Femmes en finance : vers plus de mixité
Publié par Pauline Cardinaud le - mis à jour à
Les femmes occupent de plus en plus de postes à responsabilité dans la finance. A travers le témoignage de plusieurs professionnels, Daf Magazine fait le point sur la parité dans ce secteur, et sur les améliorations possibles.
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des postes dans les hautes sphères de la finance et de l'économie mondiale : la nouvelle Secrétaire d'Etat au Trésor aux Etats-Unis est une femme, la ministre des Finances au Canada également, l'Organisation Mondiale du Commerce est désormais dirigée par la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala. Les Françaises ne sont pas en reste avec, bien sûr, Christine Lagarde à la tête de la Banque Centrale Européenne, Odile Renaud Basso qui préside la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (Berd), et Delphine d'Amarzit à la tête de la Bourse de Paris. Inspirants, ces succès personnels ne sont toutefois que la partie émergée de l'iceberg : la réalité de la place des femmes dans la finance est plus mitigée.
Françoise Savès, présidente de l'Association des Femmes experts-comptables, indique que les femmes représentent 28 % des effectifs de son métier, " mais leur proportion se réduit à mesure de l'avancée dans la carrière en cabinets : elles sont très motivées au début de leur carrière, mais plus elles avancent en âge, plus il leur est difficile de supporter le stress chronique, le management à la dure et la culture du présentiel qui y règne... " Sur ce dernier point, elle pointe que le télétravail qui s'est généralisé pendant la crise sanitaire a changé la donne et facilité leur vie : " le télétravail a permis aux femmes de gagner du temps : il faut absolument que cet avantage perdure après la crise ! "
Un management complet
Dans la finance d'entreprise, les choses progressent. " Nous avons de plus en plus notre place dans ce secteur ! estime Clelia Lemaire, Daf de Mutuaide Assistance, mais il est vrai que si je regarde autour de moi il n'y a pas tant de femmes que cela... " Sibylle Blumenfeld, administratrice DFCG et présidente du groupe Daf sous LBO, indique pourtant : " avoir une femme dans les instances dirigeantes est un facteur de performance pour les entreprises : elles sont plus prudentes dans leur façon de gérer, plus ouvertes au changement, et leur présence permet une diversité de points de vue, moins de consanguinité... " Ce que confirme Charles Legrand, Daf de Culligan : " travailler avec une femme m'aide à voir des choses que je ne vois pas. Les femmes ont une plus grande sensibilité aux émotions, aux leurs et à celles des autres, et c'est un vrai plus pour le management ! " Spécialiste du sujet, puisqu'elle forme des femmes à prendre place dans les instances dirigeantes des entreprises, Françoise Savès enfonce le clou : " Les actifs féminins comme la faculté d'écoute, l'empathie, les soft-skills, deviennent des valeurs de plus en plus recherchées. A l'exclusion de celles qui répercutent sur leurs équipes le management brutal qu'elles ont pu subir dans leur carrière, les femmes ont un style de management est très complet : bienveillance, attention aux émotions, sensibilité au bien-être au travail... "
La polyvalence : véritable atout
Même constat du côté de Claire Vandromme, Daf de la foncière Apsys : " les femmes sont bien armées pour les postes de Daf, de par leur polyvalence et leur intérêt pour le bien commun. Elles font avancer les dossiers sans états d'âme et s'assurent que l'intendance fonctionne, sans forcément chercher à se mettre en avant. " Clelia Lemaire abonde dans le même sens : " le métier de Daf est un métier d'échéances : nous devons tout mettre en oeuvre pour que tous les trains arrivent à l'heure. Notre polyvalence est un véritable atout. " Du côté des organisations professionnelles, les choses évoluent aussi dans le bon sens : au sein de l'association DFCG, les femmes sont de mieux en mieux représentées. Elles forment 1/3 des effectifs de présidents de région, et le nombre d'administratrices élues ne cesse de croître. Créé pour coacher les femmes dans la finance, le groupe " DFCG au féminin " organise des événements sur des problématiques qu'elles peuvent rencontrer : confiance en soi, développement du réseau... Ce groupe les aide également à décrypter les attitudes à adopter pour progresser au quotidien. En effet, " les hommes ont leurs codes, relève Claire Vandromme. Pour avancer, nous devons nous les approprier ! "
Un équilibre nécessaire
A ce sujet, Clelia Lemaire souligne un point amusant : " les hommes pensent souvent que les femmes qui occupent des postes de direction sont tyranniques ou ont un caractère très fort. Ce n'est pas du tout mon cas, au contraire : j'ai pu réussir en étant bienveillante et à l'écoute de mes équipes... " Pour Sylviane Teil, Daf chez Xefi, " la sphère professionnelle doit être asexuée ! Quand je recrute en moyens généraux, comptabilité, ou finance, je recherche des compétences, un savoir-être et un sens de l'engagement, et non un homme ou une femme... " Charles Legrand, lui, explique avoir eu un choix à faire dans son équipe de management : " J'ai récemment eu un recrutement à faire pour chapeauter mes contrôleurs de gestion. Il n'y avait que des hommes dans l'équipe. J'ai vraiment voulu recruter une femme, pour la rééquilibrer. Une autre fois, j'ai vécu une réorganisation d'entreprise à la suite de laquelle les 5 directeurs nommés étaient des hommes : cela m'a surpris. Pour moi, ça ne va pas dans le sens de l'histoire. " Les vieux réflexes ont la vie dure : certains hommes vont spontanément choisir des hommes pour travailler avec eux. Pour se mettre au diapason de la société, les entreprises doivent décourager cette posture d'endogamie, et favoriser la féminisation des postes à responsabilité : " le monde change sous nos yeux à grande vitesse, les entreprises ont besoin de toutes et tous ! " indique Françoise Savès. L'Etat les y incite de plus en plus, au moyen de quotas et d'obligations de déclaration, comme prévu par la loi sur l'égalité économique et professionnelle qui a été adoptée le 12 mai à l'Assemblée Nationale (cf encadré).
A mesure que ces quotas seront mis en place, il va falloir des viviers de plus en plus importants de femmes pour occuper ces rôles à responsabilité. L'article 5 de la loi prend le sujet à la source, puisqu'il prévoit la mise en place de mesures visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes dès la formation : " les formations dispensées aux élèves de collège s'attachent, notamment en ce qui concerne l'orientation et la découverte des métiers, doivent lutter contre les stéréotypes de genre qu'ils peuvent induire ", indique la loi. Pour Françoise Savès, c'est un point important car les préjugés culturels influencent les filles dès le plus jeune âge : " Il faut déconstruire les stéréotypes de genre et orienter les jeunes femmes vers des études scientifiques, seules à même de déboucher sur des carrières dans la finance. Les femmes sont généralement amenées à occuper des rôles dans le secteur social, de la santé et les lettres, tandis que les hommes ont plus tendance à s'orienter vers les sciences : cela doit changer ! "
Les quotas, moteurs de la parité en entreprise
L'Etat légifère régulièrement pour accroître la mixité dans les entreprises. Ainsi, la loi sur l'égalité économique et professionnelle, qui vient d'être adoptée à l'Assemblée Nationale, instaure des quotas dans les entreprises de plus de 1000 salariés : l'objectif est d'imposer 30 % de femmes aux postes à plus haute responsabilité en 2027, puis d'atteindre 40 % en 2030. Cette loi complète la loi Copé Zimmermann de 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, qui, elle, impose une représentation des femmes " pas inférieure à 40 % " dans les conseils d'administration des entreprises de plus de 250 personnes.