L'ICO, un nouveau levier de financement à surveiller
Publié par Bénédicte Gouttebroze le - mis à jour à
Des millions d'euros obtenus en quelques jours, heures, voire secondes: les records des ICO, ces levées de fonds en cryptomonnaies, ont placé ce nouveau dispositif sous les feux de l'actualité financière. Une aubaine à ne pas manquer? Attention, terrain glissant!
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L'équivalent de 3 milliards de dollars a été levé en ICO (Initial coin offering) depuis janvier 2017. Ce chiffre, annoncé début octobre par le site de veille Coinschedule, a de quoi faire rêver plus d'un Daf en quête de financements. Sur le principe, la démarche est assez simple: l'ICO est une méthode de levée de fonds fonctionnant via l'émission d'actifs numériques, appelés tokens ou jetons, échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d'un projet.
Le token correspond généralement à un droit d'utilisation des services de l'entreprise, sa définition précise sera propre à chaque projet. "C'est un dispositif à mi-chemin entre le crowdfunding et l'introduction en Bourse", résume Tristan Colombet, CEO et fondateur de DomRaider, qui a mené récemment une ICO afin de financer un projet de plateforme décentralisée pour la gestion d'enchères à portée mondiale. L'entreprise annonçait début octobre avoir vendu 560 millions de jetons, l'objectif initial étant de réunir 35 millions d'euros.
"Le point crucial est qu'il faut que le token créé ait une valeur intrinsèque." Alexandre Tachtchenko, Blockchain Partner
Mais ce nouvel eldorado où l'argent coule à flots est-il accessible à tous? Le dispositif est récent, et "pour l'heure, les entreprises qui y ont recours sont surtout des acteurs du numérique qui intègrent dans un projet une composante forte blockchain et cryptomonnaie", souligne Tristan Colombet. "Pour le moment, l'ICO concerne avant tout les start-up", confirme Alexandre Stachtchenko, cofondateur de Blockchain Partner, structure qui accompagne les entreprises dans leurs projets blockchain et ICO. L'expert estime qu'"il n'y a pas un secteur d'activité qui s'y prête plus que d'autres. Les tokens mis en vente peuvent être des points de fidélité, des monnaies internes de services, des droits de vote... Le point crucial est qu'il faut que le token ainsi créé ait une valeur intrinsèque."
Rapidité, absence d'equity... Les atouts séduction de l'ICO
La ruée des start-up vers les ICO s'explique par les multiples avantages qu'offre ce dispositif, bien plus souple que le recours au capital-risque, par exemple. "Au stade de maturité de notre société, nous n'aurions pas pu envisager une opération d'une telle ampleur via une levée de fonds classique", confirme le fondateur de DomRaider.
Alexandre Stachtchenko, quant à lui, identifie cinq principaux atouts de l'ICO: "Une portée mondiale by design", puisque la levée de fonds se fait sur Internet en cryptomonnaie, permettant ainsi à tout le monde d'investir. Deuxième avantage: "0% d'equity", donc pas de dilution du capital. Le troisième: "Les montants sont levés très rapidement et en quantité importante", mais cet avantage est amené à se réduire avec la régulation à venir (voir encadré). Quatrième atout: "La désintermédiation: pas de plateforme comme pour le crowdfunding, donc les frais sont réduits." Et enfin "la création d'une communauté qui est, par définition, intéressée à ce que le projet réussisse", car si le projet ne rencontre pas de succès, le token acquis ne vaudra plus rien! "Une ICO permet de fédérer une vraie communauté d'investisseurs, mais aussi des prescripteurs du produit", confirme Tristan Colombet, qui précise que la levée de fonds de DomRaider a permis de donner une dimension internationale au projet, avec plus de 75% d'investisseurs hors de France.
L'épineuse question de la régulation
Définition légale des jetons (titre financier ou non?) et des cryptomonnaies, problématiques liées au risque de blanchiment, règles de KYC... Beaucoup de questions restent en suspens autour de l'ICO. "Le cadre réglementaire n'est pas encore arrêté, rappelle Tristan Colombet, CEO et fondateur de DomRaider. Nous avons donc travaillé avec des conseils spécialisés, en nous appuyant sur les quelques jurisprudences existantes autour des cryptomonnaies pour nous rapprocher des réglementations boursières, à défaut de cadre défini. À cet effet, nous avons transmis, de manière informelle, notre documentation à l'AMF et effectué une demande de rescrit auprès de l'administration fiscale." Par ailleurs, l'identité des investisseurs qui participent à une ICO n'est pas vérifiée lorsqu'ils envoient des fonds via un smart contract et reçoivent, en échange, des tokens. C'est pourquoi DomRaider a fait le choix de ne pas déployer son smart contract avant la fin de son ICO: l'idée étant de vérifier les coordonnées de chaque investisseur, afin de respecter les règles de KYC.
En Suisse, la Finma (Financial market supervisory authority) a ébauché un début de réglementation en octobre, en précisant que "si la création de jetons (token) par l'organisateur de l'ICO correspond à une émission de moyens de paiement, alors la loi sur le blanchiment d'argent s'applique". La Chine, pour sa part, a adopté en septembre une position bien plus radicale en interdisant les levées de fonds en cryptomonnaies.
Côté français, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé le 26 octobre une consultation publique sur les différentes possibilités d'encadrement envisagées pour les ICO. L'objectif: déterminer dans quelle mesure le droit existant peut s'appliquer à ce nouveau dispositif, et quelles sont les évolutions nécessaires. Enfin, une charte de bonnes pratiques, l'ICO Charter, visant à autoréguler le secteur en Europe, a été signée et publiée par six acteurs du secteur en octobre. Cependant, le vrai enjeu est au niveau européen: les experts attendent donc la position de la Commission européenne.
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