PME ET ETI: MIEUX COMPRENDRE LES LOIS DE FINANCES VOTEES FIN 2011
En dehors de quelques mesures, la loi de finances pour 2012 et la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 durcissent la fiscalité des entreprises tout en créant à leur charge de nouvelles impositions, avec parfois une rétroactivité. Dates d'application, calculs, modalités d'imposition: voici une mise en perspective sélective des dispositions les plus importantes.
Dans un contexte de rigueur budgétaire, de chasse au gaspillage de l'argent public et aux niches fiscales, de réduction du déficit public et de lutte contre les fraudes sociales et fiscales, les entreprises voient leurs charges fiscales alourdies par les textes votés en fin d'année. La multiplication des nouveaux dispositifs (pas moins de cinq textes votés en 2011), et surtout les risques d'effet rétroactif de certains textes complexifient la prise de décision et de choix. Report des déficits, titres de participation, contribution exceptionnelle: comment se traduisent, en pratique, ces nombreux changements impactant la fiscalité des entreprises?
1. PARTICIPATION DES SALARIES AUX RESULTATS DE L'ENTREPRISE
Actuellement, seuls les déficits subis au plus tard au cours des cinq derniers exercices peuvent être retenus dans la base servant au calcul de la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats. Toutefois, cette limitation s'applique seulement aux entreprises soumises à l'IS n'ayant pas conclu d'accord dérogatoire de participation. Cette limitation est supprimée pour les exercices ouverts depuis le 21 septembre 2011 (loi de finances 2012, art. 17), les règles de report des déficits des sociétés ayant été durcies à la rentrée 2011 (voir le point 2).
2. AMENAGEMENT DU REGIME DE REPORT DES DEFICITS
Pour les exercices clos depuis le 21 septembre 2011, l'imputation du déficit constaté au titre d'un exercice sur le bénéfice de l'exercice ultérieur n'est possible que dans la limite d'un montant de 1 MEuros, majoré de 60 % du bénéfice d'imputation excédant ce seuil. La fraction non imputée en raison de cette limitation est reportable sur les résultats suivants sans limitation de durée, mais selon les mêmes plafonds. De plus, les entreprises ne peuvent plus imputer leur déficit en arrière que sur le bénéfice de l'exercice précédent, et ce dans la limite de 1 MEuros.
La quatrième loi de finances rectificative pour 2011 (art. 31 et 32) précise que cette réforme s'applique non seulement aux déficits constatés au titre des exercices clos depuis le 21 septembre 2011, mais aussi à ceux restant à reporter à la clôture de l'exercice précédant le premier exercice clos à compter de cette même date. Ainsi, pour une société dont l'exercice coïncide avec l'année civile, les nouvelles règles de report s'appliquent au déficit de l'exercice clos le 31 décembre 2011 et aux déficits restant à reporter au 31 décembre 2010.
POUR ALLER + LOIN
Et les dirigeants d'entreprise?
Quatre mesures impactant les revenus du patrimoine doivent être retenues.
- Taux de prélèvements libératoires et retenues à la source (hors prélèvements sociaux): le taux de 19 % passe à 21 % pour les revenus distribués, les autres taux passent de 25 à 30 % et de 50 à 55 %. La plupart des taux sur les produits des placements à revenu fixe sont majorés de cinq points (24 % de taux de base). Compte tenu des prélèvements sociaux (passés à 13,5 % le 1er octobre 2011), le taux global atteint 34,5 %.
- Réductions d'impôt sur le revenu pour souscription au capital de PME versées en 2012 («Madelin»): elles sont désormais réservées aux PME en phase «d'amorçage, démarrage ou expansion» et plafonnées à 50 000 Euros ou 100 000 Euros pour un couple. Les autres plafonds sont supprimés (loi de finances rectificatives 2011, art. 18).
- Réductions d'isf pour souscription au capital de Pme: pas d'interruption du délai de détention de cinq ans en cas d'OPE (loi de finances rectificative 2011, art. 27).
- Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus des personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 250 kEuros par part (loi de finances 2012, art. 2). Après application d'un mécanisme de lissage des revenus dans certains cas, le montant dû est égal à 3 % dudit revenu à compter de 250 kEuros et passe à 4 % au-dessus de 500 kEuros.
3. CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE D'IMPOT SUR LES SOCIETES
Les entreprises redevables de l'IS et qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 250 MEuros, sont soumises à une nouvelle imposition au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu'au 30 décembre 2013 (loi de finances rectificative 2011, art. 30).
Cette nouvelle imposition prend la forme d'une contribution exceptionnelle, établie, contrôlée et recouvrée comme l'IS, sous les mêmes garanties et sanctions. Le montant de cette contribution exceptionnelle est égal à 5 % de l'IS dû (au taux normal et aux taux réduits), pris en compte avant imputation des réductions, crédits d'impôt et créances fiscales de toute nature.
Par ailleurs, les entreprises ne pourront pas se libérer de cette contribution par voie d'imputation de leurs crédits d'impôt de toute nature, de leurs créances de carry-back ou encore de leur imposition forfaitaire annuelle (IFA). La contribution doit être versée spontanément par l'entreprise avec le solde de liquidation de l'IS, soit, en principe, le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l'exercice. Rappelons que la contribution n'est pas une charge déductible du bénéfice imposable de l'entreprise.
PAR JEAN-LUC SCEMAMA
Jean-Luc Scemama est expert-comptable, commissaire aux comptes, chroniqueur sur BFM, vice-président de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France et dirige le cabinet Expertise & Conseil à Paris. Outre son activité d'origine, l'expertise comptable, l'audit et le conseil en développement d'entreprises, deux branches nouvelles ont été créées: la formation (Formation & Conseil) et le conseil en transmission d'entreprise (Transmission & Conseil). A cet effet, il a créé le réseau Arkeyrus qui regroupe des experts-comptables, des avocats, des notaires et des conseils en gestion de patrimoine.
4. DEDUCTION DES FRAIS D'ACQUISITION DES TITRES DE PARTICIPATION
Un nouveau mécanisme de limitation de déduction des charges financières relatives à l'acquisition de titres de participation est mis en place pour les sociétés soumises à l'IS au titre de leurs exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012 (loi de finances rectificative 2011, art. 40). Sont concernés les titres acquis à compter du 1er janvier 2012 et ceux acquis au cours des huit exercices précédents.
Pour que ce dispositif s'applique, les titres ne doivent pas être gérés par la société elle-même, par une société établie en France la contrôlant (société mère) ou par une société établie en France directement contrôlée par cette dernière (société soeur). Il s'applique, par exemple, si les titres sont gérés par une société située à l'étranger. Si tel est le cas, les charges financières sont réintégrées de manière forfaitaire jusqu'au terme de la huitième année suivant celle de l'acquisition des titres. Toutefois, la limitation ne s'applique pas lorsque:
- la valeur totale des titres de participation détenus par la société est inférieure à 1 MEuros ;
- l'acquisition des titres n'est pas financée par un emprunt souscrit par la société ou par une société du groupe auquel elle appartient;
- le ratio d'endettement du groupe est supérieur ou égal au ratio d'endettement de la société.
Cette mesure vise à mettre un terme à des schémas d'optimisation fiscale consistant à localiser uniquement la propriété des titres de participation en France (et non le centre de décision les concernant) dans le seul but de pouvoir déduire intégralement les charges financières d'acquisition de ces titres.
5. CESSION DE TITRES DE PARTICIPATION ENTRE SOCIETES LIEES
Les sociétés soumises à l'IS bénéficient d'un mécanisme de report d'imposition des plus ou moins-values de cession de titres de participation (autres que les titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées), si cette cession est réalisée entre sociétés liées économiquement, moins de deux ans après l'acquisition ou la souscription des titres. Le mécanisme est d'application automatique en cas de moins-value et optionnelle en cas de plus-value.
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012, ce mécanisme du report est supprimé en cas de réalisation d'une plus-value. Cette dernière est donc, en principe, systématiquement imposée au taux normal de l'IS (loi de finances rectificative 2011, art. 41).
6. DROITS D'ENREGISTREMENT DES TITRES DE PARTICIPATIONS
Les droits d'enregistrement des cessions d'actions (hors sociétés à prépondérance immobilière) et des parts sociales d'établissements de crédit mutualistes ou coopératifs sont augmentés (loi de finances pour 2012, art. 3). Ainsi, le droit de 3 %, plafonné à 5 000 Euros, est remplacé par un droit de 3 % jusqu'à 200 kEuros, majoré de 0,5 % entre 200 kEuros et 500 MEuros, puis de 0,25 % au-delà de 500 MEuros.
En conséquence, modifier une SARL en SA ou SAS dans l'optique d'une cession de l'entreprise afin de réduire les droits d'enregistrement n'est plus intéressant, sauf pour les SARL dont le prix de cession avoisine les 2 millions d'euros.
Pour les cessions de parts sociales (hors établissements de crédit mutualistes ou coopératifs et sociétés à prépondérance immobilière), le droit non plafonné de 3 % est maintenu, mais un abattement de 23 000 Euros/nombre total de parts sociales de la société a été institué.
7. AMENAGEMENT DU REGIME FISCAL DES CONCESSIONS DE BREVETS
Les entreprises peuvent déduire, sans limite de montant, les redevances de concession de licences d'exploitation de brevets, d'inventions brevetables, des perfectionnements qui leur sont apportés et de certains procédés de fabrication industriels, même lorsque le contrat de concession a été conclu entre entreprises liées économiquement (en pratique faisant partie d'un même groupe économique). Mais dans ce dernier cas, la déduction intégrale des redevances suppose que l'entreprise concessionnaire exploite effectivement le droit de propriété industrielle concédé.
La loi de finances pour 2012, privilégiant une approche économique plutôt que juridique, prévoit en son article 11 que, pour les exercices ouverts à compter du 13 octobre 2011, l'entreprise concessionnaire doit également apporter, dans le cadre d'une documentation présentant l'économie générale de l'exploitation de la licence, la preuve que cette exploitation:
- d'une part, crée une valeur ajoutée sur l'ensemble de la période de concession ;
- d'autre part, est réelle, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.
8. CIR ET IMMOBILISATIONS DETRUITES
Les entreprises éligibles au crédit d'impôt recherche peuvent inclure dans l'assiette de celui-ci le surcoût généré par le remplacement ou la reconstruction d'une immobilisation sinistrée affectée à la recherche. Cette mesure s'applique rétroactivement à compter du 1er janvier 2009 (loi de finances 2012, art. 15). En conséquence, les entreprises ayant subi un sinistre au cours des années 2009 ou 2010 devront déposer une déclaration rectificative n° 2069-A afin de recalculer leur crédit d'impôt.
Soit une entreprise ayant subi un sinistre sur une immobilisation évaluée à 100 et qui reçoit une indemnisation à hauteur de 70 de son assurance. Le CIR prendra en charge 30 % du montant non indemnisé, soit 9 (correspondant à 30 % de 30), laissant à la charge de l'entreprise un coût net de 21.
A SAVOIR
Un rescrit (n° 2012/07) publié le 8 février 2012 propose une présentation synthétique des nouvelles règles applicables aux cessions d'actions, de parts ou titres réalisées en 2012.
9. EXONERATION DE COTISATIONS ATTACHEE AUX JEUNES ENTRE PRISES INNOVANTES
Le régime d'exonération sur les rémunérations pour les sept premières années suivant celle de la création est modifié par:
- une dégressivité chaque année des rémunérations déductibles à partir de la quatrième année (80 %, puis 70 %, 60 % et 50 % en septième année) ;
- une augmentation du plafond d'exonération par établissement (de trois à cinq fois le plafond de la Sécurité sociale).
De cette présentation, sélective rappelons-le, des quatrième et cinquième textes adoptés en matière de fiscalité en 2011, que faut-il retenir? Que l'heure n'est plus à la seule insécurité mais bien à l'imprévisibilité fiscale, laquelle est pourtant sanctionnée par la CEDH. Et l'approche d'une nouvelle mandature présidentielle et législative ne permet pas d'augurer d'une année 2012 plus calme en la matière...
A NOTER
Télédéclaration et télépaiement des impôts
La télédéclaration du résultat de l'entreprise devient obligatoire, à compter du 1er janvier 2013, pour toutes les sociétés soumises à l'IS, quel que soit le niveau de leur chiffre d'affaires. Parallèlement, le télérèglement de l'IS devient obligatoire pour toutes ces sociétés à compter du 1er octobre 2012. S'agissant de la TVA, les sociétés soumises à l'IS seront concernées par l'obligation de télédéclaration et de télépaiement dès le 1er octobre 2012, quel que soit leur chiffre d'affaires.