Vers plus de contrôles financiers dans les Ehpad
Publié par Florian Langlois le - mis à jour à
A la suite du scandale qui a touché Orpéa en début d'année, sur son usage des fonds publics, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a annoncé le renforcement des contrôles dans les Ehpad. Un renforcement qui passera par une plus grande transparence dans les comptes de ces établissements.
C'est une révolution dans le monde des Ehpad. En mars dernier, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran a annoncé lancer une campagne qui vise à contrôler les 7.500 Ehpad présents sur le territoire français dans les deux prochaines années. La cause de ce chamboulement ? Le scandale Orpéa. En début d'année, le groupe d'Ehpad privé s'était retrouvé dans l'oeil du cyclone après la publication d'un livre qui pointait du doigt des dysfonctionnements au sein du groupe, notamment dans son usage des fonds publics.
Aujourd'hui, sur 7.500 Ehpad, seulement 10% sont contrôlés, « car le contrôle du secteur n'est ni prévu, ni organisé pour cela, explique Aude Maresq, expert-comptable et commissaire aux comptes. Les ARS (Agences Régionales de Santé) financent les Ehpad, elles demandent des comptes-rendus financiers mais c'est extrêmement rare qu'elles se déplacent sur site pour faire des contrôles de nature financière. »
La nécessité d'une vision globale des comptes
Actuellement, le mode de financement des EHPAD ne contribue pas à la transparence financière « Aujourd'hui, dans les EHPAD, il y a plusieurs sections de financement : il y a une comptabilité générale qui suit les comptes de l'EPHAD. Mais en fonction de la nature des dépenses, celles-ci relèvent soit du budget soin, qui est financé par l'ARS, soit du financement dépendance qui est un financement de l'ARS et du conseil départemental, soit de la section hébergement, qui est à la charge des résidents et pour laquelle il peut y avoir des aides sociales, » analyse Aude Maresq.
Le risque réside dans le fait que les tutelles n'aient pas une vision globale sur l'ensemble de ces comptes. « Quand les Ehpad rendent des comptes à la tutelle, par exemple pour l'ARS, ils n'envoient que la partie soin, et non l'ensemble des dépenses et c'est à ce niveau-là qu'il peut y avoir des fraudes de présentation. De plus, l'ARS n'a pas moyen de vérifier, à moins de diligenter un contrôle de nature financière dans l'établissement afin de regarder l'ensemble des comptes. C'est quelque chose qui se fait encore beaucoup trop peu. Il faudrait que les tutelles aient la capacité de demander l'ensemble des comptes d'un établissement. Mais il y a une difficulté supplémentaire pour les groupes commerciaux, c'est le fait qu'ils peuvent dépendre de plusieurs ARS, reprend-elle. Les mouvements financiers avec un siège social peuvent également complexifier l'analyse des comptes."
Les promesses de l'Etat
Pour augmenter ce nombre de contrôles, le ministère de la Santé promet une augmentation des effectifs des ARS avec une centaine de recrutements. Il affirme également que « les services d'inspection et de contrôle des comptes » auront désormais la possibilité de « contrôler la section hébergement » des Ehpad commerciaux. Ce droit sera notamment accordé à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Ces institutions financières ne peuvent aujourd'hui vérifier que les recettes et dépenses financées par l'argent public. D'autre part, les Ehpad commerciaux devront également transmettre à l'ARS une comptabilité plus détaillée.
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Reste la question des contrôles inopinés, peuvent-ils être une solution intéressante pour éviter que les établissements aient le temps de se préparer ? Pas pour Aude Maresq. « Quand on est une structure avec plusieurs entités, il peut y avoir des flux entre plusieurs établissements qui sont difficiles à tracer. Je ne pense pas qu'un contrôle comptable inopiné sur un établissement puisse permettre de voir ce genre de choses. Les contrôles qualité inopinés peuvent être intéressants en revanche afin d'évaluer la qualité des services et prestations des établissements »
Enfin, la commissaire aux comptes tient tout de même à rappeler que ce qui s'est passé chez Orpéa est loin d'être la norme. « C'est un scandale qui est malheureux et qui implique des évolutions, mais c'est très loin d'être ce qui se passe partout, » conclut-elle.