Quels impacts des amendements à IFRS 17 publiés en juin dernier ?
Publié par Gaël Léger, Associé RSM le - mis à jour à
La publication de l'exposé-sondage ED/2019/4 du 26 juin 2019 a marqué le début d'une période de commentaires de trois mois, qui s'achèvera le 25 septembre 2019. La date d'application obligatoire proposée par l'IASB reste toutefois fixée au 1er janvier 2022.
La nouvelle norme IFRS17 relative aux contrats d'assurance, dont l'application est fixée au 1er janvier 2020, implique de profonds bouleversements en matière de communication financière. Son implémentation va nécessité une forte implication des actuaires aux côtés des comptables. C'est un vaste chantier de mise en oeuvre qui doit être lancé dès maintenant pour les acteurs du secteur.
Périmètre d'application
Les contrats prévoyant la fourniture d'une carte de crédit, assortis d'une garantie d'assurance (vol, perte, bris ...) sont exclus du périmètre d'application d'IFRS 17, sauf si le risque d'assurance est explicitement pris en compte dans le tarif payé par le client. A contrario, les prêts assortis d'une garantie décès (assurance emprunteur) sont éligibles (au choix) à IFRS 9 ou à IFRS 17, dès lors que le contrat d'assurance prévoit une indemnisation limitée au montant restant à rembourser par l'assuré.
Ces modifications ouvrent la porte à de potentielles interprétations " extensives " de la norme, qui ne faciliteront pas la comparabilité.
Étalement des frais d'acquisition des contrats
Les frais d'acquisition directement attribuables à un groupe de contrats peuvent être étalés sur une durée qui prend en compte les renouvellements attendus des contrats. Les frais d'acquisition ainsi reportés (qui s'apparentent à des charges constatées d'avance) sont inscrits à l'actif du bilan.
Leur caractère recouvrable doit être évalué sur la base des faits et circonstances. La prise en compte des renouvellements " attendus " devra toutefois être encadrée.
Étalement de la marge contractuelle de service sur les contrats participatifs indirects
Les marges futures (identifiées comme étant la marge contractuelle de service) peuvent être étalées au-delà de la période de couverture du contrat, dès lors que l'assureur continue à faire bénéficier l'assuré de services liés aux actifs sous-jacents du contrat, tant que ce dernier n'est pas éteint. L'enjeu est clairement ici d'augmenter la période d'étalement des marges futures. L'allongement de la durée d'étalement des marges futures est cependant compensé par l'obligation de communiquer de façon explicite sur la répartition de la marge entre période de couverture et période de gestion des actifs sous-jacents.
Impact de la réassurance proportionnelle sur les groupes de contrats onéreux cédés
L'amendement offre la possibilité de constater un produit dans le compte de résultat, à hauteur de la perte constatée sur les groupes de contrats onéreux, multipliée par le pourcentage de cession proportionnelle (qui correspond à la quote-part de la perte supportée par le réassureur). En revanche, actif et passif, ainsi que perte et profit ne peuvent être compensés.
Présentation des actifs et passifs d'assurance et de réassurance dans le bilan
Ce point est probablement un de ceux qui génèrent le plus de critiques. En effet, l'IASB propose de distinguer, à l'échelle des portefeuilles de contrats (d'assurance et de réassurance), ceux qui constituent des actifs nets de ceux qui constituent des passifs nets.
Alors qu'intrinsèquement et historiquement, on distinguait les provisions techniques au passif (constitutives des engagements pris vis-à-vis des assurés) des provisions techniques cédées à l'actif (qui correspondent aux risques cédés aux réassureurs), l'IASB propose de compenser en présentation créances et dettes, dépôts espèces payés et reçus et provisions techniques, en distinguant toutefois les opérations d'assurance et de réassurance, à l'échelle d'un portefeuille.
Une telle présentation entraînera un détail plus important à fournir dans les annexes.
Application de l'option d'atténuation des risques financiers
Cette option concerne les contrats participatifs directs (i.e. dont les actifs sous-jacents sont cantonnés), dans le cas où l'assureur utilise des instruments dérivés pour atténuer le risque financier associé aux placements. Elle permet d'immuniser la marge contractuelle de service contre les fluctuations de valeur des placements, dès lors que la " relation de couverture " ainsi mise en place est explicite. Il s'agit, dans les faits, plutôt d'une couverture de juste valeur et non du risque de crédit. Dans le cas de ces contrats, dont les actifs sous-jacents seront probablement évalués en juste valeur par résultat, ce type de " relation de couverture " prend alors tout son sens.
Allègement des règles liées à la transition
Dans le cadre de la transition, les engagements à payer des sinistres liés aux portefeuilles de contrats acquis dans le cadre d'un regroupement d'entreprises en application d'IFRS 3 pourront être pris en compte dans les provisions techniques, si l'entité applique l'approche de la juste valeur (approche dite simplifiée).
De même, si l'entité applique l'option d'atténuation des risques financiers, elle pourrait appliquer l'approche de la juste valeur en lieu et place de l'approche rétrospective (qui constitue la méthode préférentielle) ; dans ce cas, les critères d'application de l'option d'atténuation des risques financiers doivent être respectés.
Considérations sémantiques
L'IASB considère la possibilité de modifier la terminologie relative aux contrats d'assurance, en remplaçant le terme " couverture " par " service ". Il est clair qu'un tel glissement sémantique autoriserait une interprétation plus large de la durée effective du contrat et permettrait un rythme d'étalement des marges futures plus adapté.
En synthèse, beaucoup de de bruit pour rien ?
Au final, si certaines de ces propositions sont susceptibles de recueillir un avis favorable de la part des commentateurs, l'essentiel des " sujets qui fâchent " n'a pas fait l'objet d'une rédaction alternative. Pour mémoire, les principaux axes de lobbying sont les suivants :
La perspective de nouvelles passes d'armes entre les assureurs et l'IASB n'est donc pas à exclure.
Pour en savoir plus
Gaël Léger, directeur du pôle conseil finance et expert technique assurance chez RSM.