Quel Daf êtes-vous ?
Publié par Camille George le | Mis à jour le
En fonction de l'entreprise dans laquelle on évolue, de son environnement, du contexte, un Daf fait appel à des compétences bien précises. Expert, bâtisseur, transformeur, communicant, pompier... Dans quel profil vous reconnaissez-vous le plus ?
Au cours d'une carrière, parfois au sein de la même entreprise s'il s'agit d'un grand groupe, un Daf peut être amené à vivre plusieurs vies ou en tous cas à passer par plusieurs phases (croissance, restructuring, M&A...). De plus, les compétences évoluent avec le temps et les expériences professionnelles. C'est entendu. Il n'empêche que chaque individu a ses « majeures », ces compétences et qualités indissociables de son profil. Dès lors de grandes tendances, de grands profils peuvent être établis. Daf expert, bâtisseur ou architecte, « transformeur », opérations, pompier ou encore communicant, chacune de ces typologies requiert un savoir-faire particulier dans lequel, en fonction de sa personnalité, de sa formation, ses expériences et ses appétences naturelles, on se sent plus ou moins à l'aise. Alors quel type de Daf êtes-vous, dans quel profil vous reconnaîtrez-vous et vous épanouirez-vous ? Bien qu'il soit vain d'essayer de faire rentrer des gens dans des cases, et sans tomber dans la caricature, Daf Magazine a tenté, avec l'aide des experts Valtus, de dessiner le portrait-robot des principaux profils de Daf en partant des compétences et des périmètres couverts.
Avant même de parler de profil, certains éléments exogènes tels que la taille de l'entreprise, sa structure actionnariale, son secteur d'activité, son environnement de marché (hypercroissance ou décroissance) influent sur le type de compétences à mettre en oeuvre. « Une entreprise familiale, sous fonds de private equity (PE), cotée ou non cotée, ne fera pas appel aux mêmes profils de Daf. Les éléments sectoriels et les vitesses de cycles jouent également beaucoup. Si l'entreprise évolue sur des séries où le marché bouge tous les 6 mois ou bien tous les 20 ans ça n'implique pas les mêmes réflexes et compétences », explique Lionel Gouget, directeur associé Valtus en charge de la verticale Finance. Bien sûr des éléments sectoriels entrent également en jeu : on ne demande pas les mêmes réflexes à un Daf dans l'industrie, dans la banque-assurance, dans le secteur public ou parapublic ou encore le service ou la distribution. Si des passerelles existent, généralement un financier dans le secteur de l'industrie reste dans l'industrie, idem dans le public et le parapublic. « Les passerelles existent mais ne sont pas natives en tant que telles », souligne Lionel Gouget. Il faut donc le vouloir et être capable de prouver qu'on sera capable de passer de l'un à l'autre. « C'est par exemple possible si le CV reflète déjà plusieurs changements de secteurs, ou si on a prouvé qu'on est adaptable que ce soit en termes de taille d'entreprise que de secteur d'activité », détaille Audrey Niang, Talent Consultant chez Valtus.
Lire aussi : Portrait-robot du dirigeant financier du futur
L'importance des cycles
A partir du moment où les phases de ruptures de l'entreprise (hypercroissance, crise, changement de typologie d'actionnariat, etc.) deviennent majeures par rapport au sectoriel cela peut l'emporter sur le reste dans le choix du profil de Daf qu'il faudra solliciter. « La population Daf a quand même la chance d'avoir un aspect fonctionnel qui l'emporte sur pas mal d'aspects sectoriels, c'est une de nos grosses forces dans ce domaine-là. Ne serait-ce qu'en fonction de tous ces éléments, un Daf au sein d'une même entreprise peut être amené à vivre un changement de typologie, de profil, de positionnement appelez-le comme vous voulez, auquel il s'adaptera ou pas, » souligne Lionel Gouget, qui est bien placé pour en parler. En effet, s'il est associé Valtus depuis 2 ans, il a d'abord été Daf pendant 25 ans dans des environnements variés. Il est ainsi passé par des phases de croissance, de structuration, puis de grosse restructuration et d'un environnement plutôt familial à un environnement de fonds. Or ce sont bien lors des phases de ruptures que l'entreprise peut avoir besoin d'une nouvelle compétence et ressentir le besoin de changer de Daf. « La rupture se fait en général en quelques mois donc soit on accroche, soit on décroche », estime-t-il.
Aujourd'hui, le poste de Daf dans sa globalité peut recouvrir tellement de champs et tellement de situations que le directeur financier qui sait tout faire est devenu rarissime. « Même le profil « couteau suisse » en tant que tel n'ira pas dans certaines fonctions notamment les fonctions très techniques ou très communicantes vis-à-vis des marchés, de la communication financière et RSE. Vient un moment où il est impossible d'intégrer la totalité de la palette des savoir-faire, » pointe Lionel Gouget. Ceci ajouté au rythme de transformation exigeant des entreprises qui pivotent à une vitesse incroyable en ce moment. « Les Daf se retrouvent à devoir faire face à une adaptation du marché assez complexe. Cela joue aussi sur le degré de rotation et de turn over plus élevé qu'à une certaine période dans ces populations-là, au moins dans certains environnements, » indique Audrey Niang.
Lire aussi : Quel avenir pour le Daf ?
D'ailleurs, les experts Valtus constatent qu'un pivot s'opère dans la recherche même de postes : « on passe doucement d'une quête de CDI réguliers à un format as-a-service ». A la fois du côté de l'entreprise, qui doit pivoter rapidement et voit ses cycles s'accélérer, et du côté du collaborateur dont les attentes évoluent. « Pour les entreprises, les besoins sont différents d'une période à l'autre : on passe d'une phase d'hypercroissance, structuration, stabilisation, à de l'hyperdécroissance, etc. C'est aussi toutes les phases d'intégrations, d'acquisitions et puis les phases de migrations et d'amélioration de performance qui aiguilleront vers un profil plutôt qu'un autre », détaille Lionel Gouget. Côté collaborateur, les experts Valtus constatent que les Daf ont moins tendance à se projeter dans une entreprise pour 25 ou 30 ans mais souhaitent de plus en plus accompagner une entreprise aux phases dans lesquelles ils s'épanouissent. « Ce qui explique aussi certains changements pour accompagner un projet en lien avec une phase en particulier. Cela va avec la quête de sens. On constate une vraie accélération vers ce format mission, projet », note Audrey Niang. « Et dans ce cas-là, à titre personnel on en revient toujours à ses majeures et sur des cycles dans lesquels on se sent bien », complète Lionel Gouget. Tour d'horizon des principaux profils et leurs majeures :
1. Le Daf Expert
C'est le gardien du temple, des règles, des normes et de la conformité avec un profil extrêmement technique. Il n'est pas très éloigné du Daf Communicant par certains côtés notamment tout ce qui touche à la communication financière, la relation investisseurs, les levées de fonds ou la RSE. Une dimension communicante assez forte s'ajoute aux bases expertise pour adresser le marché en parallèle.
Ses compétences principales : fortement technique sur la RSE, la conformité, l'audit interne, les normes IFRS, il a des compétences juridiques et secrétariat général solides.
Ce profil évoluera essentiellement dans des environnements très réglementés.
Il est généralement issu d'un parcours en expertise-comptable.
2. Le Daf Bâtisseur ou architecte
Orienté vers l'interne, il assure la structuration de la fonction, la mise en place des process, des ERP, CSP, etc. C'est le bâtisseur de la fonction financière. Ce Daf-là sera à même de faire pivoter la fonction.
Ses compétences principales : de vraies compétences en process et outils. Il est capable de gérer les migrations de SAP et autres. Ses compétences sont aussi organisationnelles, il saura changer les process, mettre en place un CSP, imaginer l'automatisation de la fonction, etc.
Il a un côté méthodique et de bonnes compétences en conduite de projet et change management.
A noter : il y a de plus en plus de profils mixtes : 50 % finance 50 % chef de projet SI.
3. Le Daf Transformeur
C'est le pendant du Daf bâtisseur mais plus orienté vers l'externe avec tout ce qui touche à la transformation du business modèle, l'intégration, le changement de gouvernance, la variation de périmètre. Lui, saura faire pivoter l'entreprise dans un nouvel environnement.
Ses compétences principales : à la fois des compétences en M&A ou a minima la compréhension du M&A. Il est capable de transcrire un modèle opérationnel en modèle financier et d'accompagner les transformations de business model. Il a donc des capacités à faire des business plan et plans de transformation, à les financer et à faire bouger les lignes de manière à faire « grandir la maison ». Lui aussi a des compétences en change management mais avec une dimension stratégique en plus. Il fera du change management sur la partie haut de bilan, structuration et les opérations plutôt transversales que terrain.
C'est dans cette catégorie là qu'on retrouve le plus de profils issus du conseil.
4. Le Daf Opérations
Le Daf Opérations est le business partner par excellence. Il accompagne les opérationnels et est couteau suisse. Grâce à sa curiosité pour le business il est très transverse et saura faire le lien entre la direction générale et le terrain.
Compétences principales : il maîtrise la data et ses outils comme la BI avec une forte partie contrôle de gestion. Il est doué pour comprendre les besoins business au jour le jour, optimiser la performance, améliorer le Bfr. Il a des facilités à la mise en place de KPI au sens financier et opérationnel (déclinaison fine du taux de transformation, taux de fréquentation, panier moyen...) et des capacités à modéliser tous ces éléments.
Souvent issu du contrôle de gestion, il s'est souvent formé sur le terrain en évoluant au sein de l'entreprise.
A noter : la dimension sectorielle dans ce domaine-là est très importante.
5. Le Daf Pompier
C'est le Daf qui interviendra dans les formats de changements brusques, d'urgence, de crise. L'accompagnement d'ultra croissance et ultra décroissance sont ses environnements de prédilection.
Compétences principales : adaptabilité, flexibilité et résilience sont ses atouts clé. Il est capable de garder un recul en toute circonstance et de faire le grand écart dans ses prévisionnels court terme / long terme en permanence. Il maîtrise la gestion de crise. Il sait comment vérifier que le business model fonctionne à 5 ans et dans le même temps comment faire la paye dans 15 jours et définir s'il tiendra les 13 semaines du rolling 13 traditionnel. Il a cette capacité à gérer les 3 axes cash.
C'est probablement le profil le moins technique du point de vue normatif et comptablo-financier du terme mais avec des réflexes juridiques et gestion du risque beaucoup plus forts. Il est aussi fédérateur avec ses équipes et sait faire tampon pour diminuer la pression.
A noter : ce sont les profils de Daf qui connaissent les cycles de turn over les plus rapides (3ans ou 5 ans maximum dans un poste).
6. Le Daf Communicant
Il possède une base technique assez importante ou une équipe avec une base technique assez importante. Il sera capable de raconter une histoire longue, une equity story, de faire un plan de projection à long terme à destination des marchés.
Ses principales compétences : il a des compétences de communication bancaires, à destination des actionnaires et des marchés cotés. C'est un bon story teller. Il a une capacité à comprendre à la fois le business et les chiffres en tant que tels et à les interpréter pour les traduire en communication financière, qu'elle soit communication financière pure format marché ou à destination des actionnaires (fonds ou banque). Côté technique, il saura gérer des aspects très analytique, très techniques.
A noter : un vrai manque de profils féminins dans les profils Daf Communicants par rapport à la demande des entreprises. Elles ont un mode de gouvernance différent qui est de plus en plus demandé et recherché par les entreprises.
Conseils :
-Il faut se connaître suffisamment pour savoir ce qu'on sait faire (hard skills), et ce qu'on veut faire (soft skills). Ce n'est pas si évident qu'on le croit mais cela vaut la peine de faire l'exercice.
-Un bon coaching peut aider pour prendre conscience des réalités du marché sans s'y laisser enfermer.
-Assumez ce que vous êtes, ce que vous savez faire et ce pour quoi vous êtes bon !
-Dimensionnez vos équipes en fonction des creux et bosses à venir.
-Il ne faut pas hésiter à demander un renfort ponctuel dans une phase de bascule d'un environnement à un autre. Cela sera d'ailleurs bien mieux perçu si la demande vient du Daf lui-même plutôt que d'attendre que le fonds ou l'actionnaire vous l'impose.
-Faites ce que vous avez envie de faire, une carrière n'est jamais linéaire.