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CSRD : quels impacts sur la valeur et la capacité de financement ?

Publié par Laurence Vannetzel et Norbert Le Boënnec experts chez Onepoint le - mis à jour à

Tribune exclulsive de Laurence Vannetzel et Norbert Le Boënnec, experts en transformation des fonctions de pilotage des entreprises au sein de Onepoint. Pour eux, la CSRD marque une évolution majeure dans la manière dont les entreprises européennes doivent gérer et communiquer leurs enjeux de durabilité. Les investisseurs et les prêteurs devront désormais évaluer les entreprises non seulement sur leur performance financière, mais aussi sur leur performance ESG (environnementale, sociale et de gouvernance).

Un Impact Direct sur les Financements

À ce stade, il n'existe pas encore d'obligation réglementaire pour les acteurs du secteur financier de prendre en compte les critères RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans leurs choix d'investissement ou de financement. Cependant, la CSRD ouvre la voie à une meilleure transparence, qui à son tour influence de nombreux leviers financiers :

- Prise en compte des émissions de GES dans le scope 3 des financeurs : Pour un financeur, les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à ses investissements sont désormais prises en compte dans son propre bilan carbone. Cela signifie que les banques et investisseurs seront encouragés à allouer des fonds aux entreprises les plus durables pour rester en ligne avec leurs propres trajectoires de décarbonation.

- Image et réputation des financeurs : Le financement d'entreprises non durables, en particulier celles impliquées dans les énergies fossiles, peut avoir un impact négatif sur l'image des acteurs financiers. La prise en compte des enjeux environnementaux devient alors non seulement une contrainte de conformité, mais aussi une nécessité stratégique.

- Évaluation des modèles économiques : Les contraintes environnementales sont de plus en plus intégrées dans les évaluations des business models. Les impacts sur la solvabilité et la rentabilité des entreprises sont scrutés, car ces contraintes influencent leur capacité à générer des profits à long terme.

- Coût de la transition et investissement en capital : Pour les investisseurs en capital, le coût de la transition (notamment en période de transformation des modèles ou des processus de production) peut impacter la rentabilité des investissements. Cela représente un risque supplémentaire à prendre en compte dans l'analyse des entreprises.

- Valorisation des entreprises « en retard » de décarbonation : La tarification de la tonne de carbone émise est un élément clé de la transition. Les entreprises qui tardent à aligner leur trajectoire de décarbonation risquent de voir leurs marges pénalisées par rapport à leurs concurrentes plus vertueuses.

- Rôle de la taxonomie verte : La taxonomie européenne, complémentaire à la CSRD, apporte une clarté sur ce qui est considéré comme un investissement vert, ce qui oriente les décisions des financeurs et influence la disponibilité des capitaux pour les entreprises alignées sur ces critères.

ESG et M&A : Des Audits Incontournables

Les critères ESG ne se limitent pas aux rapports de durabilité ; ils deviennent un élément clé dans les opérations de fusion-acquisition (M&A). Selon une étude menée par KPMG auprès de 200 entreprises, investisseurs et prêteurs spécialisés en M&A, 74 % des acteurs aux États-Unis et 82 % dans la région Europe, Moyen-Orient et Afrique intègrent systématiquement les critères ESG dans leur stratégie d'acquisition. Les critères de durabilité deviennent de véritables "deal-breakers", puisqu'ils représentent la raison pour laquelle 53 % des affaires aux États-Unis et 66 % en Europe n'ont pas été conclues.

L'Évolution des Due Diligences ESG

Le même constat s'observe du côté du capital-investissement. Selon une enquête de l'association des sociétés de capital-investissement, 80 % de ses membres intègrent formellement les critères ESG dans les acquisitions, dont 70 % de manière systématique. Comme l'explique Noëlla de Bermingham, directrice RSE d'Andera Partners et présidente de la commission Sustainability de France Invest, "Les due diligences ESG sont pratiquées depuis plusieurs années, mais ce qui évolue aujourd'hui, c'est leur qualité."

La CSRD est bien plus qu'une simple directive de transparence. Elle transforme la manière dont les entreprises sont évaluées, financées, et finalement perçues sur le marché. Les critères ESG deviennent des éléments incontournables de toute stratégie financière, que ce soit pour attirer des investisseurs en capital ou mobiliser de la dette. Plus largement, cette évolution va transformer la façon dont les entreprises abordent leur propre durabilité, impactant leur valorisation et leur attractivité pour les financeurs.

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