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Archipel lève 50 millions pour moderniser le secteur de l'expertise comptable

Publié par Christina DIEGO le | Mis à jour le

Moderniser et rassembler les cabinets d'expertise-comptable indépendants tout en soutenant leur transformation face aux évolutions technologiques, économiques et générationnelles qui touchent le secteur, tel est le défi de la levée de fonds du groupe Archipel. Décryptage.

Le groupe Archipel ambitionne de devenir un groupe leader de l'expertise comptable avec un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros d'ici 2029. Cette ambition sera soutenue par une forte croissance organique et l'acquisition d'environ cinq cabinets par an. Ce développement repose principalement sur une stratégie de croissance externe.

Pour Maxime Ridel, co-fondateur du cabinet Archipel « Trois facteurs principaux en sont les catalyseurs : une transition générationnelle incontournable, l'évolution technologique, et la concentration du secteur qui devient une nécessité stratégique ». Pour lui, ce regroupement permet d'offrir davantage de services à valeur ajoutée aux clients. « L'expert-comptable est souvent décrit comme le "médecin de famille" de l'entreprise. Il accompagne la direction financière, parfois en occupant un rôle de DAF externalisé. Demain, il devra consacrer moins de temps aux obligations déclaratives et davantage à la création de valeur : optimiser le besoin en fonds de roulement, sécuriser la trésorerie, piloter les risques clients, ou encore négocier avec les tiers », nous explique-t-il.

Une concentration du secteur incontournable

Pour répondre à ces défis, Archipel s'est doté de moyens ambitieux : une levée de fonds de 50 millions d'euros en fonds propres, réalisée auprès d'un family office français. « Ce choix reflète notre volonté d'ancrage territorial et notre exigence d'un partenaire à long-terme » Maxime Ridel co-fondateur du groupe Archipel

Un capital qui sera déployé selon deux axes complémentaires. Le premier volet vise à financer des opérations de croissance externe : l'acquisition de cabinets pour constituer progressivement le groupe. Le second est destiné à soutenir des investissements à moyen terme, ce qui constitue une démarche encore peu courante dans un secteur historiquement peu tourné vers l'investissement productif.

Lorsqu'un cabinet est intégré à un grand groupe, ce dernier procède généralement à une standardisation des pratiques : changement de locaux, déploiement de son infrastructure informatique, intégration des équipes dans son propre fonctionnement. Dans ce schéma, les clients du cabinet absorbé deviennent progressivement ceux du groupe, rompant ainsi le lien de proximité et de confiance établi avec leur expert-comptable. « Nous proposons une approche alternative, plus équilibrée : offrir à ces cabinets les apports structurels d'un grand groupe - en matière de moyens, de conseil, de technologie - sans altérer leur identité ni leur autonomie. Concrètement, cela signifie que le cabinet conserve ses locaux, son organisation, son dirigeant. Ce dernier reste à la tête de son entreprise, dans le respect des spécificités locales et de la culture du cabinet », souligne-t-il.

Ce choix n'est pas anodin. Il repose sur une conviction forte : la libéralité de la profession est une condition essentielle à la qualité du conseil prodigué. C'est ce lien direct, personnel, entre l'expert-comptable et son client, qui garantit un accompagnement pertinent, adapté, et porteur de valeur. « En préservant cette proximité, nous renforçons également les opportunités de développement : les synergies entre cabinets permettent de créer de nouvelles offres, de faciliter les ventes croisées, et de stimuler la croissance de chacun, dans le respect de son positionnement initial », indique Maxime Ridel.

Des défis structurels

En France, l'expertise comptable représente un marché de 20 milliards d'euros, porté par près de 19 500 cabinets et plus de 146 000 employés. Ce secteur, en profonde mutation, fait face à des défis majeurs. Le premier, l'adoption de la facturation électronique, l'intelligence artificielle et l'automatisation des tâches comptables transforment en profondeur la profession. « L'émergence d'outils technologiques performants permet désormais d'automatiser une grande partie de ces processus. Il s'agit là d'une opportunité décisive, celle de libérer du temps utile que le professionnel pourra consacrer à ses clients, à leurs problématiques spécifiques, à leur accompagnement stratégique, plutôt qu'à la stricte production comptable », décrit Maxime Ridel.

Le second, est lié à un déficit de ressources humaines « qui touche l'ensemble des niveaux de compétence, depuis les jeunes diplômés jusqu'aux professionnels expérimentés, et concerne non seulement les experts-comptables, mais également l'ensemble des métiers de la comptabilité », assure-t-il. Plus de 60 % des jeunes diplômés privilégient des carrières en entreprise plutôt qu'en cabinet, tandis que la charge de travail élevée et le manque de perspectives freinent l'attractivité du métier.

Ensuite, l'attractivité de la profession est un enjeu colossal. « Cela suppose non seulement des moyens, mais aussi une dynamique collective, un souffle nouveau pour le métier. Et cela passe notamment par la mise en lumière de missions à forte valeur ajoutée, porteuses de sens pour les collaborateurs », indique-t-il. Maime Ridel pense que l'audit RSE est, par exemple, un domaine en pleine structuration, appelé à connaître une forte croissance. « Ce marché, du fait de sa nature, pourrait légitimement être investi par les cabinets comptables, dont les compétences en matière d'analyse d'agrégats chiffrés sont pleinement mobilisables. En offrant à leurs collaborateurs la possibilité de se former sur ces enjeux nouveaux et de s'investir dans des missions à impact, les cabinets créent des perspectives de développement professionnel enrichissantes », assure-t-il. Moins de comptabilité, plus de conseil : telle est l'évolution vers laquelle tend la profession. « Et c'est en cela que les talents pourront non seulement être attirés, mais surtout fidélisés », indique-t-il.

Une transformation du secteur nécessaire ?

Cependant, l'objectif de regroupement et de fédérer plusieurs cabinets autonomes ne doit pas rompre avec la libéralité de la profession, le principal risque. Le danger serait de voir émerger uniquement de grands groupes intégrés, une tendance que l'on observe déjà dans d'autres pays, où le marché est bien plus consolidé. Maxime Ridel souligne « que la transformation du secteur passera par un mouvement de consolidation. En revanche, s'agissant des opérations quotidiennes au sein des cabinets, notre objectif est clairement d'accélérer leur digitalisation ». Pour lui, certains cabinets restent encore peu ou pas du tout digitalisés. « Le véritable enjeu réside dans la vitesse à laquelle évoluent les outils et les technologies, cela exige un ajustement permanent, une actualisation constante des pratiques ». Or, les professionnels sont déjà fortement sollicités, et tout le temps qu'ils consacrent à suivre cette évolution est du temps qu'ils ne peuvent pas dédier à leur coeur de métier. « C'est pourquoi, dans les cabinets que nous intégrons, nous avons pour ambition de transformer les opérations selon deux axes prioritaires : la diversification des services, d'une part, et la digitalisation des processus, d'autre part ».

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