Sauvegarde financière accélérée : une procédure encore (trop ?) peu utilisée
Publié par Stéphanie Gallo Triouleyre le | Mis à jour le
La procédure de sauvegarde financière accélérée a été mise sous le feu des projecteurs il y a quelques semaines avec l'ouverture d'une SFA par Europcar. Très peu utilisée, elle constitue pourtant un outil intéressant dans l'arsenal des dispositifs à destination des entreprises en difficulté.
Depuis la mise en oeuvre du dispositif en 2014, les procédures de sauvegarde financière accélérée (SFA) ouvertes chaque année se comptent sur les doigts d'une main. L'année 2020 ne déroge pas à la règle mais le nombre de procédures SFA ouvertes a tout de même été plus important que d'habitude avec 5 procédures, contre une à deux habituellement d'après les données d'Ellisphère. Les entreprises Technicolor, LC Bois, Des Alpines, BDV SAS et, fin 2020, Europcar Mobility Group ont ainsi opté pour la SFA l'année dernière.
" Cette procédure est effectivement très peu utilisée, pourtant elle constitue un outil très intéressant pour une entreprise en difficulté. En particulier pendant cette période de crise exceptionnelle ", commente Carole Dessus, avocate associée au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre, et spécialisée en restructuring. " Cette procédure peut désormais être envisagée par toutes les entreprises puisque les ordonnances Covid de mai 2020 la rendent accessibles pour quelques mois encore à toutes les sociétés, quel que soit leur effectif et le montant de leur chiffre d'affaires. La seule obligation : avoir des comptes consolidés ou certifiés ". Jusqu'à mai 2020, il fallait justifier d'au moins 20 salariés et/ou un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros. A noter : l'entreprise sollicitant une SFA ne doit pas être en cessation de paiement depuis plus de 45 jours.
Dans quels cas solliciter une SFA ?
La sauvegarde financière accélérée, aussi appelée prépack à la française, s'adresse aux entreprises contraintes de renégocier leur dette financière. Attention, la SFA concerne uniquement les créanciers financiers, pas les autres parties prenantes de l'entreprise (salariés, fournisseurs etc). Si d'autres problématiques se posent, la SFA ne constituera pas la procédure la plus adaptée.
La SFA permet, via la validation du Tribunal de Commerce, d'imposer à l'ensemble de ses créanciers financiers un plan validé par les deux tiers d'entre eux dans la phase de conciliation préalable. " La SFA permet de passer en force et d'apporter des solutions aux situations bloquées par quelques créanciers. Elle impose à tous un plan prénégocié ", souligne Christophe Basse, président du conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. " Lorsqu'une entreprise a de nombreux interlocuteurs financiers, comme Europcar et ses 150 créanciers, un accord peut être difficile à trouver. Le passage en force de la SFA est une solution éventuelle. "
Un passage en force dont la simple menace suffit parfois à faire avancer les négociations. " Souvent, le simple fait d'annoncer que mon client demandera l'ouverture d'une SFA si certains créanciers ne veulent pas adhérer au plan partagé par la majorité est suffisante pour ramener tout le monde à la table des négociations ", sourit Carole Dessus. A noter : la procédure de SFA ne comporte pas de limite de temps dans le rééchelonnement des échéances.
La rapidité : avantage majeur de la SFA
" La SFA présente un avantage majeur, sa rapidité d'exécution. Un mois, renouvelable une fois. Cela signifie que l'entreprise entre et sort de la procédure très vite. Les délais sont imposés. Nous sommes encore loin du prépack américain où tout peut être bouclé en quelques jours mais c'est néanmoins un argument significatif ", poursuit l'avocate. La phase de conciliation préalable étant confidentielle, lorsque la SFA est rendue publique, la solution est déjà prête. L'impact business est donc, en principe, moins important que dans le cadre d'une procédure traditionnelle plus longue.
Les limites
La sauvegarde financière accélérée comporte néanmoins quelques freins. D'abord, uniquement centrée sur les créanciers financiers, elle ne protège pas des autres types de créanciers. " Certains peuvent profiter de la procédure pour se positionner et attaquer l'entreprise sur d'autres aspects ", commente Carole Dessus.
Autre difficulté : elle n'est ouverte qu'aux entreprises déjà bien installées dans la conciliation puisqu'elle doit avoir l'accord préalable de deux tiers des créanciers (en montant de créance). Enfin, souligne Christophe Basse, " cette procédure est assez technique. Les entreprises recourant à la SFA doivent faire appel à des conseillers spécialisés. Cela peut donc être plus coûteux ". Un argument que l'avocate Carole Dessus relativise : " si elle permet de sauver l'entreprise et de limiter les impacts business, la SFA a toute sa place ! "