Chantal Andriot, une gestionnaire visionnaire au chevet de Tolix
En 2004, alors que la société Tolix venait d'être placée en liquidation judiciaire, vous avez investi vos économies dans son rachat à la barre du tribunal. Pourquoi ce choix?
Ayant passé plus de 30 années chez Tolix en qualité de directrice financière, je savais que cette entreprise disposait de ressources inexploitées. Selon moi, le dépôt de bilan résultait en grande partie du fait que les attentes des clients n'avaient pas été assez écoutées. Ma passion pour cette maison et ses produits était telle qu'elle m'a poussée à les sauver. Le soutien de mes proches a été déterminant dans ce choix. J'ai travaillé jour et nuit pour finaliser un projet de rachat viable et qui emporte l'adhésion du président du tribunal de commerce. Cela n'a pas été simple, d'autant qu'aucune banque ne voulait m'accompagner. Mon apport en capital provenait essentiellement de mes deniers personnels, qui s'élevait à 140 000 euros. La municipalité d'Autun m'a accordé sa caution. J'ai proposé au tribunal de redémarrer l'activité avec le minimum de salariés nécessaire à la fabrication d'une chaise, soit 20 personnes. C'est ainsi que j'ai pu décrocher l'offre de vente de la société Tolix, face aux deux autres candidats au rachat: une agence de communication et une entreprise de tôlerie.
Quel diagnostic avez-vous opéré à l'époque?
J'ai décidé de concrétiser les attentes de nos clients, qui, bien avant la liquidation, réclamaient la modernisation de nos produits. Le Crédit Mutuel d'Autun a accepté de m'avancer des fonds. J'ai commencé par faire appel à des designers comme Jean-François Dingjian et Eloi Chafaï, alias Normal Studio, pour apporter un souffle contemporain à la gamme Tolix, plutôt traditionnelle. C'est ainsi que nous avons étoffé l'éventail de couleurs. Le «tabouret 45», à l'origine destiné aux armées de terre et de l'air, est ainsi passé du gris à des tons pastel. Nous avons également amélioré les finitions. J'ai ensuite misé sur la communication: l'exposition de nos produits sur le Salon Maison & Objet a rendu nos changements visibles. Nous avons ainsi regagné la confiance de nos anciens clients. Ces efforts ont vite payé, et les ventes ont aussitôt décollé.
Sur quels marchés vous positionnez-vous aujourd'hui?
Dans l'Hexagone, où nous effectuons 50 % de nos ventes, nous fournissons essentiellement les boutiques de décoration et les architectes d'intérieur. Cependant, nous continuons à honorer les commandes des collectivités publiques et des grandes entreprises. L'autre moitié de nos recettes provient des marchés extérieurs, comme les Etats-Unis ou les pays scandinaves.
La présence médiatique de Tolix a-t-elle été un élément-clé de votre relance?
Oui, c'est indéniable. Notre mobilier décore nombre de plateaux télé et même de cinéma. On trouve même des meubles Tolix dans Harry Potter!
A NOTER
La «chaise A», une légende
Conçue en 1934, la «chaise A» est née d'une idée de génie de son créateur, Xavier Pauchard: la galvanisation (la tôle est plongée dans du zinc en fusion pour la protéger de la corrosion). Cette chaise empilable a équipé le paquebot Normandie et fleurit aujourd'hui dans les bistrots, les jardins et chez les particuliers.
Rescapée du naufrage de Tolix en 2004, la «chaise A» est désormais une icône de l'industrie française.
Elle trône au Centre Pompidou à Paris, au MoMA de New York, ou encore au Vitra Design Museum, en Suisse.
Vous avez aussi adopté de nouveaux procédés de fabrication, vous conduisant à revoir vos processus industriels...
En effet, nous avons entrepris de repenser la fabrication de certains mobiliers Tolix. Désormais, nous utilisons, par exemple, le béton parmi nos matières premières, notamment pour créer des plateaux de tables. Pour autant, nous n'avons pas abandonné la galvanisation, marque de fabrique de Xavier Pauchard, créateur de la «chaise A» (lire notre encadré ci-contre).
L'ensemble de vos produits est fabriqué en France, chose remarquable pour une industrie de main-d'oeuvre. Comment avez-vous pu résister à la lame de fond de la délocalisation?
Je ne résiste pas à la vague de la délocalisation: j'ai fait un choix que j'assume. Ce choix, c'est une fabrication 100 % française. Peu importe le coût. C'est grâce à cet attachement au savoir-faire «made in France» que nous avons décroché le label Entreprise du Patrimoine Vivant en 2006. Cette reconnaissance nous a conféré une image de marque, mais représente avant tout un gage de qualité pour nos clients.
BIO EXPRESS
1973: Après des études de comptabilité et quelques mois de travail au service des impôts, Chantal Andriot est embauchée comme comptable au sein de la société Tolix. Elle est rapidement promue au poste de directrice financière.
2004: Tolix SA est placée en liquidation judiciaire et reprise, à la barre du tribunal, par Chantal Andriot, qui préserve une vingtaine d'emplois.
2006: Tolix Design Steel obtient le label Entreprise du Patrimoine Vivant, décerné par le ministère de l'Economie et des Finances.
2011: Chantal Andriot est décorée la Légion d'honneur, au grade chevalier.
Loin de la crise, Tolix connaît une croissance exponentielle. Quelles sont les prochaines étapes de votre développement?
Le mobilier Tolix doit rester une valeur sûre de l'artisanat de haut niveau. Je mettrai tout en oeuvre pour maintenir cette qualité. Actuellement, 100 000 pièces sortent chaque année de nos ateliers. A court terme, nous comptons en fabriquer le double. Nous allons aussi continuer à éditer des pièces uniques et des séries limitées. Nos commandes étant en constante progression, l'ouverture d'un troisième site de production est prévue en 2012. Nous pourrons alors faire face à la demande et réduire nos délais de livraison. Enfin, nous nous sommes engagés dans une démarche environnementale. A terme, l'ensemble de nos processus de fabrication et des matériaux que nous utilisons respectera toutes les normes environnementales européennes.
REPERES
Raison sociale : Tolix Steel Design
Activité : Fabrication de mobilier métallique
Forme juridique : SAS
Dirigeante : Chantal Andriot
Effectif : 80 salariés
CA 2010 : 6 MEuros
Résultat net 2010 : 470 kEuros
CA prévisionnel 2011 : 7,2 MEuros