pour choisir ce nouvel outil et les bienfaits qu'elle en tire au quotidien.

Pouvez-vous nous dire ce que représente Fanc-Darty aujourd'hui ?

Ce sont deux enseignes très connues des français. En quelques chiffres, nous avons à peu près 20 000 collaborateurs, principalement en France et dans des pays européens avec des Fnac en Espagne, au Portugal, et des cousins de Darty en Belgique et bien sûr en France, de nombreux magasins. Le groupe, c'est presque 1 000 magasins et c'est 7 milliards de chiffres d'affaires. Et donc effectivement, deux grosses trésoreries qui gèrent beaucoup de cash puisqu'on a 10 milliards de flux qui rentrent dans nos systèmes de trésorerie et 10 milliards de flux qui ressortent chaque année de nos systèmes de trésorerie.

Pouvez-vous nous redonner le contexte de la fusion de ces trésoreries ?

Fnac a fait l'acquisition de Darty en 2016 et créé par la même occasion un leader français et européen sur les produits du multimédia, de l'électroménager et culturels. A ce moment-là, nous commencons à fusionner les deux groupes. C'est un énorme projet de fusionner deux groupes de 3 milliards et demi de chiffre d'affaires. Un certain nombre de priorités de projets d'intégration entre les deux enseignent arrivent, notamment sur les sites internet, les achats de nos produits, les sièges sociaux, les CSP comptables. Pendant 3-4 ans, le management, toutes les équipes, tous les collaborateurs se sont attelés à un certain nombre de travaux. On a fini par attaquer le projet de fusion de trésorerie un peu à la fin, une fois que le plus dur avait été fait sur les enseignes. Donc ce projet s'est lancé début 2020, juste au début du Covid, ce qui a rendu ce projet encore plus difficile.

Quel était l'objectif de ce projet ? De mieux maîtriser le cash, d'harmoniser les processus ?

L'objectif était clairement de comprendre nos flux, d'avoir une vision très analytique, très business, de comprendre les cash-in et les cash-out de l'ensemble de notre groupe pour pouvoir les prévoir. Dans le retail, les marges opérationnelles sont extrêmement faibles. Il y a beaucoup de flow en termes de cash. L'exercice de prévision est donc un exercice qui est très compliqué. Nous avions vraiment cet objectif de comprendre nos flux, de les prévoir flux et de les contrôler pour assurer un très bon niveau de performance, de free cash flow. En ce qui concerne les objectifs du groupe, nous sommes cotés bien sûr, les objectifs financiers du groupe sont de générer un free cash flow opérationnel de 500 millions sur 3-4 ans. C'était donc vraiment indispensable de pouvoir bien maîtriser toute la partie cash de la société.

Quelles étaient vos grandes problématiques au niveau de la trésorerie des deux groupes ?

Il y avait tout d'abord une problématique technique : nous avions deux plateformes qui étaient assez vétustes, nous n'avions pas investi depuis au moins une dizaine d'années. La problématique a été de trouver une nouvelle technologie qui allait nous permettre de fusionner deux processus comptable et trésorerie complètement différents et d'adresser tous les modules, tous les besoins, à savoir l'intégration des relevés bancaires, l'automatisation de la situation financière. On avait plein de Excel partout, il y a beaucoup de Excel partout en trésorerie dans les grandes entreprises. On a voulu se digitaliser totalement pour avoir ni papier ni Excel, même s'il nous reste toujours un peu d'Excel, mais beaucoup moins qu'avant. Nous avons donc cherché à intégrer un logiciel très complet qui puisse aller de l'intégration de nos relevés à la constitution de la situation financière quotidienne, l'intégration des prévisions de trésorerie, le module de fraude, parce que c'est aussi maintenant un enjeu majeur, le module de gestion d'échanges, de gestion des financements et donc d'avoir une grosse plateforme, tout inclus, où toutes les fonctionnalités sont présentes et c'est ce que nous avons réussi à faire avec Diapason.

Quelles ont été les grandes étapes clés par lesquelles vous êtes passés dans la réalisation de ce projet ?

Il y a plusieurs phases pour intégrer un logiciel de cette nature, c'est un gros projet qui prend du temps. Initialement, nous nous étions dit que nous allions mettre 12 mois, on en a plutôt mis 24. Le Covid nous ralenti encore plus. Mais on a plutôt mis 24 mois, et je pense que même sans le Covid on aurait quand même mis plus de 12 mois. Il y a toute une première phase qui est la mise à plat de vos processus, ou la formalisation de vos processus, à savoir comment vous allez paramétrer votre système pour qu'il réponde parfaitement à vos besoins d'utilisation. Toute cette phase de diagnostic et de paramétrage est extrêmement longue. Je conseillerais à mes confrères de ne pas négliger cette petite étape. Vous commencez d'abord par regarder exactement ce que vous faites précisément, parce qu'on fait beaucoup de choses par automatisme, souvent dans les entreprises, c'est très peu documenté. Et donc quand vous changez tout, il faut commencer par ça. Donc un état des lieux, et la formalisation des processus. La deuxième étape, c'est le paramétrage de l'outil. Il faut bien définir dans l'outil comment vous allez travailler, ce que vous voulez intégrer, vos règles de cash pooling, vos règles de prévision, votre vision analytique de la trésorerie. Cette étape prend énormément de temps. Il y a enfin la mise en production, avec toute la partie test et la mise en production réelle. Je dirais qu'il faut compter à peu près 3-4 mois par phase pour ces trois grandes étapes : Diagnostic, paramétrage et mise en production.

Est-ce qu'il y a quelque chose que vous feriez différemment si vous deviez recommencer le projet aujourd'hui ?

Oui. Premièrement, je pense qu'il ne faut pas sous-estimer la charge de travail pour les équipes en place. Je suggère que ce soit les équipes en place qui gèrent le projet. Seulement, quand elles gèrent ce projet, c'est quasiment à temps plein. Nous, nous sommes 8 à la trésorerie de Fnac-Darty, donc une petite équipe pour des gros flux : 10 milliards de flux cash-in et 10 milliards de cash-out. Ce que j'ai appris, c'est que j'aurais peut-être dû dire à mon patron de renforcer l'équipe avant de commencer le projet, pour avoir une équipe sur le run qui ne fait que ça. Vous pouvez prendre des consultants, des intérimaires, du management de transition et consacrer votre équipe à l'intégration, au paramétrage, ce qui est aussi une façon de les former pour qu'au moment où le logiciel sera en production, ils soient complètement opérationnels tout de suite. On avait largement sous-estimé ce point. On avait un peu sous-estimé les coûts aussi, puisque comme le temps nous avons mis plus de temps que prévu, forcément ça a été plus cher.

Vous avez parlé de l'outil que vous avez choisi, Diapason. Quels ont été les critères qui vous ont permis de choisir cet outil-là ?

On a agi dans un cadre d'appels d'offres très structuré. On a rencontré à peu près tous les éditeurs de logiciels de la place. Certains n'ont pas voulu participer à l'appel d'offres, puisqu'on avait des contraintes budgétaires assez strictes. Nous avons retenu trois prestataires en shortlist parce qu'ils avaient la bonne technologie, la bonne structure d'équipe pour travailler avec nous. Nous avions un critère strict, qui était d'avoir nos données stockées en Europe, et pas à l'étranger. Nous voulions des clouds en Europe et nous avons donc choisi Diapason, puisque par rapport à son grand concurrent, ses clouds sont effectivement européens.

Comment est-ce que vous avez déployé l'outil en interne ?

On a été énormément accompagnés par les équipes de Diapason et un intégrateur, on a travaillé sur ce projet avec PricewaterhouseCoopers qui nous a aidés à former les comptables, et les signataires qui étaient embarqués pour la signature des bandes de paiement mais aussi former nos équipes au nouveau processus de trésorerie. Je dirais donc qu'on a été énormément accompagnés par l'éditeur. Dans les petites astuces, je dirais aussi que lorsque les émetteurs font un appel d'offres pour choisir un logiciel, je pense qu'il faut choisir un logiciel mais il faut aussi choisir une équipe avant tout. Toutes les technologies se valent, peu ou prou, ce qui va faire la différence, ce qui va faire la réussite de ce projet, c'est le côté humain.

Quels ont été les bienfaits que vous constatez aujourd'hui au quotidien ? Qu'est-ce que ça vous a apporté ?

On a gagné énormément de temps. Je pense qu'on a gagné aussi en crédibilité en interne, parce qu'on apporte une visibilité business qui est rarement apportée par les équipes de trésorerie. En général, quand on parle de performance, d'analyse, c'est un peu la chasse gardée du contrôle gestion. Quand vous avez une trésorerie forte qui sait prévoir son business, qui sait détecter un problème, parce qu'elle est très digitalisée et très performante, ça apporte beaucoup de valeur ajoutée. Ce qui est aussi un point très important, c'est la transformation de la trésorerie et du métier de la trésorerie. Vous avez maintenant des profils de jeunes collaborateurs qui sont très diplômés avec à la fois une compétence finance et aussi une compétence IT. La digitalisation de la fonction finance change les profils des collaborateurs. J'ai beaucoup changé l'équipe avec l'intégration de Diapason, avec des collaborateurs qui sont très haut niveau avec qui j'ai la joie de travailler tous les jours et qui ont cette appétence pour l'outil, pour le digital.

Ce projet a été fédérateur pour vous, pour votre équipe en interne ?

Ça a été un projet très fédérateur parce qu'on avait deux maisons avec des cultures différentes, des histoires différentes. Fnac d'un côté, Darty de l'autre. Quand j'ai repris cette équipe, c'était un peu la guerre des chapelles. La trésorerie de Fnac était nettement mieux que la trésorerie de Darty et vice versa. Et effectivement, cet outil a permis de rassembler sur un objectif commun. Ca donne envie aussi à l'ensemble des fonctions finances d'emboiter la dynamique. On pense désormais fusionner nos SAP comptables.

Quel serait votre dernier conseil pour nos spectateurs qui souhaiteraient se lancer dans ce genre de projet ?

La patience, la tenacité. Ce sont des projets très difficiles parce que vous devez continuer votre quotidien car le cash est le sang de l'entreprise, donc vous ne pouvez pas arrêter quelques jours votre trésorerie. Cette trésorerie est vivante, elle doit circuler tout le temps, donc ce sont des projets qui ont des risques d'exécution. Le conseil que je donnerais, c'est de se faire bien entourer par des équipes intégrateurs et puis les équipes de votre éditeur. Renforcez vos équipes pour le run et soyez tenaces, patients, courageux. Ce sont des projets difficiles.

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