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N'OUBLIEZ PAS LE CAPITAL HUMAIN

Incendie, inondation, pollution, vol... Les biens de l'entreprise sont assurés. Mais la continuité de l'exploitation passe aussi par l'humain, pour lequel il existe l'assurance homme-clé. Conseils pour définir la ou les personne(s)-clé(s) et convaincre la direction de l'opportunité d'une telle assurance.

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« Une entreprise sur trois cesse son activité à la suite de la disparation d'un employé indispensable, prévient Christophe Saglio, responsable solutions d'assurances à la direction des particuliers chez Generali. Dans les entreprises, le bien matériel est généralement bien assuré, mais il faut penser au capital humain. » Si vous, Daf, en êtes persuadés, reste à définir celui ou celle sans qui la société ne pourrait continuer. Il peut s'agir du fondateur, sur qui reposent l'histoire de l'entreprise et la confiance des marchés, mais aussi du directeur commercial, qui est en relation avec les principaux clients, d'un ingénieur qui détient un savoir-faire spécifique, de vous-même, d'un nez... « La définition de l'homme-clé dépend de l'activité de l'entreprise ou de son organisation. Il s'agit d'un collaborateur qui détient une compétence essentielle », définit Eric Muller, responsable du pôle marketing entreprises au sein de LCL.

D'où, parfois, un vrai casse-tête pour le Daf, qui doit déterminer l'importance de différents managers, ce que chacun apporte concrètement à la société, à son développement futur, à son chiffre d'affaires... En discuter avec le directeur général, qui sait quelle personne soutient le plus la stratégie, est nécessaire. Consulter, le cas échéant, la direction des ressources humaines, peut être utile. Solliciter des renseignements auprès de chaque service pour évaluer l'importance de chaque collaborateur repéré peut être intéressant. Au-delà de ces avis, les comptes de l'entreprise permettent d'évaluer le poids financier de chacun.

Une assurance homme-clé offre une compensation financière lorsque le ou les collaborateurs indispensables viennent à disparaître. Ce contrat couvre le décès à la suite d'un accident ou d'une maladie, mais aussi la perte totale et irréversible d'autonomie. On peut souscrire à différentes options, définies en fonction des besoins de l'entreprise: incapacité temporaire de l'assuré, ou encore majoration de la compensation financière en cas d'accident de la circulation.

A NOTER

- Les cotisations sont déductibles des impôts sur la société au titre des charges d'exploitation.
- Le capital versé est considéré comme un profit exceptionnel et peut être étalé sur cinq ans.

UN CONTRAT SUR MESURE

La compensation financière de ce type de contrat prend la forme d'un capital ou d'indemnités, selon le profil de la société et du collaborateur assuré. Dans le cas de versements d'indemnités, elles sont souvent fonction de la perte de marge brute et sont intéressantes lorsque l'assuré a un profil commercial. Dans le cas d'un collaborateur qui participe au développement de produits, un capital est plus intéressant. Ce dernier est défini en collaboration avec son courtier. « Il s'agit d'évaluer la valeur de l'homme-clé en définissant le manque à gagner, le temps qu'il lui faudra pour revenir, l'investissement pour recruter, la formation...», énumère Jean-Christophe Vauquières, directeur marketing prévoyance et dépendance chez April. «S'il s'agit d'un commercial, le capital-assuré est fonction du CA et de la marge qu'il génère. En revanche, s'il s'agit d'un ingénieur ou d'un nez, c'est le délai de mise en oeuvre du projet en cours et le coût de recrutement qu'il faudra couvrir», précise Didier Clareboudt, responsable de la direction épargne-retraite chez Verspieren. Capital ou indemnités, cette compensation financière n'est intéressante que si elle est vite perçue. Il est impératif d'envoyer rapidement l'acte de décès ou la déclaration de perte totale et irréversible d'autonomie. Le versement se fait ensuite dans le mois.

Pour accélérer les démarches, faire appel à son courtier peut être pertinent. «Je fais en sorte que mes clients puissent faire valoir tous leurs droits et soient indemnisés plus rapidement», confirme Yves Cohen, courtier au sein du cabinet Synergies Concepts Assurances.

TROIS QUESTIONS A... ERIC AUTARD, Daf à la demande au sein d'Acting Finances

«Un audit des contrats d'assurance peut être l'occasion de définir un homme-clé»


Quand conseillez-vous aux entreprises que vous assistez de souscrire à un contrat homme-clé?
Pour mes clients, je réalise tous les trois ans un audit des contrats d'assurance pour voir s'ils répondent toujours aux besoins de la société. C'est à cette occasion que je pousse les dirigeants à se demander s'ils ont un homme-clé dans leurs effectifs ou s'ils sont eux-mêmes des hommes-clés.


Comment définit-on un homme-clé au sein d'une entreprise?
La notion d'homme-clé est liée à la continuité d'exploitation. Le dirigeant doit se demander s'il a, dans ses effectifs, un manager dont il ne peut pas se passer et dont la disparition nécessiterait au moins un semestre pour s'assurer la continuité de l'exploitation. Il peut s'agir d'une personne liée à une technologie ou à un portefeuille clients.


Avez-vous déjà eu affaire à un sinistre dans le cadre d'un contrat homme-clé?
Oui, un homme-clé qui a eu un AVC. Dans ce cas, la présence du courtier est précieuse. Il est celui qui connaît le mieux les mécanismes du contrat, qui a les meilleurs liens avec les compagnies d'assurances. Il orchestre la suite des événements jusqu'à l'indemnisation. Une aide précieuse, car, en cas de sinistre, nous n'avons généralement pas le temps de nous occuper de cela.

CONVAINCRE POUR RASSURER LES INVESTISSEURS

Si la direction financière est persuadée de l'importance d'assurer le capital humain, encore faut-il en convaincre la direction générale. Les arguments ne manquent pas. « La compensation financière permet de réagir rapidement pour surmonter la crise et ne pas ajouter au drame humain un drame financier», souligne Eric Muller (LCL). Arguez auprès de la direction que le capital versé constitue une trésorerie nécessaire pour poursuivre l'activité: continuer à rembourser les emprunts, recruter quelqu'un, le former... « Le versement du capital permet de faire face, le temps de se réorganiser», résume Valérie Scheibel, responsable produit ingénierie sociale et assurances au sein de la Caisse d'Epargne. Dans le cas de versements d'indemnités, cette assurance permet de conserver une marge identique. Cette compensation financière permet aussi de rassurer investisseurs, clients et fournisseurs. « Le capital versé permet d'afficher une solidité financière pour rassurer les marchés», insiste Jean Cazeneuve, directeur chez le courtier en assurances des entreprises Verlingue. La souscription en elle-même peut tranquilliser les investisseurs: ils savent que les prêts continueront à être remboursés même si l'homme-clé disparaît. « Nous la préconisons lors d'opérations de transmission», précise Isabelle Brouté, directrice du marché entreprises au sein de la Caisse d'Epargne. L'idée est de rassurer les acquéreurs sur la stabilité de l'entreprise, même si un élément-clé disparaît.

UN COUT FONCTION DE LA PERSONNE ASSUREE

Des arguments qui seront précieux pour justifier le coût d'une telle assurance. Le montant d'un contrat homme-clé est fonction de la compensation financière versée mais aussi de l'âge de l'assuré, de son état de santé, s'il est fumeur ou non... Ainsi, chez LCL, pour un capital de 360000 euros garanti pour un assuré non fumeur de 30 ans, la cotisation s'élève à 378 euros par an. En revanche, si l'assuré a 45 ans, elle sera de 849 euros, soit plus du double! «La situation professionnelle peut également jouer. Si l'assuré est beaucoup sur les routes, par exemple», ajoute Christophe Saglio (Generali). L'homme-clé peut être adepte de sports extrêmes, ce qui conduira à une surprime. Quand cette pratique ne sera pas totalement exclue des garanties: il existe naturellement des exclusions au contrat. Certains assureurs refusent de couvrir le suicide, par exemple. Mais pour un contrat sur mesure, rien de fermé. La cotisation sera, elle aussi, sur mesure...

Attention: certaines compagnies peuvent refuser d'assurer un collaborateur trop âgé. La Caisse d'Epargne, par exemple, ne noue pas de contrat après 65 ans et n'assure pas l'homme-clé au-delà de sa soixante-dixième année. Or, les présidents-fondateurs sont rarement adeptes de la retraite à 60 ans...

EVE MENNESSON

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