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EVITER LES PIEGES DE L'AFFACTURAGE

L'affacturage séduit de plus en plus d'entreprises qui veulent soulager leur trésorerie. Méthode de gestion du poste clients, c'est aussi une solution financière assez complexe et parfois coûteuse. Explications.

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Si une entité en croissance a des besoins importants en trésorerie, en phase de démarrage ou de maturité de l'activité, si elle veut financer sa croissance, se prémunir contre les défaillances des clients ou encore se libérer des tâches administratives, alors l'affacturage peut être une solution efficace. Certaines entreprises l'intègrent dans leur stratégie financière, car il offre une souplesse que ne présentent pas les autres modes de financement des créances clients.

Comment cela fonctionne-t-il? L'entreprise cède tout ou partie de ses créances non échues au factor, lequel lui accorde, en retour, une avance de trésorerie. Outre cette solution de financement, les factors peuvent vous garantir contre les impayés et même prendre en charge votre poste clients. Attention, si l'affacturage apparaît comme un levier de croissance, il convient d'en connaître tous les rouages, avant de se lancer dans la mécanique. Et si cette solution s'adresse à toutes les sociétés qui travaillent avec une clientèle d'entreprises, quels que soient leur taille et leur métier, certains secteurs d'activité sont rarement couverts par les factors, qui les considèrent comme trop risqués. Dans le BTP, par exemple, la durée des travaux et l'existence de factures intermédiaires suscitent la méfiance des prestataires.

UNE MYRIADE DE COUTS

Sachez avant tout que l'affacturage est onéreux! La rémunération du factor oscille entre 1 % et 7 % du chiffre d'affaires qui lui est confié. Outre les commissions de financement et d'affacturage, prévoyez d'alimenter un fonds de garantie, qui permet à la société d'affacturage de couvrir le risque d'impayés de vos débiteurs (lire l'encadré «Combien ça coûte?»). Certains factors vous imposeront une rémunération minimum. Par exemple, pour un chiffre d'affaires annoncé d'un million d'euros et une commission d'affacturage établie à 1 %, soit 10000 euros par an de commission, le factor peut exiger un minimum de commission annuelle d'affacturage de 8000 euros. Mieux vaut donc évaluer avec prudence le chiffre d'affaires annoncé pour éviter cette surfacturation.

Avant de s'engager, le factor examine attentivement votre fichier clients et ne vous rachètera que les créances qui ont de réelles chances d'être recouvrées. En cas de refus, deux solutions: ne plus travailler avec les clients non assurés ou assumer seul le risque. Ayant essuyé plusieurs refus de la part de factors, Monique Clopier, directrice financière du Laboratoire Onyligne, spécialisé dans la fabrication de parfums et de produits pour la toilette, a décidé d'abandonner l'affacturage: «Depuis quelque temps, explique-t-elle, les factors ne garantissaient plus tous les clients export. Ils sélectionnaient les pays et refusaient même d'excéder un certain plafond... »

Le fait que le factor prenne en charge le poste clients ne résout pas les problèmes liés à la gestion des créances. Beaucoup de sociétés qui souscrivent un contrat d'affacturage incluant une prestation de gestion du poste clients se plaignent des méthodes de relances des factors. Ils les jugent trop administratives et peu délicates. « Il y a un réel risque à se reposer sur le seul factor, confirme Jean-François Mallozzi, dirigeant de 2R Conseil, cabinet spécialisé dans la protection du poste clients. Tant que le factor n'a pas recouvré sa créance, son client lui verse des intérêts. Et on constate que les sociétés d'affacturage ne sont pas toujours très pressées de récupérer leurs créances. » Afin que vos clients ne soient pas au courant de l'intervention du factor, pensez à l'affacturage confidentiel. Dans ce cas, factures et relances restent établies sur votre papier à en-tête. Pour y prétendre, vous devrez vous prévaloir d'un chiffre d'affaires de plus de 30 millions d'euros, d'une bonne santé financière, d'une organisation comptable irréprochable et d'un portefeuille de clients stable. Attention, quel que soit votre type de contrat, le factor ne doit pas vous remplacer dans le suivi de vos créances clients.

UNE SORTIE QUI S'ANTICIPE

S'il est facile d'entrer dans ce système financier, il paraît beaucoup plus compliqué d'en sortir. L'affacturage peut se transformer en piège pour des entreprises qui obtiennent, par ce biais, davantage de crédits qu'elles n'auraient pu en décrocher auprès de leur banque. Pour ne pas se retrouver face à une insuffisance de trésorerie, il est conseillé de préparer sa sortie du factoring. Comment? En réduisant peu à peu ses besoins de financement, en renforçant ses fonds propres, en obtenant des clients qu'ils règlent plus vite et en gardant de bons contacts avec sa banque afin de négocier, si besoin, des lignes de crédit. Enfin, quelle que soit la date de votre sortie, vous devrez verser au factor la commission minimum annuelle prévue.

 

Témoignage

Il faut continuer à suivre les opérations de près


Vitacuire a recours à l'affacturage depuis une quinzaine d'années. Marie-José Jop, sa directrice administrative et financière, connaît donc bien le système. Ses conseils? «Il est préférable de s'adresser à un acteur reconnu dans le domaine et qui présente une très bonne qualité de gestion.» Elle préconise aussi de choisir un prestataire qui connaisse le business de ses clients: «Dans notre cas, il doit intégrer les impacts de notre saisonnalité et comprendre les problématiques des grandes enseignes de distribution.» Autre point primordial, l'excellente communication avec les gestionnaires du factor, qui «exige une bonne organisation du service financier en interne. Il faut aussi pouvoir contacter des interlocuteurs dédiés chez le factor pour suivre les opérations de près.» Attention, créance cédée ne veut pas dire créance réglée. Il faut donc suivre les opérations au plus près pour que les comptes (ceux du client et ceux du factor) soient en parfaite adéquation.

 
 

COMBIEN CA COUTE?

Gare aux commissions et aux frais annexes
La rémunération du factor comprend plusieurs éléments.
- La commission d'affacturage qui couvre la tenue du compte, les relances clients, le recouvrement et l'assurance crédit. Elle est calculée selon le volume de créances cédé, le nombre de factures à traiter, le nombre et la nature des débiteurs, la situation financière de l'entreprise, son domaine d'activité et son processus de facturation. Elle se situe dans une fourchette de 0,5 % à 2 % du chiffre d'affaires confié.
- La commission de financement rétribue le financement des créances. Elle est calculée sur la base de l'Euribor à trois mois ou bien sur le taux de base bancaire, auquel s'ajoute la marge de l'entreprise de factoring (de 0,2 % à 4 %).
- De plus, une somme est prélevée sur chaque facture au titre de la constitution d'un fonds de garantie, représentant un pourcentage (souvent 10 %) du volume d'affaires confié au factor. Cette trésorerie vous est recréditée en fin de contrat.
- S'ajoutent également, selon votre contrat, les frais de constitution de dossier et les frais de litiges et parfois des services web optionnels.

 
 

Avis d'expert

Il est important de bien évaluer les délais de paiement de ses clients


L'affacturage, Jean-Luc Mordoh connaît par coeur. Il juge la formule intéressante mais pas dénuée de dangers. «Le système est coûteux, donc inadapté aux métiers à faible marge», prévient l'expert. Il déconseille aussi l'affacturage lorsque le délai de paiement fournisseurs est équivalent au délai clients. Enfin, Jean-Luc Mordoh insiste sur la nécessité de bien évaluer ses délais de paiement clients: «Si la créance cédée au factor n'est pas payée par le débiteur 30 jours après échéance, la société d'affacturage reprendra les sommes qu'elle vous a avancées et vous laissera recouvrer vous-même votre facture. Si votre client est coutumier des retards de paiement, évitez donc de factoriser ses créances. » Reste que l'affacturage est une bonne formule de financement dès lors que votre entreprise connaît une augmentation de son chiffre d'affaires, mais que vous n'obtenez pas de délais de crédits supplémentaires de la part de vos fournisseurs. «Le factoring peut, alors, être une solution fable pour la gestion du poste clients, sans compter que le renseignement commercial permet d'appréhender la qualité d'un fournisseur, d'un client ou d'un concurrent grâce à une analyse complète», conclut Jean-Luc Mordoh.

 
 

A LA LOUPE

Affacturage ou Dailly?
La cession Dailly consiste à céder ses créances à un établissement de crédit, qui fait l'avance de trésorerie à l'entreprise sous forme de crédit ou d'autorisation de découvert. Elle permet d'approvisionner les comptes de l'entreprise en moins de 48 heures. Les entreprises y ont recours pour des besoins ponctuels de trésorerie. Dans le cadre de besoins plus récurrents, l'affacturage s'avère une solution plus souple.

 

SOPHIE SANCHEZ POUSSINEAU

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