Grégory Sanson, pilote des services financiers de Bonduelle
La société Bonduelle, fondée en 1853, est devenue le leader mondial du légume sous toutes ses formes: en conserve, surgelé ou frais. Grégory Sanson, qui gère la direction des services financiers, nous dévoile les recettes de la croissance du groupe.
Le groupe Bonduelle a annoncé en janvier dernier une nouvelle acquisition en Russie. Il y a à peine deux ans, vous avez acquis France Champignon pour 100 MEuros, après une vague d'acquisitions régulières dans les années 2000. Sur quels critères sélectionnez-vous vos projets de croissance externe?
Effectivement, la moitié de notre croissance provient de la croissance externe depuis les années 2000 et le groupe évolue de façon considérable. Nous croyons en notre capacité à croître dans notre coeur de métier, le légume transformé, qui a un potentiel de développement important dans de nombreuses zones géographiques. Autre chance: notre notoriété fait que les opportunités viennent à nous. Les projets de rapprochement sont élaborés par nos huit business units
Bien que très actifs, nous sommes très sélectifs sur nos cibles. Ce qui importe n'est pas tant le CA dégagé que les synergies et l'amélioration de la rentabilité du groupe qui en découlent. Lorsque nous avons acquis France Champignon, nous l'avons fait parce que nous étions légitimes à entrer sur ce marché. Pour l'anecdote, à l'époque, nous avons mené auprès des consommateurs une enquête qui a confirmé notre notoriété alors que nous n'étions pas encore présents sur ce marché... L'exigence de rentabilité des capitaux employés nous conduit également à engager des opérations de désengagement partiel ou de cession. Ce fut le cas en 2009, lorsque nous avons créé une joint-venture en marques de distributeurs en surgelés en Europe, ou encore lorsque nous avons cédé en 2011 notre activité de surgelés «retail» sous la marque Frudesa en Espagne.
Comment votre groupe gère-t-il l'intégration de ces acquisitions?
La forte culture du groupe ne fait pas obstacle aux apports extérieurs. Les nombreuses opérations de croissance externe menées au cours des dernières années ont été l'occasion d'élargir notre base de management et de bénéficier de visions différentes. Pour preuve, Daniel Vielfaure, directeur général du groupe canadien Aliments Carrière, acquis en 2007, est devenu directeur général de Bonduelle en 2011. En ce qui concerne France Champignon - une acquisition importante puisque la filiale représente environ 10 % de notre chiffre d'affaires -, nous sommes en phase avec notre plan de marche. L'objectif est d'améliorer l'efficacité industrielle, de mutualiser les structures, et de développer le marché à l'international en proposant des produits à valeur ajoutée. Nous avons également un programme d'investissement soutenu, de 20 MEuros en deux ans, pour moderniser les usines et mécaniser la coupe du champignon. Notre savoir-faire industriel et notre connaissance des outils de production permettent de répondre à l'enjeu de maintien de la filière champignon en France, dans une logique de compétitivité face à nos concurrents, en Chine ou en Pologne, qui bénéficient d'un faible coût de la main-d'oeuvre.
REPÈRES
Raison sociale: Bonduelle
Activité: Transformation de légumes (conserves, surgelés, frais)
Forme juridique: SAS
Dirigeants: Christophe Bonduelle, président ; Daniel Vielfaure, directeur général
Daf: Grégory Sanson
Effectif: 9 650 salariés
CA (30 juin 2011): 1726 MEuros
Les pays émergents constituent-ils des relais de croissance pour l'avenir?
La France représente aujourd'hui 35 % de notre chiffre d'affaires, l'Europe hors France 40 % et le reste du monde 25 %. Cette zone hors Europe est à l'heure actuelle la plus active et la plus rentable, et la dynamique de ces différents marchés a été un facteur d'équilibre lors de la crise de 2008/2009: la diversification géographique est une façon de ne pas mettre tous nos légumes dans le même panier! La rentabilité de la zone hors Europe s'établit ainsi à 11,6 % sur l'exercice 2010/11 contre une rentabilité de 2,3 % en zone Europe. Cependant, l'expansion dans les pays émergents est conditionnée par l'évolution des habitudes de consommation. Ainsi, l'Asie ne constitue pas encore une priorité dans notre agenda, car les consommateurs privilégient les produits frais et disposent d'un faible pouvoir d'achat. En revanche, le Brésil s'est révélé un positionnement attractif: notre usine, dont la production a démarré fin 2010, vise un chiffre d'affaires de 50 MEuros à cinq ans. Le Brésil réunit l'ensemble des caractéristiques nécessaires pour une implantation réussie: un bassin de consommation important, un marché installé et une région agricole privilégiée où l'on peut produire tout au long de l'année, ce qui permet d'optimiser les investissements.
La politique de RSE fait partie des axes de communication du groupe Bonduelle. Comment la direction financière est-elle impliquée dans le respect des engagements du groupe?
La RSE, nous la pratiquons depuis 150 ans, parce que nous sommes soumis à la nature: pour Bonduelle, ce n'est pas du «green washing», mais une réalité quotidienne. La qualité des sols, la relation avec nos producteurs, la santé des consommateurs font partie de notre capital. Aujourd'hui, nous avons l'opportunité d'expliquer ce que nous mettons en oeuvre, par exemple pour limiter l'utilisation des produits phytosanitaires, pour construire des usines sobres en énergie et en eau, pour fournir au consommateur des légumes respectueux de sa santé. Le Daf est impliqué dans la mesure où la RSE devient un critère de sélection de la part des investisseurs: lors des «road shows», une partie de la présentation est dédiée aux analyses ISR (investissement socialement responsable). Nous sommes convaincus que des pratiques vertueuses en matière sociale et environnementale contribuent à la performance de long terme d'une entreprise. Pour les Daf, cela signifie que nous devrons construire de nouveaux processus et indicateurs permettant de remonter et mesurer ces paramètres.
Quels sont vos projets pour 2012?
Dans un contexte de renchérissement et de durcissement du crédit, renouveler et sécuriser nos financements est une priorité. Par ailleurs, la direction administrative et financière est mobilisée pour percevoir les signaux faibles dans un environnement volatile. Nous avons aussi pour ambition de réussir les projets de croissance que nous avons entamés et sommes convaincus que cette période délicate offrira de nouvelles opportunités d'acquisition.»
BIO EXPRESS
1993: Diplômé de l'ESC Lille.
1994-1997: Auditeur chez PricewaterhouseCoopers.
1997-2002: Il rejoint Solaronics Technologies, une PME industrielle implantée à l'international.
2002-2005: Il intègre le groupe Bonduelle en tant que Daf de Bonduelle Development, qui regroupe la zone hors Europe ; le groupe débute l'implantation en Russie et en Amérique du Nord et acquiert une filiale en Hongrie.
2005-2008: Il devient Daf de Bonduelle Surgelé International, dans un contexte de réorientation stratégique.
Depuis 2008: Il accède à la tête de la direction des services financiers du groupe Bonduelle.