Comment adapter son management face à la multiplication des crises ?
Publié par Florian Langlois le | Mis à jour le
Des crises de plus en plus fréquentes viennent frapper les entreprises. Au milieu de tout cela, le Daf se doit de modifier son management tout en se préparant au mieux pour affronter une future crise. Quatre experts donnent leurs solutions pour atteindre ces deux objectifs.
Les crises se succèdent pour les entreprises et semblent être de plus en plus rapprochées en termes de temporalité. L'exemple le plus marquant étant celui de la crise Ukrainienne, intervenue moins de deux ans après la crise Covid. Pour une entreprise, comment est-il possible de définir une crise ? Pour Virginie Bergeron, Daf de transition et coach, il s'agit de « quelque chose qui n'est pas prévu. Il peut y avoir des crises négatives, comme celle du Covid, mais aussi des crises plus positives comme une crise de croissance. A ce moment-là, l'idée est de se développer, mais cela génère tout de même une crise importante à l'intérieur de l'entreprise », détaille-t-elle à l'occasion d'une table ronde durant 100% Finance intitulée « Savoir manager de crise en crise ».
Clotilde Marchetti est associée Grant Thornton, spécialisée dans la gestion de crise. Elle s'intéresse aux crises "négatives". Selon elle, pour une entreprise, une crise peut se définir par quelque chose qu'elle n'a jamais vécu. « Les entreprises ont toutes un rapport différent à une crise en fonction de son secteur d'activité, sa culture, son environnement de contrôle et son histoire par rapport à des crises précédentes. »
Elle cite en exemple deux entreprises qu'elle a pu accompagner, qui n'avaient pas la même définition du mot crise. « Une entreprise de luxe considérait que 2 centimètres d'eau dans l'une de ses boutiques, c'était une crise avec un grand C. A côté de cela, j'ai aussi pu travailler avec des clients spécialisés dans le sport extrême qui considéraient qu'un ou deux morts n'était pas une crise pour eux, car c'est quelque chose qu'ils avaient déjà eu à gérer. C'est ce curseur, qu'il va falloir placer par rapport à des situations, qui est extrêmement important parce qu'il va permettre de déterminer à partir de quel moment l'entreprise se sent démunie par rapport à ces moyens habituels du quotidien. »
A partir de ce constat, la 7ème vague du Covid n'est alors pas une crise pour Sophie Bombezin, Daf du groupe Belambra, frappé de plein fouet par la première crise Covid en 2020. « La première crise a été totale, brutale et inattendue. Maintenant, pour ce genre de phénomènes, on est beaucoup plus dans la récurrence et dans l'adaptation. Cela devient une adaptation de process, d'accueil de clients, de vente et on ne la traite pas du tout comme une crise en tant que telle. »
La difficile gestion des équipes
Dans ce contexte très instable, difficile pour les Daf d'adapter leur mangement. Ces derniers ont tout de même appris beaucoup des différentes crises, notamment dans la gestion de leurs équipes. « De notre côté, la principale difficulté avec la crise Covid a été de devoir gérer à la fois quelques personnes extrêmement impliquées qui travaillaient du matin au soir et d'en avoir d'autres, dans les clubs de vacances, complètement à l'arrêt, rapporte Sophie Bombezin. En termes de management, la crise nous a montré qu'il fallait à la fois être concentré sur la gestion de crise (sécuriser la trésorerie, sécuriser l'ensemble des leviers clés) et en même temps penser à la suite, aussi bien au niveau business qu'au niveau des équipes à réembarquer par la suite. »
Raphaël Savy, VP Europe du Sud chez Alteryx met de son côté l'accent sur l'accélération de la transformation numérique et le côté humain qui est ressorti de la crise Covid. « On est passé d'une transformation basée sur des outils à une transformation centrée sur des compétences et des humains. Il a fallu se demander comment former ces personnes, comment faire monter une équipe en compétences. Cette crise a vraiment permis de se recentrer sur l'humain et je crois que c'est une bonne chose. »
De cette crise du Covid, Virginie Bergeron a également tiré des leçons qui lui serviront en cas de nouvelle perturbation. « Une crise a un rythme et des respirations. Il est important, même quand on est en pleine crise, d'arriver à trouver des moments de respiration pour son équipe. J'encourage aussi à travailler la cohésion d'équipe notamment entre deux crises. Plus vous aurez travaillé cette cohésion, plus vous aurez des équipes qui savent pourquoi elles sont là, qui savent travailler ensemble, qui prennent plaisir à travailler ensemble et qui seront capable de mieux réagir en temps de crise. S'il y a déjà des tensions avant les crises, les équipes peuvent exploser en vol à la première difficulté. »
Davantage prêtes à affronter les crises
Comme dit précédemment, la crise du Covid a frappé violemment les entreprises, sans doute pas assez préparées à un tel épisode. Tout laisse à croire que ces dernières sont désormais davantage prêtes à affronter une nouvelle crise. Virginie Bergeron assure que cela passera par une réelle maturité digitale. « On sait que quand il y aura une crise, quelle qu'elle soit, il y aura besoin de data. On ne sait pas forcément lesquelles mais c'est vraiment le bon moment pour digitaliser son entreprise et savoir au moins où sont les datas. Il faut être sûr que tous les indicateurs (marketing, financiers, commerciaux) sont cohérents et se parlent de façon à ce que, quand il y aura une prochaine crise, on sache où aller chercher cette data qui est vraiment cruciale pour réagir. »
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Raphaël Savy va plus loin en insistant sur le fait que cette data doit être accessible à tous. « Avec le télétravail, chaque salarié d'une entreprise doit avoir accès aux données. Elle doit également être compréhensible par tous. Il y a donc une notion de démocratisation de la data qui était auparavant réservée à des équipes pointues dans l'entreprise ou dans des départements très spécifiques qui est arrivé dans d'autres départements qui y sont peut être moins familiers. C'est par exemple le cas du département finance, qui est aujourd'hui le premier département de transformation dans les entreprises. »
"La préparation et la planification sont aussi importantes"
Sophie Bombezin rebondit en mettant l'accent sur l'importance de l'humain pour faire face aux futures crises. « Le volet humain est essentiel pour se préparer. Il y a deux choses importantes, la première est de tirer les leçons des crises précédentes et notamment en assurance et réassurance pour les équipes. La deuxième est d'identifier des personnes clés. En interne, ce sont les personnes sur lesquelles on va pouvoir compter pour avoir les bonnes datas, les bonnes réactions sur le terrain. En externe, il faut essayer de trouver de bons interlocuteurs comme une agence média ou un avocat. Chaque crise appelle une analyse différente, en revanche le fait d'avoir ce dispositif avec des interlocuteurs clés, lui, reste le même."
Clotilde Marchetti appelle néanmoins à la prudence. « Il faut être très modeste sur ces sujets-là, notamment quand on est sur la phase de préparation, car la crise à laquelle vous allez être confronté ne sera jamais celle sur laquelle vous avez travaillé. C'est vraiment la raison pour laquelle la préparation et la planification sont aussi importantes. Ce n'est pas tellement le sujet ou l'évènement qui va être important mais plutôt la manière dont on va travailler ensemble »
Enfin, Grant Thornton a réalisé une étude sur l'état de préparation à la gestion de crise des entreprises. Il en ressort qu'elles ont fait de grands progrès sur ces sujets-là. « On est dans un contexte qui est de plus en plus réglementé qui impose de mettre en place ce genre de dispositif, note Clotilde Marchetti. Après, tout le monde n'est pas équipé de la même manière. Cela va dépendre du secteur, de la taille de l'entreprise, mais aussi de l'appétence des dirigeants pour ces sujets-là. Il y a encore des dirigeants qui détestent la gestion de crise, qui détestent se préparer à ça parce qu'ils ont peur du jugement, » conclut-elle.
Attention aux black swan
Dans l'optique d'être opérationnel face à une future crise, il est important de mieux prendre en compte les black swan, ces évènements clairement improbables mais d'autant plus imprévisible. « Ces cygnes noirs sont très intéressants car ils nécessitent une nouvelle approche dans la manière d'envisager ces événements qui ne sont pas réellement cartographiés dans les outils habituels de l'entreprise. Il faut alors réfléchir à la façon de faciliter le niveau de préparation face à ces évènements qui ont une probabilité extrêmement faible et des impacts très lourds, notamment quand ils sont de source extérieure à l'entreprise et donc difficilement maitrisable, » analyse Clotilde Marchetti.