Le futur à portée de main avec le prédictif
Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Si de nombreuses entreprises ont encore recours à Excel pour établir budgets et reportings, quelques précurseurs s'ouvrent à des outils innovants utilisant la technologie prédictive. S'appuyant sur le Big Data, ces logiciels prescrivent des actions à mener pour plus de performance.
Le prédictif envahit petit à petit notre quotidien. Depuis de nombreuses années, déjà, Amazon nous présente des produits en fonction de nos achats précédents, LinkedIn des offres d'emploi en corrélation avec notre profil renseigné et Netflix des programmes correspondant à ceux déjà visionnés. Sans parler de Gmail, qui propose désormais des e-mails pré-rédigés et d'inscrire dans l'agenda des rendez-vous identifiés dans les messages. Et ce n'est pas fini : avec les assistants tels que Google Home ou Alexa, il est fort à parier que, demain, des sorties nous serons proposées en fonction de nos habitudes mais aussi de la météo et de notre agenda. Et du côté de l'entreprise ? De quelles façons la technologie prédictive transforme-t-elle les modes de travail et les processus ? Une révolution digitale est en marche, pleine de promesses pour la productivité des entreprises.
Données, intelligence artificielle et puissance de calcul : toutes les conditions sont réunies
Avant toute chose, que recouvre le terme de " prédictif " ? Isabelle Zapillon, manager de la BU Business Analytics chez Dimo Software, le définit comme "l'utilisation de la pleine puissance des machines pour pousser l'humain vers des tâches à haute valeur ajoutée". En effet, le prédictif s'appuie sur un grand nombre de données issues de sources diverses et qui sont analysées par des machines qui établissent des projections et génèrent des prescriptions.
Si cette technologie émerge fortement aujourd'hui, c'est parce que les données se multiplient mais aussi parce que les puissances de calcul des machines ont fortement augmenté. "Il y a une vraie avancée de l'open data, c'est-à-dire des données mises à disposition gratuitement. Parallèlement, des technologies comme le web scrapping et le web crawling permettent d'aller chercher des informations un peu cachées sur Internet. Il y a donc une véritable richesse d'information disponible", observe Anatole de La Brosse, dga de Sia Partners. "Aux données s'ajoutent la fiabilité des algorithmes et la puissance de calcul, ajoute Philippe Gangneux, Daf de Sidetrade. Les conditions sont donc réunies." En effet, les technologies d'intelligence artificielle se sont elles aussi améliorées au cours des dernières années : les données, plus nombreuses, sont donc mieux analysées par les machines, qui sont plus intelligentes, et plus rapidement, grâce à la puissance de calcul. Les outils prédictifs ne pouvaient donc qu'émerger.
Finance, ressources humaines, stratégie le prédictif s'étend à tous les domaines de l'entreprise
Si la technologie est mature, sait-on vraiment appliquer le prédictif au monde de l'entreprise ? Dans le domaine du risque client, le prédictif est utilisé depuis longtemps : s'appuyant sur des données privées et publiques, les entreprises d'analyse du risque crédit évaluent si telle ou telle entreprise risque de connaître des difficultés financières et/ou de paiement dans le futur. Avec l'émergence du Big Data et de l'intelligence artificielle, ces analyses s'améliorent. "L'intelligence artificielle permet de prendre en charge un nombre immense de données pour en tirer les meilleures décisions", explique Olivier Tronchon, directeur marketing d'Ellisphere, qui attribue un score aux entreprises.
Si ces scores sont avant tout utilisés pour évaluer ses clients et fournisseurs, ils sont de plus en plus entrevus comme des outils d'opportunité commerciale : on identifie ainsi la fiabilité de ses éventuels partenaires commerciaux. Car les outils prédictifs peuvent s'étendre à l'ensemble des domaines de l'entreprise. La maintenance prédictive, par exemple, est de plus en plus légion : les imprimantes, les climatiseurs, mais aussi les bâtiments, intègrent des technologies qui permettent de savoir à l'avance quand il faudra changer une cartouche, un filtre ou une ampoule. De quoi travailler de manière efficace, sans faire face à des soucis d'ordre matériel. "La maintenance prédictive permet par ailleurs de prévoir les coûts d'entretien et de maintenance", ajoute Anatole de La Brosse.
Le prédictif permet en effet de mieux élaborer ses budgets. "Le prédictif analyse et fait parler les données pour permettre de prendre des décisions pour le futur", insiste Jocelyne Youyou, directrice de mission au CXP, cabinet d'étude et d'évaluation des logiciels. Ainsi, en analysant les données internes (comportement des consommateurs, niveau des stocks...), mais aussi des données externes comme les données du marché (prix des matières premières, comportements des concurrents...), la météo, etc. les entreprises peuvent mieux prévoir la fluctuation des prix d'achat, les ventes prévisionnelles, etc. Et élaborer des budgets plus en accord avec la réalité. Chez Sia Partners, un bot a été développé afin de comprendre quelles caractéristiques faisaient monter le prix d'un ordinateur. "Cela permet de mieux mesurer l'impact de tel ou tel choix sur le budget. Et cela peut être développé pour d'autres choses que des ordinateurs", explique Anatole de La Brosse.
Les achats sont donc eux aussi concernés par le prédictif. "L'entreprise sait en temps réel quel est le niveau de ses stocks et donc quand et quoi acheter. D'autant que le prédictif lui donne des informations sur le comportement des clients. Cela permet de mieux piloter sa relation avec ses fournisseurs", détaille Laurent Lefranc, responsable analytics chez Altares. "On peut mieux analyser les performances des fournisseurs et donc mieux les choisir", poursuit Jocelyne Youyou. Chez Sia Partners, une plateforme a été développée pour évaluer sa consommation énergétique en fonction de la météo et donc mieux adapter ses contrats d'énergie. "Et cela peut être transposé dans de nombreux autres milieux", imagine Anatole de la Brosse. Isabelle Zapillon rapporte la possibilité d'élaborer un plan de production précis et de réaliser des simulations pour connaître le nombre de machines nécessaires à acheter.
Dans les ressources humaines, le prédictif permet d'industrialiser les recrutements en tenant compte non seulement des CV, mais de partir des compétences et qualités des équipes en place. Il permet aussi d'estimer la masse salariale future d'une entreprise : pour ce faire, il "en cartographie les emplois en fonction des évolutions du marché du travail, des métiers qui vont disparaître et ceux qui vont apparaître, mais aussi de la courbe des salaires", décrit Anatole de La Brosse. De même, ces outils peuvent être utilisés pour identifier, en fonction de nombreux paramètres, dont le dynamisme du marché de l'emploi, la période à laquelle tel ou tel salarié sera enclin à quitter l'entreprise... L'occasion ou jamais de lui proposer une belle opportunité si l'on souhaite le fidéliser.
Pré-requis : compétences et données de qualité
Enfin et surtout, le prédictif nourrit la vision stratégique. "Il va surtout se développer en termes de pilotage de la performance", selon Philippe Gangneux (SideTrade). Croiser de nombreuses données permet de savoir si tel projet est intéressant, quel budget va être nécessaire, quel retour sur investissement on peut en espérer. La solution de Sidetrade, par exemple, permet de prédire le comportement des consommateurs et donc les ventes de demain. Des actions sont prescrites pour que la performance soit la meilleure possible. "Il est possible de voir quels sont les clients les plus susceptibles d'améliorer le chiffre d'affaires de l'entreprise, lesquels risquent de résilier, quels vont être leurs comportements de paiement, etc.", énumère Philippe Gangneux.
Le prédictif devient incontournable.
Cependant, il ne s'agit pas de s'y lancer de manière précipitée ! Premier pré-requis : il faut posséder des données de qualité. Olivier Tronchon rappelle que 80 % des données captées sur le web sont inexploitables telles quelles. "Les entreprises ont souvent trop de données mal structurées et mal organisées. Et pas de data scientists pour les prendre en charge", remarque Olivier Tronchon (Ellisphère). Il est donc indispensable d'intégrer l'équipe marketing dans ce genre de projet, afin que de la donnée exploitable soit recueillie auprès des clients. "La préoccupation première doit être de structurer la donnée", renchérit Jocelyne Youyou (CXP). De l'avis de tous, il est donc crucial de mettre en place une organisation de contrôle de la donnée.
Le deuxième pré-requis est en effet de posséder les compétences qui permettront de tirer pleinement parti des logiciels prédictifs. Ces compétences peuvent être recrutées ou mises ponctuellement à disposition par un prestataire, éditeur par exemple. Mais attention ! "Ce sont des technologies émergentes : les applications concrètes du prédictif existent mais sont très peu répandues et peu matures", observe Anatole de La Brosse (Sia Partners). La bonne nouvelle, c'est que ces logiciels prédictifs se présentent pour la plupart sous la forme d'applications en mode SaaS. Qui peuvent donc être testées puis abandonnées si elles ne conviennent pas.
Il convient de mener des POC ("proofs of concept"), c'est-à-dire des expérimentations à petite échelle en vue de vérifier la faisabilité du projet et l'adéquation de l'outil aux besoins de l'entreprise et de ses équipes. Car même si l'on fait appel à un prestataire externe et que l'on utilise des solutions applicatives, les équipes internes doivent être prêtes à changer leurs habitudes. "Il n'y a pas de projet prédictif réussi sans confiance des équipes", martelle Isabelle Zapillon (Dimo Software). Ce qui nécessite une bonne dose de pédagogie, de dialogue et d'accompagnement du changement.
Focus
Le DAF au centre du prédictif
Si les logiciels prédictifs ne concernent pas tous la fonction administrative et financière, le Daf doit s'emparer du sujet. C'est en effet, lui qui est capable de déterminer quelles données peuvent être utilisées, quelles analyses peuvent être menées... "Le Daf devrait se positionner comme le garant de ces nouvelles technologies. C'est à lui de décider quelles solutions l'entreprise doit choisir et quel ROI est attendu", pressent Philippe Gangneux (Side Trade). Pour Jocelyne Youyou (CXP), le Daf joue le rôle de garde-fou : "c'est au Daf de dire où se trouve l'information la plus pertinente. Il bénéficie d'un réel recul et d'une solide expérience en termes d'indicateurs financiers." Elle souligne également que l'on peut faire dire tout et n'importe quoi aux chiffres : au Daf de déterminer quelles analyses pertinentes en tirer.
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