Le capital-investissement en manque de capitaux
Publié par Yousra Senhaji le | Mis à jour le
Quatre sociétés de capital-investissement sur dix sont en situation critique au regard des capitaux disponibles pour réaliser de nouveaux investissements, et risquent de disparaître.
40% des sociétés d’investissement françaises disposent désormais de moins de 19% des fonds qu’elles gèrent pour investir dans de nouvelles entreprises, d’après une étude publiée le 4 février par l’Association Française des Investisseurs pour la Croissance (Afic), qui a mené, pour la première fois, un état des lieux des capitaux disponibles pour être investis dans de nouvelles entreprises (« dry powder »). Cette étude vient confirmer la tendance d’assèchement des capitaux alloués au secteur du private equity français depuis le début de la crise financière, après une période faste au milieu de la décennie 2000 : de 10 milliards d’euros avant 2008, les montants levés par les sociétés de capital-risque, capital-développement et LBO ont chuté à 6,4 milliards en 2011. Et cette contraction se poursuit au premier semestre 2012, puisque les acteurs du capital investissement n’ont réussi à lever qu’1,8 milliard d’euros alors qu’ils ont investi 2,3 milliards sur la même période.
Investisseurs zombies
A moins d’un retournement spectaculaire, près de la moitié des acteurs du secteur seraient ainsi purement et simplement menacés de disparaître, ou devenir des « zombies », c’est-à-dire des équipes qui n’ont plus les moyens d’investir mais qui continuent à gérer un portefeuille de sociétés existantes et à se rémunérer uniquement via les frais de gestion prélevés sur les fonds investis. Car les véhicules d’investissement de ces sociétés de gestion ont une durée de vie limitée à 10 ans, qu’ils soient issues de levées institutionnelles (FCPR) ou auprès d’épargnants particuliers (FIP et FCPI). Sur la durée de vie de ces fonds, la période dite d’investissement est limitée à cinq ans. « Quand cette période expire, le fonds ne peut plus investir dans de nouvelles entreprises, et l’équipe qui le gère risque de disparaître » comme le rappelle l’Afic. C’est pour cela que l’association professionnelles des investisseurs appelle l’Etat à la rescousse, par la voix de son président Louis Godron : « Il est maintenant indispensable que, sans plus attendre, une partie de l’épargne disponible en France vienne soutenir des projets entrepreneuriaux, pour lesquels le capital-investissement a fait la preuve, au cours des dernières années, de sa capacité à dynamiser la croissance. » Autrement dit, l’Afic réclame la création de niches fiscales supplémentaires au bénéfice de la profession et l’allocation d’une partie de l’assurance-vie à ce secteur.
Le désamour des épargnants
Or, la tendance est plutôt au rabotage des niches fiscales déjà existantes, qui incitent les épargnants individuels à investir dans des fonds d’investissement de proximité (FIP) pour les PME matures, ou des fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) pour des jeunes pousses, moyennant une réduction de leur impôt sur le revenu et/ou de leur ISF. Cette manne qui avait réussi à drainer près d’un milliard d’euros d’épargne des particuliers vers les FIP et FCPI en 2008 s’est contractée de plus de 40% pour ne plus représenter que 646 millions d’euros en 2012, d’après les statistiques publiées le 13 février par les deux associations de gestionnaires de fonds Afic et AFG.
Derrière ce désamour des épargnants pour cette classe d’actifs, la baisse des incitations fiscales qui érodent l’attractivité des fonds IR depuis trois ans : en 2012, la réduction d’impôt dont bénéficient les souscripteurs de ces produits a été ramenée à 18%, après être passée de 25% à 22% l’année précédente. Quant aux fonds ISF,la collecte a fondu de moitié entre 2008, année de mise en place du dispositif qui avait attiré 571 millions d’euros et 2012 qui a péniblement levé 237 millions. Après le repli des institutionnels sous la contrainte du durcissement des normes prudentielles, les professionnels du capital-investissement assistent ainsi, impuissants, à l’érosion de leur base de souscripteurs particuliers. La disparition d’une partie des acteurs, devenus trop nombreux, semble inéluctable.