Capital humain, pierre angulaire d'une stratégie de rebond
Publié par Stéphanie Gallo le | Mis à jour le
Les chiffres, les indicateurs, les tableaux de bord, le bordage juridique et autres sont des incontournables de toute bonne stratégie de retournement. Mais dans ces opérations de sauvetage, il ne faut pas oublier un critère essentiel de la réussite du projet : la mobilisation des collaborateurs.
« En général, la stratégie de rebond d'une entreprise repose principalement sur des expertises financières et juridiques. Elles sont indispensables mais pas suffisantes », explique Karine Iglicki, directrice régionale de Talent Solution France et membre de Prévention et Retournement, association regroupant plus de 200 professionnels de tous métiers spécialisés dans l'accompagnement d'entreprises en difficulté (administrateurs et mandataires judiciaires, avocats, professionnels du chiffre et du financement, des ressources humaines et du management, des banquiers spécialisés etc). Pour l'experte, « pour être pérenne dans le temps, il est indispensable que cette stratégie soit couplée à la dimension humaine ».
Le capital humain, parent pauvre du retournement
Marc Conçu, associé chez Procadres International Management de transition et lui aussi membre de Prévention et Retournement, abonde : « ce qu'on appelle le capital humain, c'est-à-dire la force des ressources humaines présentes dans l'entreprise, est très clairement le parent pauvre des stratégies de retournement. Trop souvent, la direction se focalise sur le droit et les chiffres. Et pourtant, on sait à quel point ces ressources humaines peuvent constituer un critère fondamental de la réussite d'un retournement ». Pourquoi cette trop faible prise en compte de l'aspect humain ? « Probablement parce que la problématique financière est plus urgente, elle peut faire échouer le projet immédiatement ou à très court terme. Le sujet du capital humain parait moins prioritaire mais à moyen terme, il peut de la même façon faire basculer le retournement du mauvais côté ».
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Les deux experts de l'accompagnement des entreprises en difficulté martèlent : « malgré toutes les due diligences, malgré toutes les précautions, malgré le meilleur plan de retournement du monde (financièrement et juridiquement parlant), malgré tous les moyens qui seront injectés, si les collaborateurs ne sont pas des parties prenantes positives du projet, s'ils n'y croient pas, ou pire, s'y opposent, le plan finira pas échouer. Dans une stratégie de retournement, une entreprise ne peut pas se permettre de perdre des compétences clés, cela la mettrait en danger. Il faudrait alors qu'elle recrute, ce qui est extrêmement difficile pour une entreprise en difficulté, en particulier dans un contexte de marché de l'emploi tendu comme c'est le cas actellement ».
Le sujet est donc plus que primordial, et, à en croire les deux membres de Prévention et Retournement, la tentation de remettre à plus tard le sujet des ressources humaines est à bannir absolument.
Les leviers d'action
Dans cette perspective, plusieurs leviers peuvent être activés pour motiver et emmener les collaborateurs dans le projet de retournement. Même s'il est évident qu'il est forcément plus complexe de faire briller les yeux des salariés dans une entreprise en retournement que dans une entreprise en pleine croissance.
Premier outil à utiliser, la communication. « Il est recommandé de communiquer avec toutes les strates de l'entreprise. Et de manière respectueuse, transparente. Les collaborateurs n'aiment pas qu'on leur mente, qu'on leur fasse miroiter de belles histoires, ils préféreront largement savoir exactement où en est l'entreprise. La mobilisation sera plus efficace », conseille Karine Iglicki, mettant en garde quand même contre le délit d'entrave.
Deuxième levier : mobiliser le management intermédiaire afin d'emmener l'ensemble des équipes en déclinant une stratégie claire et compréhensible, avec du sens et respectant les valeurs historiques de l'entreprise.
Troisième axe de mobilisation : la stratégie des petits pas, avec des objectifs à court terme, très cadencés qui permettront aux collaborateurs de constater rapidement les retombées de leurs efforts et les conforteront dans leur mobilisation.
Sur ce chemin collectif, le directeur financier doit être aux côtés du dirigeant pour l'épauler et lui rappeler ces enjeux, dans une étape souvent difficile à vivre pour le chef d'entreprise. « Dans les étapes de retournement, le directeur financier est souvent sursollicité, il est sur tous les fronts et doit surveiller attentivement les indicateurs. Mais il ne doit surtout pas oublier que l'entreprise est un tout, il doit savoir relever le nez de ses tableaux de bord pour expliquer aux salariés la situation et leur montrer, dès que c'est possible, les petits signes d'amélioration », insiste Marc Conçu.