Carrière - Pensez à soigner aussi votre départ
Publié par Eve Mennesson le - mis à jour à
Au cours d'une carrière, on est amené à changer d'entreprise plus d'une fois et donc à la quitter. Un départ qu'il s'agit de soigner, ne serait-ce que pour une question de réputation. Pour cela, identifier un successeur et surtout laisser des process clairs et lisibles à son remplaçant font partis des prérequis d'un départ dans de bonnes conditions.
Démission, retraite, licenciement... Au cours de sa carrière, le Daf est plusieurs fois amené à quitter une entreprise. Un départ qu'il s'agit de soigner, ne serait-ce que pour une question d'image. «Tout au long de sa carrière, on veille à rester fidèle aux valeurs que l'on porte. Sa propre réputation est en jeu et cela n'est pas négociable», souligne Alexis Bazin, CFO de Precision Valve Corporation. Ainsi, il est nécessaire de préparer son départ afin de laisser à son remplaçant des process clairs, mais aussi de l'anticiper pour trouver au plus vite un successeur qualifié.
Organisation, talents, process et outils
Chaque départ est différent puisqu'il peut se faire pour cause de retraite, de licenciement ou de démission. Et dans ces deux derniers cas, les raisons conduisant à cette situation peuvent également être variées, avec plus ou moins de tension. Ainsi, si l'on part pour rejoindre sa région d'origine ou pour relever un nouveau défi dans une autre entreprise, cela est plus simple que si des divergences d'opinions avec le dirigeant conduisent à un licenciement ou à une démission. Mais, quelle que soit la raison, il n'est pas élégant ni profitable à sa réputation de partir en claquant la porte. « Celui qui part doit s'assurer que les choses sont bien organisées et que tous les process sont écrits. Les données et les tableaux de bord doivent être accessibles, les informations et les dossiers doivent être transférés facilement,» énumère Aurélien Boucly, director of permanent talent chez Robert Half, qui conseille également de notifier ce qui fonctionne bien et ce qu'il reste à améliorer.
Préparer le terrain pour le suivant est donc important. Xavier Cruchet, actuel Daf de la coopérative laitière Prospérité fermière Ingredia, a veillé à transmettre à son successeur chez Bridgestone (son ancienne entreprise où il était Daf Europe de l'Ouest) les sujets sur lesquels il avait travaillé, mais également quelques bons tuyaux pour que tout se passe bien. Il l'a même appelé au bout de cent jours : « J'ai passé dix-neuf ans chez Bridgestone. Faire une bonne transition était important pour moi, par respect pour l'entreprise et pour les gens qui m'ont fait confiance, » indique-t-il.
Pour soigner son départ, Alexis Bazin insiste sur le quadriptyque « organisation, talents, process et outils », qui fonctionne aussi bien quand on est en poste que lorsqu'on s'apprête à le quitter. « L'organisation finance doit être la plus adaptée possible, en étant lisible pour tout le monde. Chaque talent doit ensuite être à la bonne place au sein de cette organisation, et cela doit se faire dans cet ordre. Ce sont les deux prérequis pour pouvoir définir et mettre en place les bons process, mais qui ne sont pas durables et soutenables sans les bons outils et systèmes d'information. C'est cette plateforme qui permet les transitions en douceur, » estime-t-il.
Programme de rétention des talents
Il n'y a donc pas que les process et l'organisation qui sont importants quand on quitte une entreprise, mais aussi les outils et les talents. Sur ce dernier point, on peut s'assurer avant son départ que chaque collaborateur est bien à sa place, mais aussi chercher, au sein même de son entreprise, son successeur. Un exercice qui n'est malheureusement pas facile dans le cas d'un Daf, qui est souvent recruté à l'extérieur. Mais cela n'empêche pas Xavier Cruchet d'anticiper la question. « Je vais dans ma 54e année : si je ne vis pas dans la peur de perdre mon travail, j'ai envie de transmettre ce que je fais et je me demande qui pourrait être à ma place dans 5/6 ans, sachant que le personnel est une denrée rare », raconte-t-il.
Une question qui s'accompagne du sujet du développement des talents. « On va identifier des talents dans l'entreprise par rapport à leurs compétences, des personnes capables de remplacer les départs d'hommes ou de femmes clés, et développer leurs compétences par l'intermédiaire de coachings et des formations, » rapporte Xavier Cruchet, qui cite le cas d'une personne que l'entreprise ne veut pas voir partir, mais à qui il manque une âme de manager. Les personnes ainsi identifiées ne sont pas forcément dans le service de la personne à remplacer : il arrive à Xavier Cruchet de déceler dans ses équipes des talents pour devenir directeur d'usine, par exemple.
Surtout, Xavier Cruchet se montre soucieux de la rétention des talents. « Je me demande comment faire pour conserver les quadras, sachant que nous faisons face à de nombreuses démissions, » explique Xavier Cruchet. Ainsi, un programme de rétention des talents est en train de se mettre en place afin de donner de la visibilité aux personnes sur leur progression possible au sein de l'entreprise. « Il n'est pas facile de donner un plan de carrière à une personne, car des pistes se créent par opportunité. Mais je voudrais que les gens puissent passer de service en service, » relate-t-il, préconisant également qu'un membre du Codir serve de mentor aux talents ainsi identifiés. Le Daf pense également que la qualité de vie au travail (QVT) est nécessaire pour retenir les talents et insiste pour offrir aux collaborateurs de beaux outils digitaux, une bonne mutuelle, du télétravail sur son lieu de vacances, mais aussi des crèches et des solutions de mobilité (covoiturage, remboursement des abonnements de train, bornes électriques...).
Xavier Cruchet reconnaît cependant qu'il est difficile de trouver en interne une personne pour remplacer un Daf, tant cette fonction est transverse. « Il faut être un business partner, mais aussi dominer des sujets techniques fiscaux et comptables » décrit-il. Un fait qu'approuve Aurélien Boucly, qui observe davantage de recrutement en externe pour remplacer un Daf. Il pense cependant qu'un départ peut être l'occasion de valoriser des collaborateurs, de les mettre en avant, même si le poste de Daf en tant que tel ne peut pas leur être proposé. « Attention cependant à ne rien faire miroiter, car les choses peuvent être différentes avec le nouveau Daf, » met-il en garde.
Se projeter dans sa future entreprise
Cette identification des talents peut aussi être l'occasion pour un Daf de partir avec des collaborateurs. « Certaines situations sont propices à l'embauche d'anciens collaborateurs. La première des barrières à cette pratique est d'ordre moral, la deuxième étant d'ordre légal lorsque des clauses de non-sollicitation sont en place. Il faut veiller à bien rester en conformité sur ces deux sujets, » souligne Alexis Bazin. Mais un ancien collaborateur que l'on sait talentueux et qui semble peu valorisé dans son entreprise peut être contacté pour rejoindre sa nouvelle équipe. Ou pour être envoyé dans une autre entreprise. « C'est aussi un succès quand on voit d'anciens collaborateurs gravir les échelons dans d'autres belles entreprises, » avance Xavier Cruchet.
Enfin, préparer son départ, c'est aussi se projeter dans sa future entreprise. « Il faut savoir se projeter rapidement. Lorsque l'on rejoint une nouvelle entreprise, le défi peut être important, car il faut à la fois sécuriser la transition de ce que l'on quitte tout en commençant à s'impliquer dans la fonction que l'on prend, » estime Alexis Bazin. Un vrai défi que le Daf, armé de ses nombreuses qualités, est tout à fait en mesure de relever.
Zoom - Anticiper le départ des autres
Anticiper et préparer son propre départ, c'est important. Anticiper et préparer le départ des autres, c'est essentiel également. D'autant plus lorsqu'il s'agit de personnes clés qui peuvent être difficilement remplaçables. Un rôle que le Daf peut jouer de par sa position transverse. « Du fait de leur interaction permanente avec l'ensemble de l'organisation, les Daf sont en mesure d'identifier des signaux faibles. Au-delà de leur responsabilité première, ils peuvent jouer le rôle de capteurs », observe Alexis Bazin. Concrètement, Aurélien Boucly conseille d'être vigilant vis-à-vis des personnes qui occupent un poste depuis 3/4/5 ans. « Elles peuvent avoir envie de faire autre chose et être approchées par d'autres organisations », note-t-il. Son conseil : être attentif lors des entretiens individuels quant aux souhaits d'évolution, d'augmentation, vis-à-vis des points de satisfaction et de frustration. « Il faut être sensible à leurs attentes », résume-t-il. Mais certains départs ne peuvent pas être évités : les anticiper en les identifiant le plus en amont possible permettra cependant de mieux les préparer. Et notamment d'identifier les bonnes personnes en interne. Xavier Cruchet conseille pour cela de faire des bilans de compétences à 360° qui interrogent les capacités et la personnalité des potentiels remplaçants. « Il ne faut pas attendre pour réaliser ces bilans de compétences afin de s'assurer que la personne que l'on prépare au poste correspond bien », insiste Xavier Cruchet. Le travail de préparation serait, sinon, à recommencer et se ferait avec moins d'entrain.